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Je le croyais stable et aimant, c’était un homme violent et manipulateur

Cette lectrice sort d’une relation abusive avec un homme manipulateur et violent, qui lui disait l’aimer et vouloir passer sa vie avec elle. Mais ce n’est pas ça, l’amour. Pour aider celles et ceux qui seraient victimes du même mode opératoire, elle a souhaité témoigner.

Le 18 février 2021

Une année de Covid-19, un confinement, deux trois swipes sur Tinder, et me voilà à discuter avec lui. Un interne en médecine, à la barbe bien garnie et au physique attrayant. 

Nous échangeons des messages, quelques banalités, quelques blagues… Nous apprenons à nous connaître. Confinés, mais avec une profonde envie de nous rencontrer, nous commençons à nous appeler, à discuter, à rigoler.

Un début d’histoire qui semble parfait

Notre première rencontre est idyllique : après une randonnée, nous observons un coucher de soleil magnifique, buvons du vin, et tout semble parfait. Quelques karaokés, un apéro et une pizza plus tard, notre histoire commence. Nous passons une nuit merveilleuse et nous voilà déjà accrochés, fusionnés, passionnés.

Dans son petit appartement au cœur de la ville, le soleil tape sur la fenêtre. Les réveils sont doux, les soirées rythmées par des moments de tendresse, et les sentiments semblent pointer le bout de leur nez.

Très vite, il me couvre de romantisme et de mots d’amour. Je lui plais, je me sens belle, je suis sur son piédestal. Compliments, flatteries, nos cœurs s’emballent. Les semaines passent, et comme la notion de temps paraît irréelle dans cette utopie amoureuse, nous allons vite. Nous rencontrons nos familles respectives, partons en voyages, enchaînons les déclarations d’amour intenses… Nous sommes heureux.

Quand les premières soirées avec nos cercles de proches arrivent, la dégringolade commence : je vois déjà un autre visage. 

Quand il boit, les choses changent

Ce mec bien habillé, qui prenait soin de lui et était si sociable, ce mec qui, par son métier de médecin incarnait la confiance et la stabilité, avait un attrait immodéré pour l’alcool. Après un verre, puis un autre, une bouteille, puis une autre, il se métamorphosait sous mes yeux. 

Les yeux vitreux, il tentait de s’exprimer par borborygmes et titubait. J’ai immédiatement mis ça sur le compte d’une souffrance cachée, d’un traumatisme qu’il aurait tenté de fuir dans l’alcool. Cela me rassurait.

Quelques semaines plus tard, première soirée avec ses copains. Alors que nous venons de chanter amoureusement du Céline Dion, les quantités d’alcool s’accumulent. Fatiguée et ayant peur de le revoir ivre mort, je décide d’aller me coucher, mais il me saisit le bras violemment. Apeurée et choquée, je m’en suis allée dormir quelques rues plus loin, dans l’appartement de son frère. Dès cette fois, j’aurai dû réagir, comprendre, mais après quelques excuses, j’acceptais son comportement.

Au retour des beaux jours, avec l’immense joie de la période de fin de confinement, l’envie viscérale d’être heureuse m’habite. Aux premiers barbecues de la saison, ses comportements excessifs se multiplient. Alcool, drogues, Xanax, médicaments… Il enchaine les black-outs, et ne maîtrise plus ses comportements. Au point qu’un jour, je tente de le contrôler en portant mon poing à son visage. 

Mais nous chantions, nous rigolions, je l’aimais.

Des violences physiques, qu’il tente d’estomper avec des mots d’amour

Hormis ces soirées désinhibées, tout paraissait parfait. Nous voyagions, nous étions épanouis, nous nous projetions dans l’avenir. Quelques mois à peine après notre rencontre, nous parlions achat d’un appartement commun, mariage, enfants, les projets d’une vie.

Il me répétait sans cesse qu’il m’aimait, que j’étais la seule, la femme de sa vie, sa plus belle histoire, il s’agenouillait devant moi, prenant mes proches à témoin pour me déclarer son amour.

Bien sûr les soirées d’excès perduraient et nos disputes prenaient de plus en plus d’ampleur, mais j’avais confiance en notre amour, j’avais cette envie de le voir changer, d’y croire.

Un soir de juillet, nous avons fêté un anniversaire. J’aurais tant aimé me souvenir de cette soirée pour d’autres raisons… Troquons bonheur et bienveillance au profit de violence et déferlement de haine. Quel tableau !

Ce soir-là, j’ai eu peur, très peur. Le voir tenter d’étrangler sa meilleure amie, briser les verres de ses lunettes, donner des coups désordonnés sur le mur de la chambre jusqu’à en casser le placo.

