- Prénom : Ève
- Âge : 26 ans au moment de l’accouchement
- Bébé attendu le : 1 octobre 2020
- Bébé arrivé : 25 septembre
- Heure d’accouchement : 10 heures
- Stats : 3,620 kg
J’ai appris ma grossesse le 3 février 2020. J’étais enceinte de 6 semaines. J’avais 25 ans et je connaissais mon mec depuis 7 mois. On était ensemble depuis à peine 5 mois.
J’ai fait le grand saut dans ma maternité en ne connaissant strictement rien à ce sujet. Je n’avais en effet pas imaginé devoir m’y intéresser à ce moment-là. Mon fils s’est logé dans moi contre toutes attentes.
Après de longs jours à réfléchir sur la tournure qu’allait prendre nos vies, nous avons décidé avec Constantin de devenir une famille.
J’imagine que fonder une famille avait toujours été dans mes préoccupations. Je réalise aujourd’hui que je n’avais pas vraiment réfléchi à la question mais que ça me semblait le chemin logique : avoir un job, avoir des enfants, se marier ?
J’ai pourtant un parcours peu conventionnel. Je suis partie du domicile familial à 13 ans et demi. J’ai eu mon bac L avec mention puis je suis partie vivre en Australie à 18 ans
À 19 ans, j’ai eu mon premier poste en tant que cheffe de projet dans une agence événementielle. À 21 ans, je suis partie vivre à Berlin. Puis j’ai voyagé un maximum jusqu’à mon retour en France en 2019.
« Je ne savais absolument pas dans quel aventure je m’embarquais »
Au moment de l’annonce de ma grossesse, je me suis rendu compte que je ne savais absolument pas dans quel aventure je m’embarquais. Mais puisque tout le monde le faisait, ça devait être faisable, non ?
Tout de suite, les premiers conseils sont tombés. Je devais m’inscrire le plus vite possible dans une maternité parisienne. Les places y sont rares.
Je m’exécute et m’inscris sans réfléchir dans une maternité à propos de laquelle j’ai entendu beaucoup de bonnes choses.
Nous sommes en mars 2020 : la Covid nous met tous à l’arrêt. Je suis confinée avec mon mec et une de mes amies en Normandie. Pour la première fois depuis très longtemps, je n’ai juste rien à faire de mes journées. Je suis quelqu’un qui a besoin de stimulations — j’ai beaucoup de mal à rester sans rien faire. Je deviens un peu dépressive dans l’ennui… Et on peut dire que je me suis ennuyée. Oh oui. Beaucoup.
J’ai commencé à réfléchir à l’énorme événement qui m’attendait. Avoir un enfant. Je n’arrive pas à me projeter plus loin que l’accouchement. C’est le moment qui occupe une grande partie de mes pensées. Je regarde sans cesse le site de la maternité, je les appelle, je lis des témoignages.
J’ai besoin de comprendre ce qu’il va m’arriver. Ce que mon corps va faire, et comment il va le faire.
J’écoute et lis attentivement les documents fournis par la maternité qui explique le déroulement du séjour. Je comprends que j’ai plusieurs choix à faire : type de chambre, avec ou sans péridurale ? Salle nature ou pas ? À cette époque, pour moi un accouchement est forcement avec péridurale…
Avril, puis mai 2020, j’ai tellement de temps et je m’ennuie tellement que je commence à me prendre de passion pour ce sujet. L’accouchement.
Plus je me renseigne sur la péridurale et plus je me dis que ce n’est peut-être pas ce que je veux. Je n’ai pas spécialement peur de l’accouchement. Je n’angoisse pas à cette idée. Je n’ai pas une peur bleue de la douleur.
« Plus je me renseigne et plus j’ai l’impression d’entrer dans un monde parallèle »
Je découvre notamment que l’accouchement à l’hôpital est une pratique plutôt récente. Avant cela toutes, les femmes donnaient naissance chez elles avec des sages-femmes.
Je découvre que la position allongée est une des pires pour accoucher, qu’elle a été décrétée position générale pour que le gynécologue puisse mieux ausculter la patiente mais qu’elle ralentit le travail.
Je découvre que l’hôpital peut parfois mettre des femmes qui accouchent en situation de sur-médicalisation et que cela peut amener nombre de complications.
Je découvre qu’il est possible d’accoucher dans les mêmes conditions que lorsque l’on fait l’amour : dans la pénombre, avec la personne que l’on aime, sans bruit, sécurisée, apaisée.
Tout cela attise ma curiosité. Je suis une journaliste dans l’âme. Quand un sujet me plaît, je vais loin. Je fouille, je creuse, je veux comprendre.
« C’est à ce moment que je décide d’accoucher chez moi »
La Covid avance de son côté et les restrictions sont de plus en plus sévères. Il me faudra accoucher avec un masque chirurgical. Mon conjoint ne pourra pas être présent.
Je constate que le moment le plus heureux de ma vie ne le sera pas. Pas dans ces conditions-là.
C’est à ce moment que je décide d’accoucher chez moi. Dans ma maison. Je rencontre Nezha qui sera ma sage-femme en pré-natal, pendant l’accouchement et pendant le post-partum. Je lis des livres qui seront décisifs dans ma prise de décision (Guide de la naissance naturelle, d’Ina May Gaskin, J’accouche bientôt que faire de la douleur ? de Maïtie Trélaün et Michel Odent).
Mon conjoint, réticent à l’idée, au début s’est fait convaincre par le professionnalisme de ma sage-femme. Nous avons confiance en elle. Si ma grossesse continue à bien se passer et que je la mène a terme, j’accoucherai dans mon salon !
