- Prénom : Romina
- Âge : 29 ans
- Bébé attendu le : le 21 mai
- Bébé arrivé le : le 13 mai
- Stats : 52 centimètres et 3 kilos 600 grammes
Mon conjoint et moi avons commencé à essayer d’avoir un bébé au début de la pandémie. Nous avons réalisé que ce Covid-19 pouvait avoir des effets désastreux sur nos familles et, ma mère étant considérée comme personne à risques, je ne pouvais pas imaginer la perdre avant qu’elle ne rencontre ses petits-enfants.
Devant cet avenir incertain qui s’annonçait, nous avons pris la décision de nous lancer.
« J’avais toujours rêvé d’être enceinte »
Ma grossesse a été très éprouvante. J’avais toujours rêvé d’être enceinte, j’adorais les baby-bumps et je m’imaginais que le jour où cela m’arriverait, je serais la plus heureuse du monde.
Or, ça n’a pas du tout été le cas.
J’étais à des milliers de kilomètres de presque tous mes proches (hormis mon mari), et les déplacements étaient fortement déconseillés voire interdits. La grossesse me causait des douleurs qui me limitaient physiquement, et je n’ai pas pu me présenter aux examens pour le diplôme que je préparais depuis deux ans car il m’était impossible de rester assise plus de 30 minutes.
Moi qui ai toujours été très active, pour la première fois, je ne pouvais rien faire d’autre qu’attendre la fin de cette situation. Je me sentais très seule, et mauvaise mère : j’étais très loin de profiter de cette grossesse. Les jours se suivaient, et je n’avais même pas envie de sortir de mon lit. J’avais un sentiment de « Je m’en fous » constant, et je voulais juste récupérer ma vie d’avant, en gardant le bébé que j’attendais. C’était… particulier.
Un accompagnement psychologique important
J’ai la chance d’avoir un mari exceptionnel, et un soutien énorme pour moi. Je peux tout partager avec lui, en sachant qu’il ne me jugera pas et que son retour sera bienveillant. Mais pour la première fois depuis très longtemps, je sentais que mon état d’esprit n’était pas au beau fixe et je ne voulais pas l’inquiéter.
J’ai donc décidé de ne pas parler tout de suite à mon conjoint de ce qui se passait dans ma tête, et j’ai cherché l’aide d’une professionnelle. Cette décision, je m’en suis rendu compte plus tard, a été la meilleure que j’aie pu prendre !
Ma psychologue m’a diagnostiqué de l’anxiété, et m’a suivie de près chaque semaine. Elle m’a fait prendre conscience que je n’étais pas la seule dans ma situation, que je n’étais pas une « mauvaise mère » mais seulement une personne parmi tant d’autres à qui l’on avait uniquement parlé des aspects positifs de la grossesse et de la maternité.
Elle m’a énormément aidée à démystifier cette période, à lâcher prise, et à arriver sereine à l’accouchement et au post-partum. C’était mon premier contact avec la psychothérapie, et je suis certaine que ce ne sera pas le dernier !
« Je n’avais jamais imaginé mon accouchement »
Je n’avais jamais vraiment imaginé mon accouchement. Alors, quand une de mes amies ayant mis un enfant au monde récemment nous a raconté son expérience en détails, et en quoi celle-ci avait été traumatisante, je me suis tout de suite projetée… Et ça m’a fait assez peur : c’est une sensation étrange à décrire, mais j’ai eu l’impression qu’on me décrivait quelque chose de très bestial, que les vaches ou les juments pouvaient vivre, mais pas les êtres humains ! Visualiser l’accouchement ainsi a été plutôt douloureux.
Cela ne m’a pas empêchée de réfléchir à un projet de naissance. Du moins, j’ai essayé d’en rédiger un, mais je ne l’ai finalement pas rendu à l’hôpital ! Quand on m’a posé la question, j’ai simplement demandé à ce que mon compagnon soit présent pendant toute la durée du travail, qu’il puisse faire du peau à peau avec le bébé juste après moi, d’accoucher avec une péridurale, et de pouvoir voir le placenta dès qu’il aurait été expulsé.
Le jour où j’ai accouché
Dans les nuits qui ont précédé mon accouchement, j’ai eu des douleurs semblables à celles de mes règles, en un peu plus intenses. Un matin, je me suis réveillée et j’ai senti ma culotte bizarrement mouillée. Je n’avais pas perdu les eaux, mais j’ai constaté des saignements et j’ai directement appelé l’hôpital.
On m’a conseillé de prendre mon petit-déjeuner tranquillement, de me doucher, et ensuite, d’aller gentiment me faire examiner sur place. J’ai suivi leur conseil et suis arrivée à l’hôpital deux heures plus tard, alors que j’habite à cinq minutes.
