- Prénom : Emilie
- Âge au moment de l’accouchement : 29 ans
- Bébé attendu le : 15 janvier
- Bébé arrivé le : 5 octobre
- Stats : 620 grammes pour 31 centimètres
Une grossesse qui arrive très vite
Il y a quelques années, je ne me voyais pas maman. Mon conjoint en revanche rêvait d’une vie de famille, mais il ne me mettait aucune pression. Et puis, je n’ai plus été si sûre de ne pas en vouloir. Je me disais peut-être, on verra bien…
Est arrivé le moment du renouvellement d’ordonnance de ma pilule. Je n’étais pas sûre de vouloir le faire, et en discutant avec mon conjoint, nous sommes arrivés à la décision d’arrêter. Même si je n’étais vraiment pas prête à tomber enceinte, je me disait qu’après 10 ans de contraception, mon corps aurait besoin de temps pour s’en remettre et que je ne tomberais pas enceinte avant un moment. Erreur !
Un mois après l’arrêt de la pilule, je constate un retard sur mes règles. Je mets ça sur le compte de mon cycle naturel qui se remet en place, mais ce retard perdure, et je décide de prendre rendez-vous chez ma gynécologue pour écarter tout soucis.
À l’examen, elle me fait une échographie vaginale et m’annonce :
Ben, vous êtes enceinte !
Mais WHAT ?! Je ne m’y attendais pas vraiment, et tout ce que j’ai pu répondre, c’est « Mais je dois aller au sport moi après ! »
J’avoue que j’étais semi contente, semi rassurée que mon retard ne soit pas dû à un problème de santé et semi catastrophée ! Pour l’anecdote, je ne savais pas comment l’annoncer à mon partenaire, j’ai donc juste écrit « coucou » sur mon ventre. Il n’a pas compris sur le coup !
Moi qui étais sûre que j’aurais le temps de me préparer à l’idée de devenir maman, entre l’arrêt de ma pilule et l’accouchement, il s’est passé 7 mois.
Le spleen de la grossesse
Jusqu’au cinquième mois, mon bébé se développait bien dans mon ventre et il n’y avait aucun problème de ce côté-là.
Pour moi, en revanche, c’était plus pénible. J’ai vécu plusieurs aspects chiant de la grossesse, et surtout une espèce de déprime, un spleen total. Cette envie de rien, je la mettais sur le compte d’un refus intériorisé de ma part d’avoir un enfant, vu que je n’étais pas prête. À tel point que le lendemain de l’annonce à mes parents, je pleurais en expliquant à mon homme que tout le monde était heureux de cette nouvelle à part moi.
Avec l’expérience d’une seconde grossesse (suivie d’une fausse couche), et d’une troisième grossesse (suivie de mon second bébé), je me suis rendue compte que cet état de déprime était un effet des hormones, puisque je l’ai vécu à chaque fois.
À 5 mois, des douleurs violentes
J’ai été accompagnée par ma gynécologue qui a été très bienveillante pendant toute cette période, et les choses se sont très bien passées – mis à part du diabète gestationnel, et une médecin diabétologue malagréable au possible. Je redoutais l’accouchement à mort, et ne sentais pas du tout mon corps capable d’une telle prouesse. J’avais peur de tout : épisio, déchirements, douleurs, décès…
Un peu après mon cinquième mois de grossesse, nous avons fait une soirée chez des amis. J’ai mal dormi, il faisait chaud, et mes pieds avaient bien gonflés le lendemain (mes chaussures étaient imprimées sur ma peau).
J’ai d’abord mis ça sur le compte de la chaleur, puis je me suis souvenue de mes lectures de pathologies de grossesse qui disaient que l’oedème n’était pas forcément bon signe. J’ai donc pris rendez-vous chez ma gynéco qui a constaté en m’examinent que mon artère utérine était perturbée, mais sans plus.
Dans l’après-midi, elle m’a appellée pour me dire que mon résultat d’analyse d’urine du matin était mauvais (les fameuses protéinuries), et qu’elle voulait que je fasse une analyse des urines sur 24 heures.
Dans la nuit qui a suivi, j’ai eu très mal. J’ai été réveillée par de gros battements dans le dos, deux barres parallèles de part et d’autre de la colonne vertébrale. Toute la journée, j’ai eu mal et ni le doliprane, ni le bain, ni les massages n’ont pu me soulager. Au fond de moi, je me rendais bien compte que ces douleurs n’étaient pas normales.
