Jouer avec mon bébé m’emmerde, suis-je la pire des mères ?

La Daronne, dont les conseils foireux sont connus du monde entier (au moins) répond à vos questions en étant toujours plus à côté de la plaque.

La question de la semaine

Chère Daronne, 

J’ai un peu honte en t’écrivant ce message, mais il faut que je t’en parle. J’ai un petit garçon d’un an et demi, et, comme tout gamin de son âge, il me sollicite beaucoup pour jouer avec lui. 

Jusque-là, tout est normal, je sais. Sauf que le souci, c’est que ça me soule au plus haut point.

Dès qu’il faut jouer à la dinette, au marchand, aux petites voitures ou que sais-je encore, je m’ennuie comme un rat mort, et je passe ce temps à mater plus ou moins discrètement mon téléphone, en attendant qu’il joue à autre chose et oublie ma présence. 

Aide-moi chère Daronne, suis-je une mauvaise mère parce que le fait de jouer avec mon fils m’emmerde ?

Bisous,

Clémentine

La réponse de la Daronne

Ma petite belette,

Surtout, ne te culpabilise pas pour ça, tu sais pourquoi ? Parce que jouer avec ses mômes, surtout quand ils sont petits, c’est chiant au possible. Voilà, la messe est dite.

Le problème, c’est que toi, tu es une adulte, et que ça ne t’éclate pas trop de jouer à la marchande, quand chaque semaine le Monoprix du coin te ponctionne déjà l’intégralité de ton PEL pour seulement des yaourts et une salade bio.

Alors bon, les jeux qui imitent la réalité, merci bien, mais tu donnes déjà assez comme ça dans la vraie vie, et tu as de quoi être soulée.

Et puis, soyons honnête deux minutes : qui, à part les mamans parfaites d’Instagram, aime « pour de vrai » jouer avec ses enfants, le tout sans se faire iech ? Qui sont ces personnes qui prennent un réel plaisir à faire semblant de boire du thé dans une tasse en plastique pendant deux heures ?

Qui sont-elles ? Quels sont leurs réseaux ?

Sincèrement, ceci est une vraie question, parce que je suis intriguée. Je ne parle pas des jeux à faire quand les enfants sont plus grands, où tout le monde peut y trouver un certain intérêt, mais bien des jeux pour tout-petits, où chaque surface à toucher est déjà pleine de bave collante.

Personnellement, lorsque mes trois lardons étaient encore petits et qu’ils n’étaient absolument pas autonomes, je me souviens que devoir me farcir des après-midi entières à jouer avec eux était une véritable épreuve. Et le pire, c’est que je ne pouvais pas m’en plaindre, et à personne ! De mon temps (j’adore parler comme si j’avais deux cents ans), tout ce qui touchait aux enfants et à leur éducation était extrêmement tabou, et il n’était pas possible de dire « je déteste jouer avec mes enfants » sans être traitée de tous les noms, et surtout de mauvaise mère.

Heureusement qu’à ton époque, ma chère petite craquotte, les choses ont bien changé, et qu’il est aujourd’hui possible de contester certains aspects de la maternité sans être insultée et jugée, n’est-ce pas ?

Ah, on me dit dans l’oreillette que certains et certaines continuent de se mêler d’autre chose que de leur cul et ne peuvent pas s’empêcher de juger celles et ceux qui ne prennent pas 100% de plaisir pur dans la maternité. Pourtant, en 2021, il serait peut-être le temps d’évoluer, non ?

Dans tous les cas, pour répondre à ta question, non, tu n’es pas une mauvaise mère parce que tu scrolles ton compte Facebook pendant que ton fils te prépare un thé composé de bave, de feuilles mortes et de cailloux. Tu n’es pas une mauvaise mère parce que tu n’aimes pas jouer à la marchande, ni parce que tu n’aimes pas faire rouler des petites voitures ou empiler des cubes.

Tu as le droit de ne pas aimer ça. Moi, je n’aime pas les tomates cuites et personne ne me force à en manger. Mais ça ne veut pas dire que je quitte la table si jamais il y en a pour le diner. Je mangerai autre chose, c’est tout.

Pour toi, c’est pareil. Tu n’aimes pas jouer, c’est un fait, mais en attendant tu es présente. Tes yeux dérivent sur ton téléphone, mais tu acceptes quand même de rendre la monnaie à ton fils qui t’a vendu un brocoli en plastique.

C’est ça, dont il se souviendra plus tard : de ta présence.

Tu n’as pas à te sacrifier, tu n’as pas à te forcer. Si jouer n’est pas ton truc, je suis sûre que tu peux exceller dans plein d’autres domaines et dans plein d’autres moments à partager avec ton fils.

Peut-être que toi tu préfères les grandes balades en poussette, à vélo ou en trottinette. Peut-être que ton truc, c’est de faire des gâteaux avec lui, de danser comme des dingues sur de la musique, d’apprendre à jouer du piano, de bricoler ou de dessiner des bonhommes.

Chacun son truc, mais déculpabilise-toi : tu n’es pas une mauvaise mère, tu es seulement une mère honnête.

Je te laisse, j’ai une partie de Mille Bornes qui m’attend,

Ta Daronne