Mais je ne m’attendais absolument pas à faire face à la journée qui a suivi. Pour éviter tout risque, ils ont décidé de me garder sous contrôle jusqu’au moment de l’accouchement.
Il était 14 heures quand cette décision m’a été communiquée, et c’est à ce moment précis que je me suis rendu compte que l’accouchement approchait.
L’infirmière qui m’avait contrôlée aux urgences m’a ensuite accompagnée à la chambre dans laquelle mon mari avait le droit de rester pendant une heure (restriction Covid). J’ai demandé si l’on pouvait m’amener à manger, car je savais que l’attente pouvait être longue et j’avais peur de ne pas avoir suffisamment de forces le moment venu. Les contractions sont arrivées avec le repas, et se sont intensifiées au fur et à mesure.
J’ai tout de même terminé mon assiette.
La péridurale m’a transportée au paradis
À la fin du repas, j’étais dilatée de 2 centimètres. Comme j’étais déjà en travail, mon compagnon a finalement eu le droit de rester avec moi pour la suite des événements, ce qui m’a énormément rassurée.
À 17 heures, j’étais dilatée à quatre ou cinq centimètres. On m’a proposé de prendre un bain pour me soulager, ce que j’ai accepté très volontiers. Dans un premier temps, ce bain m’a semblé magique et m’a énormément détendue.
Puis, les contractions se sont encore intensifiées. C’était le moment de demander la péridurale.
Les 30 minutes après l’injection m’ont transportée au paradis. J’étais en salle d’accouchement, à quelques heures de rencontrer mon bébé, mon mari était avec moi, et je n’avais pas mal. C’était un véritable bonheur.
Après un petit moment, la sonde que l’anesthésiste m’avait posée s’est déplacée. Problème technique : la péridurale ne fonctionnait plus que sur un côté de mon corps. Je ne sentais plus du tout ma jambe gauche mais j’avais toujours très très mal du côté droit.
Vers 22 heures, la sage-femme nous a dit que j’étais à 10 centimètres de dilatation et que je pouvais déjà faire une poussée pour voir ce que cela donnait. Pas concluant. Elle nous a donc dit que l’on réessayerait une heure plus tard.
Tout a été plus rapide que prévu
Autour de 23 heures, la sage-femme arrive à nouveau dans notre salle et nous indique que la poussée active doit commencer.
Je tiens ma jambe gauche avec mon bras (car je ne la sens toujours pas) et je plie la droite. Je les serre fort avec mes mains, et pousse deux ou trois fois. Je ne réalisais pas exactement ce que j’étais en train de vivre, mais j’essayais de me dire que tout était bien réel, et que c’était le moment.
Je me suis sentie en lien avec mon bébé, et j’ai commencé à parler à ma fille dans ma tête, comme si elle pouvait m’entendre. Je lui disais :
« Allez Sabela, c’est le moment. Maman va t’aider à sortir. Je suis là pour toi, je le serai toujours. Maman va t’aider à sortir… ».
À 23h52, Sabela était dehors !
Les derniers mois de la grossesse, je m’étais préparée à avoir un accouchement lent et douloureux. Finalement, je n’ai pu que m’étonner de la rapidité avec laquelle il s’était déroulé.
Un premier regard différent de ce que j’imaginais
Mon mari a coupé le cordon ombilical, et la sage-femme m’a aussitôt mis la petite sur la poitrine. Nos regards se sont croisés et à cet instant, j’ai cru voir dans ses yeux le regard de ma grand-mère maternelle.
Malheureusement, j’ai des sentiments très mitigés envers cette dernière. En conséquence, j’ai vécu cette rencontre avec bébé comme un « échec ».
Je m’attendais à rencontrer l’amour de ma vie, mais non. J’étais sous le choc. Je n’avais pas souffert autant durant la grossesse pour voir une copie de ma grand-mère. Je n’avais pas signé pour ça.
À ce qu’il paraît, mon partenaire a versé une larme tellement il était heureux. Je ne m’en suis pas rendu compte : j’étais dans ma bulle, avec ma fille sur moi, complètement choquée. Rien autour de moi ne m’importait. Ça me semblait, très injuste.
La première nuit avec ma fille
Dans les heures qui ont suivi, j’ai eu l’impression de vivre un cauchemar.
J’ai quitté la salle d’accouchement vers 2 heures du matin et mon conjoint a dû partir à cause des mesures relatives au Covid. Je me suis retrouvée toute seule en plein milieu de la nuit, avec un bébé que je ne connaissais pas du tout, à ne pas vouloir bouger de peur de le réveiller et ne pas savoir quoi faire ensuite. Je me souviens d’avoir rêvé que tout ça n’était pas réel, et ressentir un énorme soulagement. Puis de me réveiller, regarder ma fille, et me demander ce que j’avais fait.