Le jour tant attendu arrive, la piscine d’accouchement est prête depuis 3 semaines. On n’attendait plus que ce petit bébé daigne enfin sortir de mon ventre ! Nous sommes le 24 septembre, il est 19 heures 50 et je ressens la première contraction. Je suis tellement excitée. J’ai tellement hâte de le rencontrer.
Mes contractions deviennent vite régulières. Je prends un bain mais elles sont toujours bien présentes. C’est bien le jour J.
Mes contractions étaient localisées comme des douleurs de règles. C’était comme des crampes intenses d’environ une minute puis tout se relâchait d’un coup.
J’avais lu dans ma préparation que les contractions ressemblaient aux vagues. J’ai eu la chance de passer une grande partie de l’année dans l’eau de la Méditerranée. Je me souviens très précisément le mouvement des vagues sur mon gros ventre et les heures passées à imaginer la naissance de mon fils.
Les contractions se rapprochaient, très vite : en une vingtaine de minutes elles sont tout à fait régulières. Je gère très bien, la douleur me plaît presque. J’appelle ma cousine, je veux qu’elle soit présente pour la naissance de son filleul. Elle est comme ma sœur.
Ma cousine Marie, Constantin, tout le monde est là. Je suis folle de joie. Je rentre dans la piscine, et l’eau chaude m’apaise tout de suite. Je prends position et je plonge dès que j’ai des contractions. Je me bouche les oreilles, si fort que j’arrive à entendre mon cœur battre, le temps que la vague de la contraction passe.
Constantin appelle ma sage-femme vers 21 heures pour lui dire que c’est le moment ! Elle nous dit de la rappeler quand les contractions s’intensifient.
Les heures passent et j’ai l’impression de rentrer minute par minute dans une nouvelle galaxie. Un monde que je ne connaissais pas. Pour chaque contraction, toujours plus intense, j’ai quelques minutes de repos derrière. C’est si intense et la seconde d’après la douleur n’existe plus.
Les contractions durent environ une minute. Mais le temps n’existe plus pendant cet accouchement. Le temps, c’est les contractions, ma respiration, la sensation de l’enfant qui s’en va de mon corps et qui descend, descend.
Il est minuit et je sens que le travail s’accélère. Je n’ai toujours pas demandé à ce que ma sage-femme vienne mais maintenant c’est le moment. Je sens ce qu’elle avait prédit : l’intensification. Je ne peux plus parler, je ne peux plus bouger.
Cet enfantement me prend chaque recoin de mon corps et de mon esprit. Tout est réquisitionné. Je parle beaucoup mentalement au bébé. Je l’accompagne. On est une équipe dans cette aventure. Lui et moi, ensemble.
Je sens que je suis loin, que je suis très ouverte. Ma sage-femme arrive à 1 heure du matin. Je lui demande de m’examiner. Je veux savoir où j’en suis. Elle me regarde et sourit :
« Tu es ouverte à 9 centimètres, bravo, continue. »
« Je me répète que je suis forte »
Je suis joie, je sentais que mon corps savait faire. Cette confirmation me donne du courage pour la suite. On y va, on gère.
Les heures défilent et je suis dans un cosmos, j’ai l’impression d’hurler dans ma tête car le faire en vrai me prendrait trop d’énergie. Je me répète que je suis forte, je n’avais jamais senti autant de puissance dans ma vie.
J’aurais mis 5 heures pour arriver à 9 centimètres et il m’en faudrait trois de plus pour aller jusqu’à 10 centimètres. 3 heures à être dans ma tête, c’est la fatigue qui arrive, les nausées, mais je ne peux pas bouger : tout mon être est concentré sur la prochaine contraction.
Je respire une dernière fois, je sens qu’elle monte, qu’elle monte, et je plonge ; j’écoute mon corps, je visualise la vague, j’imagine mon bébé descendre. Je puise dans mes ressources les plus profondes.
À 4 heures du matin, j’ai l’impression d’être au bout de mes forces et que je ne pourrais pas y arriver. La folie est à deux doigts de m’emporter. Dans un éclair de lucidité, je me souviens : c’est la phase de désespérance. Bien des personnes qui enfantent la traversent juste avant la poussée. C’est comme sombrer dans la folie. Je respire et je me dis que je n’ai plus le choix, il faut continuer. Je regarde ma sage-femme et dis les seuls mots prononcés en plusieurs heures :
« J’ai mal. »
Une première ébauche de poussée se fait sentir. C’est instinctif, je ne peux pas lutter contre. Mon utérus expulse son enfant et je suis spectatrice. La poussée durera deux heures. Deux heures qui me prennent les dernières forces vitales qu’ils me restaient.
Une dernière poussée et je récupère Ferdinand. Ça y est. Il est dans mes bras, son cordon encore en moi.
Il a les yeux grands ouverts et me regarde dans la pénombre du petit matin.
Je réalise ce que je viens de faire. Ce que mon corps vient de faire. Ce que mon esprit vient de faire. Et je ressens un sentiment de puissance et de fierté que les mots ne peuvent pas expliquer.
Je souhaite à toute femme qui le souhaite de sentir un jour dans sa vie ce sentiment. Ça change intrinsèquement la personne qu’on est.
Pour la suite, si j’ai un autre enfant et que j’en ai la possibilité, je choisirai sans hésitation de nouveau l’accouchement à la maison. Parfois j’ai même envie de refaire un enfant juste pour revivre ce moment ! [rires]
Merci beaucoup à Ève d’avoir raconté son accouchement à Madmoizelle. Elle réalise actuellement un documentaire sur la période du post-partum, que vous pouvez pré-commander. Vous pouvez également suivre ce beau projet sur son compte Instagram !
À lire aussi : « Je ne voulais pas de péridurale, et j’ai pu faire sans » : Nolwenn raconte son accouchement
Image en une : Ève (D. R)
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