Rien de plus agaçant que d’être coupée dans son élan parce qu’on cherche ses mots et que, malgré tous nos efforts pour les déterrer de notre mémoire, ils semblent coincés.
Récemment, ce bug frustrant de notre cerveau semble avoir connu un pic, favorisé par l’accumulation de stress et le manque d’interactions sociales. En d’autres termes, notre cerveau est engourdi et ne sait plus comment gérer de simples discussions…
Ce phénomène s’appelle l’aphasie léthologique , un nom barbare que les internautes paniqués qui en sont atteints traduisent plus modestement par l’expression « pourquoi oubli de mots » sur Google. Et à en croire le pic de ces requêtes depuis le début de la pandémie, ce brouillard de vocabulaire n’est pas si rare !
À court de mots
Les restrictions sanitaires nous ont coupées des interactions classiques, et nous ont poussées à communiquer davantage via écrans interposés. Résultat, nous sommes nombreux et nombreuses à nous sentir rouillées quand il s’agit de discuter en face-à-face, et à avoir plus de mal à trouver le bon vocabulaire.
Ce bug linguistique, la neuropsychologue Sanam Hafeez l’explique par l’augmentation des niveaux de stress : « La pandémie a conduit de nombreuses personnes à devenir des stressés chroniques, ce qui signifie que les hormones de stress sont libérées dans le corps à des taux beaucoup plus élevés que d’habitude », expliquait-elle dans un article pour Bustle.
Selon elle, ces hormones auraient un impact négatif sur la capacité du cerveau à penser, à retrouver des souvenirs et à apprendre de nouvelles choses.
Depuis près d’un an et demi, nos habitudes ont été drastiquement chamboulées, ce qui, pour la psychologue clinicienne Mary Bethpeut, a pu conduire à un sentiment général de confusion et de fatigue mentale. D’après elle, cela rendrait la concentration et la résolution de problèmes beaucoup plus compliquée. Pas étonnant, donc, si trouver le bon mot lors de conversations est devenu un casse-tête :
« Lorsque le stress et l’inquiétude sont élevés, le centre émotionnel de notre cerveau s’active, ce qui interfère avec notre capacité à penser clairement et logiquement, et à fonctionner efficacement. »
Pour les personnes qui ont été touchées par le virus, le brouillard peut être encore plus épais ! Outre les difficultés respiratoires, la perte de goût et d’odorat, la perte de mémoire et les difficultés cognitives s’ajoutent à la liste. Des symptômes inattendus du Covid ! Sanam Hafeez explique :
« Lorsque le cerveau est enflammé, certaines fonctions cérébrales sont affectées, ce qui contribue probablement au brouillard cérébral. »
Vous perdez vos mots ? Ne paniquez pas
Le fait d’avoir un mot sur le bout de la langue sans pouvoir mettre la main dessus n’est pas propre à la pandémie. Bien avant le Covid, le manque de sommeil, l’anxiété, la dépression ou d’autres maladies altéraient déjà momentanément nos capacités à mobiliser notre vocabulaire.
Mais, comme le note la sociolinguiste Kelly Elizabeth Wright pour le magazine Sharp, le contexte de la crise sanitaire nous a amené à ressentir ces symptômes à grande échelle.
« Avec l’augmentation des interactions sociales cet été, les projecteurs ont été braqués sur ce trouble qui était jusque-là invisible pendant la majeure partie de l’année et demie écoulée. »
Ajoutons qu’il est tout à fait normal de ne pas se souvenir des 60.000 mots de la langue française — sans parler des néologismes et autres anglicismes ! Chercher ses mots est très commun. Le professeur Demonet explique très bien la bataille qui se joue dans notre cerveau à ce moment-là :
« Une partie de notre cerveau (siège de la mémoire lexicale) va sortir un nom, mais qui ne convient pas à une autre (hôte de la mémoire sémantique), détentrice, elle, des indices. Il y a alors discordance et blocage, puisque le nom énoncé va momentanément faire écran à toute autre possibilité. »
Dans ce cas, pas d’autre solution que d’attendre et d’éviter de s’alarmer sur l’état de notre mémoire.
Pas de quoi s’inquiéter si vous êtes ponctuellement à court de lexique, c’est aussi une question d’âge ! « À partir de la fin de la vingtaine, notre flexibilité mentale commence à devenir un peu moins efficace », rappelle Sanam Hafeez. En revanche, si vous repérez des oublis fréquents et des pertes de mémoire répétées, parlez-en à votre médecin.
Et puis, la mémoire, ça se travaille ! L’exercice physique, les interactions sociales, une bonne qualité de sommeil et des exercices de relaxation comme la méditation peuvent aider à acquérir une mémoire d’éléphant. Les bons vieux mots croisés et le Sudoku sont également de bons moyens d’entraîner sa mémoire pour ne plus être à court de mots !
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Crédit photo : Tirachard / Pexels
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