Aux urgences, ma tension est à 17
24 heures après, je n’en peux plus et demande à mon conjoint de m’emmener aux urgences. J’ai eu un de ces pifs !
Quand j’arrive et que je dis que j’ai mal au dos, la sage femme sourit et me dit que c’est un problème ostéo. Elle m’envoie faire pipi et contrôle ma tension… Et Paf. 17 de tension, et protéinurie positive. Je fais une prééclampsie à 25 SA (presque 5 mois et demi de grossesse).
Il me gardent à l’hôpital pour être suivie de près au service des grossesses pathologiques, et mon conjoint adorable me rapporte mon bidon de pipi pour que je puisse finir mon analyse des urines sur 24 heures.
À ce moment-là, je n’avais aucune idée que l’accouchement serait aussi imminent. On m’avait bien dit que je risquais d’accoucher de façon prématurée, mais j’étais sûre que cela voulait dire sept mois ou sept mois et demi de grossesse. Et quand j’en parlais aux sages femmes, leur réponse était très vague…
Ça aurait dû me mettre la puce à l’oreille me direz-vous, mais il faut bien avouer qu’en général, un patient à l’hôpital est plutôt à côté de ses pompes. Ce fut largement mon cas !
Je fais un HELLP syndrome
Quatre jours après mon admission à l’hôpital, le matin du 5 octobre, comme d’habitude, prise de sang quotidienne. Autour de 11H30, une sage femme me dit que je ne pourrai pas dejeuner tout de suite, que mes résultats de prise de sang ne sont pas bons.
Je me souviens m’être juste dit «Boh je mangerai plus tard » (à côté de mes pompes, je vous le disais). Et puis d’un coup, une armée de gynécologues, sages femmes, anesthésistes, infirmiers anesthésistes arrivent dans ma petite chambre.
Je faisais une complication de pré-éclampsie : un HELLP syndrome. C’est une urgence vitale.
Les gynécologues m’expliquent la situation, je ne comprends pas tout à fait ce qui m’arrive mais je pleure.
Le médecin anesthésiste cherche absolument une veine dans mes deux bras qui ont excessivement gonflés à cause de l’oedème. Je me souviens qu’elle a même cherché une veine dans mon cou et de m’être dit « Oh non pas dans le cou » .
J’arrêtais pas d’aller faire pip et je pleurais, nous n’avions même pas encore choisi le prénom.
Il fallait que je prévienne le futur papa, mais je n’étais pas pressée de le prévenir, et je pensais que quoiqu’il arrive nous allions l’attendre…
Hallelujah ! On me trouve enfin une veine. Cette prise de sang était cruciale, elle allait permettre de savoir si mes plaquettes étaient un peu remontées. Si elles étaient trop basse, une rachis anesthésie n’aurait pas pu être possible, au risque de créer un hématome au niveau de la colonne vertébrale. Mais une anesthésie générale n’était pas non plus souhaitée pour éviter que le bébé en prenne une dose. Finalement, mes résultats de prise de sang m’ont permis d’avoir la rachis anesthésie !
Une césarienne à 5 mois et demi de grossesse
Je descends donc au bloc, mon compagnon me rejoint et mes douleurs au dos étaient reparties de plus belle, sans doutes des douleurs épigastriques typiques de cette pathologie. Il me caresse le bras, me demande ce qu’il peut faire, je lui réponds « Rien, ne me caresse pas ». J’essayais tant bien que mal de me concentrer pour ne pas complètement défaillir.
La sage femme, devant l’urgence, me pose la sonde urinaire avant mon anesthésie (même pas mal, j’étais trop fière).Je rentre dans la salle seule, et je fais part de mes inquiétudes concernant la rachis anesthésie : j’avais peur de ressentir la douleur. Ma médecin anesthésiste a été formidable et m’a bien expliqué la situation, m’a balancé des litres d’eau sur les jambes pour que je comprenne. C’est vraiment grâce à elle, à sa bienveillance, à sa patience, que j’arrive à garder un « bon » souvenir de cet épisode.
On me demande si je veux que mon homme vienne à côté de la porte, je réponds que non, je préfère rester concentrée. Je savais que si je le voyais, j’allais fondre en larmes. C’était une césarienne code rouge, en général, il n’y a pas d’accompagnant.