Le matin, mon bébé pleurait et la sage-femme qui passait par hasard m’a demandé d’un air condescendant « Tu ne lui as pas changé la couche, non ? ».
Évidemment pas. Je n’y avais même pas pensé. C’est sûrement d’une telle évidence que personne ne m’avait avertie qu’il fallait le faire, mais j’aurais apprécié le geste. Je voulais juste voir mon mari, sentir un peu de réconfort au milieu d’autant de chamboulements.
Le séjour à l’hôpital m’a paru interminable.
J’étais épuisée et seule avec le bébé, mon mari n’ayant le droit de venir à l’hôpital qu’une heure par jour à cause du Covid (il faut dire que les sages-femmes fermaient les yeux, et il pouvait souvent passer quelques heures avec nous).
La pression à l’allaitement
Pendant la grossesse, quand on me demandait si je voulais allaiter mon bébé, je répondais souvent que ce serait génial, si jamais c’était possible. Ma mère n’avait pas pu m’allaiter et, sûrement de ce fait, je ne m’étais pas projetée plus que ça.
Lors de la première tétée, on a vite compris que ça ne marcherait pas pour nous. D’après la sage-femme, j’avais les mamelons trop plats, et Sabela n’arrivait pas à bien le saisir.
Malgré cette réalité, quand j’ai osé demander un biberon pour le bébé, le personnel de l’hôpital m’a répondu « En Suisse (où je vis), on est très pro-allaitement ». On m’a expliqué ses bienfaits à plusieurs reprises et on a mis plusieurs fois mon mamelon dans la bouche de la petite pour qu’elle apprenne à manger.
Malheureusement, dès que la sage-femme quittait la pièce et ne tenait plus mon mamelon pour que Sabela tète, elle lâchait mon sein et l’histoire recommençait. Elle pleurait parce qu’elle avait faim et je ne savais pas quoi faire. Mes appels à l’aide ne semblaient pas être entendus et je me sentais complètement impuissante.
J’ai demandé à partir de l’hôpital plus tôt que prévu pour faire appel à la sage-femme qui s’occuperait de moi pour la suite, avec l’objectif d’apprendre à tirer mon lait et de le donner en biberon au bébé. Cette demande a été refusée car « Ni moi, ni mon mari ne serions en mesure de nous occuper de notre bébé. »
Je ne voyais pas quoi faire d’autre et ne comprenais pas pourquoi c’était si compliqué de chercher une solution pour que mon bébé mange.
Pour la énième fois, j’ai expliqué mon problème à une nouvelle sage-femme, et cette fois-ci, elle a bien voulu me montrer comment tirer le lait, m’expliquer à quelle fréquence je devais lui donner à manger, quand compléter le biberon de lait maternel avec du lait en poudre… Le lendemain, alors que ma fille ne pleurait plus non-stop et que je me sentais bien plus affirmée en tant que mère, ils ont décidé de nous laisser partir.
À partir de ce moment, cela n’a été que du bonheur (enfin, pas que, mais presque) !
« Si c’était à refaire, j’oublierais toutes les idées préconçues »
Si c’était à refaire, je me serais affirmée bien plus tôt lorsque mon bébé avait faim, pour demander à ce qu’on lui donne à manger. J’aurais aussi aimé comprendre plus rapidement qu’il est normal que le bébé ait des traits de personnes de sa famille, sans nécessairement devoir leur ressembler dans leur façon d’être. Cela m’aurait permis de profiter de moments précieux !
Et puis, j’oublierais toutes ces idées préconçues qui ne servent à rien d’autre qu’à faire culpabiliser les mères. En réalité, nous sommes nombreuses à ne pas vivre la grossesse et la maternité comme quelque chose de parfait en permanence, mais on entend bien moins parler de nous.
Globalement, je garde un très bon souvenir de mon accouchement. C’est par cet évènement que je suis devenue mère, et que j’ai connu mon trésor le plus cher.
Aujourd’hui, je sais que je ne changerais ma fille pour rien au monde. Elle me remplit de joie et de fierté, et si je devais traverser la même odyssée mille fois de plus pour lui donner la vie, je le ferai sans hésiter. Mais cela ne veut pas dire que ma vie d’avant ne me manque pas, que cela me fait plaisir d’être oubliée au détriment de mon bébé, que la maternité n’est pas dure. Elle l’est. En tout cas pour moi, et je n’ai pas honte de le partager.
D’ailleurs, pour parler de tout ça, j’ai créé un compte Instagram sur lequel je partage des témoignages de mères. J’espère pouvoir aider d’autres mères à se sentir moins seules !
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