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Chère Daronne

Je hais ma petite poitrine, ce serait anti-féministe de me refaire les seins ?

La Daronne répond à vos questions en essayant de ne pas être trop à côté de la plaque.

La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !

La question pour la Daronne

Chère Daronne,

Avec les beaux jours qui arrivent, j’ai une angoisse qui monte de plus en plus fort, comme tous les étés. C’est la saison des baignades, et je vais devoir trouver des excuses pour ne pas me baigner en public, même si j’en crève d’envie, car je complexe terriblement sur mes tout petits seins.

Je culpabilise énormément, car à 33 ans et avec un enfant (au passage, merci à l’amour de ma vie de m’avoir tété les nichons pendant un an et d’avoir contribué à les rendre encore plus petits) je devrais enfin savoir être fière de moi et m’aimer, même si je ne corresponds pas parfaitement à ce que les hommes veulent voir. Mais voilà, mes 33 ans de vie dans un monde façonné par le patriarcat m’ont irrémédiablement lavé le cerveau.

Hier, j’ai poussé pour la première fois la porte d’une clinique d’esthétique pour me renseigner sur l’augmentation mammaire, et désormais, j’ai doublement honte. Comment est-ce que je peux me prétendre féministe avec un comportement aussi naze ?

Je précise que mon copain, qui doit finalement être plus déconstruit que moi, se contrefiche de la taille de mes seins, et est très peiné de me voir aussi malheureuse tous les étés.

Chère Daronne, je fais quoi ?

E.

La réponse de la Daronne

Mon petit raton des collines,

Ta lettre a brisé mon cœur de daronne. Un cœur devant lequel mes seins se trouvaient jadis, mais avec tous ces enfants au compteur, lesdits seins ont déménagé à l’étage du dessous. Remarque, c’est pratique puisque si quelqu’un me tire dans la poitrine un jour, il visera la cuisse.

Je pense que tu le sais déjà et que nous n’allons pas avoir besoin de nous étendre trop longuement sur le sujet, mais, avoir une petite poitrine, ce n’est pas grave. Je ne suis même pas certaine que les hommes – puisque tu me parles d’eux- en aient quelque chose à fiche de la taille de soutifs de leurs femelles. Crois-en mon expérience, ce que les mecs trouvent surtout ultra-sexy, c’est une meuf qui s’occupe des mômes sans râler pendant qu’ils jouent peinards à la console.

Mais le problème n’est pas là, n’est-ce pas ? S’il avait suffi de te débiter deux trois généralités pour te convaincre de faire tomber le t-shirt, tu ne m’aurais pas écrit, je me trompe ? Non, car ta Daronne ne se trompe jamais.

Quand tu ne peux plus niquer les complexes toute seule

En lisant ta lettre, j’ai repensé à plusieurs de mes meilleures amies de toujours. Comme toi, elles étaient très insatisfaites de cette partie précise de leur anatomie.

Seulement voilà, après des années de subterfuges plus ou moins subtiles pour masquer une absence trop évidente de protubérances (selon elles, évidemment, j’aurais payé cher pour avoir une silhouette comme la leur), ce complexe s’est de moins en moins invité dans nos conversations, sans même qu’on s’en rende compte.

Un jour, j’ai réalisé que nous n’abordions plus jamais le sujet et que les soutiens-gorge push-ups s’étaient progressivement transformés en brassières, pour enfin disparaître complètement. Elles avaient vieilli et si elles rêveraient toujours de quelques tailles en plus, le problème n’en était plus vraiment un.

Malheureusement, pour certaines, le lâcher-prise tant attendu n’a pas lieu. Ce n’est pas faute d’essayer, et le premier qui te suggère de te détendre et de ne plus y penser, je te jure, je lui latte la tronche. Si à 33 ans, tu n’arrives toujours pas à te raisonner, je pense que ton malaise s’étend au-delà du simple complexe. Je t’invite à te renseigner sur la dysmorphophobie, un trouble psychologique caractérisé par le rejet irrationnel d’une partie de son corps, et qui se manifeste indépendamment de ta bonne volonté et de tes convictions.

L’augmentation mammaire, pas féministe ? Elle dit qu’elle ne voit pas le rapport

Comme je sais à quel point les phobies et les angoisses irrationnelles peuvent bouffer la vie, je te conseille bien entendu de consulter un professionnel de la santé mentale pour discuter de ce complexe. Tu te dis peut-être que ce n’est pas si grave, qu’il y a pire, et effectivement, il y a pire dans l’existence que de ne pas se baigner alors qu’on adore ça. Mais il y a aussi mieux : par exemple, tu pourrais te baigner et vivre ta meilleure vie, tel un gardon joyeux qui frétille dans la rivière.