J’avais le sentiment qu’il avait commis un acte irréparable. Pourtant, ce poids s’est estompé après quelques mots d’amour. J’y croyais, j’espérais, encore.

Il me manipulait, me faisait culpabiliser sans cesse

Et puis, j’ai appris que ses excès d’alcool et de drogue étaient accompagnés de belles paroles auprès d’autres filles. Infidélités soupçonnées, confiance bafouée.

Alors qu’il me contait des histoires d’amour, qu’il me chuchotait des compliments plus beaux les uns que les autres, il envoyait des déclarations à son ancienne petite-amie. « Au fond, tu seras toujours l’amour de ma vie, il n’y a pas un jour sans que je pense à toi, je serai toujours amoureux de toi. »

Pour moi, c’était terriblement plus que des mots, même s’il me disait le contraire. Mais, par le pouvoir de manipulation et par l’emprise qu’il avait sur moi, il arrivait inéluctablement à des retournements de situation. Je finissais par accepter son discours, et regretter la dispute. Je me persuadais de pouvoir l’aider, le sauver, je croyais encore en son amour.  

L’auto-victimisation, l’auto-flagellation, la déresponsabilisation devenaient courantes. Pour lui, c’était toujours de ma faute. Il ne se remettait jamais en question, me faisait culpabiliser, me disait que j’étais folle. À force, j’ai fini par ressentir cette culpabilité – heureusement pas au point de remettre ce que je tout ce que je ressentais en question. 

Aujourd’hui, je prends conscience de l’atrocité de la situation

Lors d’une soirée où il manifestait des signes de violence très forts, je l’ai filmé, pour qu’il puisse, le lendemain, réaliser la gravité de ses actes. Aveuglée par mon amour pour lui, manipulée, j’espérais encore qu’il comprenne, qu’il réalise et change… Aujourd’hui, en regardant à nouveau ces vidéos, plusieurs mois après notre séparation, je prends conscience de l’atrocité de la situation et de ses mots.

Il hurlait si fort, me poussait si fort, me tordait le bras si fort…

– Tu me fais mal, tu es violent avec moi.

– Et alors ?

Je l’aimais si fort, je me projetais avec lui comme avec personne. Il me promettait monts et merveilles, et le lendemain, il me quittait. Peur de l’engagement, disait-il, troubles de l’affection.

Nous avons continué à nous fréquenter les deux mois suivants notre rupture. A chaque fois, nous savions qu’il fallait arrêter et couper les ponts, mais il me répétait son amour, un amour indéfinissable et interminable, des retrouvailles futures potentielles, et je m’accrochais.

Il envoyait des messages à mes proches, à mes amis, à ma sœur, il entretenait la relation. C’est simple, il me tenait.

À lire aussi : Nehuda n’est pas « une bonne victime » de violences conjugales, et c’est insupportable

Il me mentait, et mentait à ses autres conquêtes

Encore amoureuse, je réserve un Airbnb au cœur de la montagne, pour un week-end juste tous les deux, et décider de se « retrouver », ou se « séparer définitivement ».

Déconnecter était l’intention. Couper les téléphones, j’avais exigé.

Mais il allait aux toilettes pour consulter le sien en cachette. Alors qu’il me montrait des photos, je vis dans les plus récentes, des dizaines de selfies de lui dans la salle de bain du chalet. Il avait besoin de se sentir beau, d’être aimé, d’avoir des filles à ses pieds. C’est là que je me suis rendue compte de sa double ou triple vie.

Dans le même temps, alors qu’il me faisait l’amour et me disait qu’il m’aimait, il écrivait, à une, deux, trois filles différentes, les mêmes banalités.

« Je te veux, je te veux vraiment, tu me plais, je commence vraiment à bien t’aimer, tu es magnifique, tu es parfaite putain, tu me manques, j’ai hâte d’être dans tes bras mon cœur, je veux que toi. »

Autant de phrases, autant de mots, autant de mensonges, autant de blessures… Il entretenait des « relations » avec d’autres filles, pendant qu’il me couvrait de câlins et de mots doux.

Il me mentait, il leur mentait. Pour ses conquêtes, il était parti en week-end avec un de ses meilleurs amis. 

Tant de mensonges, tant de manipulation, tant d’emprise, un amour unilatéral. J’étais à bout, anéantie par la violence de ce que je venais de voir et de recevoir. Je suis retournée me coucher. Quand il a tenté de m’enlacer, je ne me suis pas contrôlée, et je l’ai frappé au visage.