À 15h38, mon bébé sort de mon ventre. Je n’entends pas grand chose, on me la présente 30 secondes, elle est si belle, si petite, si frêle. Et pourtant, du haut de ses 620 grammes, elle m’a offert la plus belle chose de ma vie. Moi qui n’étais pas prête DU TOUT à être maman, à la seconde ou je l’ai découverte, mon cœur l’aimait. Et on allait se battre tous les trois.
Elle est partie en couveuse. Son papa n’a même pas eu le temps de la voir, il fallait vite l’intuber.
Son petit prénom sur son bracelet de naissance était X : nous ne l’avions pas encore choisi ! Quelques heures après, nous la prénommions Jeanne, du nom de ma grand-mère.
Des premiers temps difficiles
Après ma césarienne, en salle de réveil, mon conjoint pleurait. Il avait peur, mais il était aussi heureux : il était devenu papa malgré tout. Je suis entrée en unité de soin continu, et Jeanne a commencé son parcours en néonatologie.
Le lendemain de mon accouchement, mes douleurs au dos ont repris, et ma tension était à 18. On m’a donné de la morphine et des examens à faire en urgence pour voir l’état de mon foie et heureusement plus de peur que de mal. Mais cet épisode a bien traumatisé ma famille proche, qui m’a vue complètement amorphe à cause de la morphine alors que d’habitude je pète le feu ! Mon conjoint à ce moment là a été un véritable roc. Il a tout géré, il a fait le lien entre moi et ma fille, ma famille…
Il m’a fallut 3 jours avant de pouvoir la voir à nouveau, quand j’ai pu rejoindre une chambre normale.
J’ai posé mes mains sur elle pour la « contenir » dans sa couveuse, et j’ai pleuré. Je ne savais pas si c’était une bonne chose de la voir dans cet état. Les pédiatres ne s’avançaient pas sur son état et selon eux c’était déjà bien qu’elle soit en vie. Ils nous disaient, ce sera bien si elle passe la semaine, puis le mois…
C’est extrêmement violent à entendre, pourtant c’est la réalité de la réanimation néonatale, et j’ai eu la tristesse de voir des bébés partir dans le box à côté. C’est horrible parce qu’on s’imagine le pire, parce que je me demandais quelle vie elle allait avoir, les séquelles qu’elle allait porter…
À un mois de vie, j’ai enfin pu la prendre dans mes bras.
Comme pour tous les bébés prématurés, ça va mieux, et puis ça ne va plus, infection, réintubation… « Votre fille marche sur un fil » m’a-t-on-dit à un mois de vie, après une grosse infection. Moi, j’étais assommée, impuissante.
Et puis un jour, après trois mois et une semaine d’hospitalisation et de vie entre parenthèse, on peut rentrer tous les trois à la maison.
Le retour à la maison
Je ne vous dis pas le flip que c’était, au début. Parce qu’à la néonat, il y a des machines qui disent si ça ne va pas, mais à la maison, il n’y a rien !
Mais tout s’est bien passé. Aujourd’hui, elle a 6 ans et demi et elle est pétillante, magnifique, et intelligente ! Son père a été très présent : chez nous, la gestion des enfants, c’est 50/50.
Curieusement je garde un bon souvenir de cet accouchement. J’ai la chance que ma fille soit là, j’ai eu la chance d’avoir un personnel médical au top, j’ai eu la chance d’avoir mon compagnon, ma famille et mes amis près de moi, de nous, auprès de qui nous avons pu tirer toute la force nécessaire pour être en forme et accompagner notre fille jusqu’à la sortie de l’hôpital.
Je ne me suis rendu compte que deux ans plus tard que j’avais vraiment failli y rester. Je déplore le manque de suivi psychologique après un tel évènement… En tout cas, cette grossesse et cet accouchement ont eu de l’influence sur le projet du second bébé. J’avais peur de me lancer et il m’a fallu 5 ans avant d’être sereine.
Crédit photo : Photo privée fournie par Emilie
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Les Commentaires
Et je plussoie complètement la conclusion, il faudrait un vrai suivi psy dans ces cas-là, elle a tout de même frôlé la mort, et elle a aussi dû affronter le risque de perdre sa fille à tout moment.