En revanche, même si discuter de cela avec un thérapeute va te faire beaucoup de bien, tu peux parfaitement envisager une augmentation mammaire en parallèle. Quand j’ai parlé de ce courrier et de ta culpabilité à une des amies citée plus haut, elle m’a spontanément répondu : « Ah non au contraire ! Moi, je trouve ça super féministe, parce que c’est ça le féminisme, faire ce qu’on veut de nos corps ! « . Je prêchais déjà pour cette paroisse, mais sa réaction enthousiaste n’a fait que confirmer mon point de vue.

Ce qui est féministe, c’est de s’autoriser à faire ce dont on a envie. Non seulement le patriarcat nous colle des complexes poisseux depuis des siècles, mais il faudrait en plus de ça qu’on culpabilise d’essayer de les niquer, ces putains de complexes ? NON ! Si tu veux te refaire les seins, refais-toi les seins et kiffe tout ce que tu peux. Et même que si tu as envie d’apprécier les regards gourmands des fennecs de la plage, EH BIEN TU PEUX !

On n’est pas obligé d’aimer son corps

Les complexes gluants sont d’autant plus pénibles à naviguer à une époque où l’injonction au body positive inonde nos fils Instagram.

Je nous souhaite à tous d’apprécier nos corps comme les temples sacrés de nos âmes qu’ils sont. Malheureusement, je sais aussi que beaucoup de gens entretiendront des rapports compliqués avec leur enveloppe corporelle tout au long de leur vie. Alors, on va arrêter deux secondes avec les trucs de « la beauté, c’est dans la tête » et les visuels de soleil couchant marqués d’une phrase inspirante du genre « Aime ton corps, il porte ta vie ». La beauté ce n’est pas dans ta tête qu’elle réside, mais dans les yeux de ceux qui t’aiment (chaque semaine, je vous enchante avec mes phrases poétiques, n’est-ce pas ?). Tu n’as pas besoin de te trouver sublime, ni même passable, pour mériter ta place dans ce monde.

Je le dis comme je pense : vous nous gonflez avec vos injonctions à l’amour de soi, à la paix intérieure et à l’auto-compassion. Laissez les gens s’arranger comme ils peuvent, avec ce qu’ils ont, et acceptez-les, même si eux n’y arrivent pas encore.

Et toi là, lectrice, viens me faire un gros câlin, tu as eu beaucoup de courage d’oser en parler et demander de l’aide. Allez, smush smush sur tes joues.

La bisette,

PS : J’attends des photos de toi en maillot avec tes nouveaux boobs, tu les mérites,

Ta Daronne


Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.

Les Commentaires

27
Avatar de flofloclay
17 juin 2023 à 16h06
flofloclay
J'aimerais compléter ce que dit la VDD en disant que selon mon expérience personnelle la peur des réflexions et des regards des autres est souvent bien plus importante et pregrante que les réflexions et regards réels.
Je suis no bra depuis environ 5 ans (et je fait une taille "moyenne" 85B), et quand j'ai arrêtè de porter des soutiens-gorge j'avais très peur de me prendre des réflexions, en particulier en milieu professionel (qu'on me dise que ce n'est pas professionel). En 5 ans, j'ai eu 0 réflexions, ni au travail ni dans la rue, et je n'ai jamais senti de regards déplacés au travail (ma principale peur), et pas plus dans la rue qu'avant le passage au no bra. Et pourtant je mets des robes, des petits hauts, etc.
J'ai également arrêté de m'épiler (y compris le maillot) pendant le confinement de 2020, et idem 0 réflexion en 3 ans. Je mets des jupes, des robes (y compris au travail également), des shorts, je vais à la piscine une fois par semaine, je prends le métro (je suis dans une grande ville française), pas une seule réflexion en 3 ans ni dans la rue ni au travail.
Peut-etre faut-il prendre un peu de recul et en sautant on se rend compte que les gens ont pas mal évolués et que ce n'est qu'une peur qui ne se concrétise pas ou peu?
Après j'ai en général plutôt confiance en moi, je suis en couple longue durée et mon mec considère que je fais ce que je veux avec mon corps, il me trouve belle et m'aime au naturel, donc ça m'a certainement aidée.
Après coté petite poitine, j'ai en tete pas un certain nombre de femmes célèbres qui sont dans ce cas et dont le corps est célébré dans les médias: bien sur Jane Birkin (qui est meme en quelque sorte connue pour sa petite poitrine), pal mal de mannequins: Ines de la Fressange, Kate Moss, Vanessa Paradis, récemment Lupita Nyong’o avec sa poitrine sculptée en métal aux Tony Awards. Alors oui elles sont toutes ultra minces et belles, mais j'ai quand meme l'impression que les femmes à petites poitrines sont pas mal représentées dans les médias.
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