Quand j’ai décidé de partir, il a changé de discours

C’est comme si j’avais appuyé sur la touche on d’une machine infernale. Il a rendu les coups. Il m’a serrée si fort au niveau du cou et des bras que j’en ai gardé la trace de ses doigts la semaine suivante. Nous nous sommes lancés dans un déferlement de haine et de violence. Nous nous sommes battus, littéralement. Des claques et des claques, les cheveux tirés, la gorge serrée, il était temps de partir.

Alors que je tentais de rassembler précipitamment mes affaires, il les balançait avec violence, partout, en hurlant. Il voulait jeter mon téléphone, la seule chose qui me reliait au monde du dehors.

Ensuite, il s’est excusé. Il ne souhaitait pas me faire de peine, ce n’était que des mots, il n’aimait que moi, ces filles ne représentaient rien… Il continuait à prononcer ces mots hypnotiques, pour que j’oublie, encore une fois.

Mais cette fois c’était différent. La violence avait atteint un tel niveau que j’étais décidée à partir.

Devant ma détermination, il a alors changé de rhétorique. Il m’accusait de tout, me jetait les pires horreurs à la figure.

« Tu es folle, tu es tarée, tu devrais aller en hôpital psychiatrique, tu n’as pas d’amis, tu vas te retrouver seule, tu es la pire des putes. »

Sous le déluge de mots avilissants, j’étais abasourdie, salie, meurtrie, démunie. La lèvre en sang, le visage tuméfié, je repensais, à tout, à cet amour toxique, à cette relation destructrice et aux mots qu’il a prononcés et qui m’ont marquée pour toujours. 

Quatre heures trente de route, retour à la maison. Le trajet probablement le plus long de ma vie. Sur une aire d’autoroute, il a continué la violence physique et la violence de ses mots me glaçait le sang.

Ce n’est pas ça, l’amour

Le lendemain, désemparée, vidée de sens, emplie d’une tristesse immense, j’allai faire constater mes blessures chez le médecin de garde. ITT, listing des contusions et hématomes, arrêt de travail, cauchemars. Essayer de se reconstruire.

Jusqu’au bout, il tente encore de me manipuler, un dernier message le lendemain des coups, déclaration d’amour, excuses, et cette phrase qu’il n’a cessé de répéter : « Je t’aime comme je n’ai jamais aimé, j’espère qu’un jour on se retrouvera. » D’après lui, « les comportements ont été proportionnels à ses sentiments ».

Mais ce n’est pas ça l’amour, ce n’est pas ça aimer.

Que faire pour la suite ?

Le laisser continuer de vivre sa vie en ayant détruit la mienne ? L’empêcher de nuire ? Pour l’instant, je dois avancer, je dois réfléchir, je dois me guérir.

Pour se reconstruire, il ne faut pas avoir peur de se faire aider
Victoria Mizrahi, conseillère familiale et conjugale spécialisée dans l’aide aux victimes de violences, rappelle que dans cette situation, il est très important de penser à sa sécurité avant tout.

« L’homme dont parle cette lectrice semble partager les traits caractéristiques des pervers manipulateurs et contrôlants. Dans ces situations, ils peuvent imposer un cycle d’alternance entre des phases d’excuses et de “lune de miel” et des phases de violence, ce qui est extrêmement dangereux. »

Elle souligne aussi l’importance de ne pas tomber dans un « syndrome du sauveur » :

« Il arrive que des personnes pensent pouvoir « sauver » ou faire changer un partenaire violent. Il est important de rappeler qu’en tant que compagne ou compagnon, cela n’est pas possible : même en percevant un mal-être chez la personne en question, il ne vous est pas possible de le “réparer”. Vous n’êtes pas thérapeute, et surtout, ce n’est pas votre rôle. »

Pour cette lectrice, qui a réussi à sortir de l’emprise de son agresseur, il est capital de ne pas essayer de se reconstruire seule. Certes, les proches peuvent être un soutien non négligeable dans dans ce parcours, mais Victoria Mizrahi explique :

« Pour se remettre du traumatisme, et ne pas reproduire des comportements qui pourraient nous amener à d’autres relations toxiques, il est important de prendre le temps de travailler sur soi avec une personne formée à ces questions, lors d’un suivi psychologique. »

À lire aussi : Comment reconnaître une relation abusive ?

Crédit photo : Liza Summer / Pexels

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Les Commentaires

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Avatar de Hecamede
25 février 2021 à 19h02
Hecamede
@Chat-au-Chocolat je pense que le titre vient du fait que la Madz était amoureuse, donc pas dans la capacité de cerner dès le départ la toxicité du gars . D'où le "je le croyais ....", ce nest pas une affirmation, juste son sentiment de départ, faussé par ses sentiments .
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