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« Je créais des régimes mais tout ce que je pensais était faux » : une diététicienne fait son mea culpa

Durant 20 ans, elle a créé des programmes minceur avant de réaliser que toutes ses recherches ne menaient à rien. Désormais, son combat est d’abolir tous les préjugés autour des régimes… Place au body-positivisme ! 

« Je créais des régimes, mais tout ce que je pensais était faux », constate la doctoresse en diététique, Dori Steinberg, dans les colonnes du Huffpost le 21 avril 2022. Durant des années, elle a conçu et promu des programmes minceur. Aujourd’hui, à l’heure de son mea culpa, elle offre sa vérité sur les inepties résistantes autour de la question du poids. 

Devenir diététicienne pour lutter contre ses propres complexes 

Pendant près de 20 ans, Dori Steinberg a été « chercheuse en obésité », comme elle se caractérise elle-même, à la conquête du menu « spécial perte de poids » idéal. Sans surprise, sa vocation est directement liée à son histoire personnelle. 

« J’ai lutté avec mon propre poids et mon image corporelle depuis que je suis une jeune enfant. Ayant grandi juste à l’extérieur de New York dans les années 80 et 90, une époque où la culture du régime était vivante et florissante, j’ai développé la conviction fondamentale que quelque chose n’allait pas avec mon corps et qu’être gros était quelque chose à éviter – à tout prix. » 

Au cours de son adolescence, Dori Steinberg participe à de multiples « Fat camps », sorte de colonie de vacances où tout est mis en œuvre pour lutter contre l’obésité. La jeune femme perd quelques kilos, qui finissent toujours par revenir. À 15 ans, elle décide alors de devenir diététicienne pour trouver les clés lui permettant de contrôler son propre poids. 

L’art du régime ? Perdre du poids pour mieux en regagner ! 

« Ce choix s’est finalement transformé en une carrière dans la recherche, où je me suis concentrée sur la façon de “résoudre” les maladies chroniques avec une perte de poids. Mais même dans mes études étroitement contrôlées, avec des ressources suffisantes et un soutien quotidien, la plupart des participants ont obtenu une perte de poids minimale et ont repris du poids une fois l’étude terminée. »

Dori Steinberg enchaîne les tentatives pour concevoir un programme d’amaigrissement efficace. Mais au fil des années, elle fait face à une fatalité : aucune étude sur laquelle elle a œuvré ne parvient à démontrer que le poids peut être modifié à long terme.

Car derrière les promesses d’une perte de poids parfois fulgurante, les résultats d’un régime ne sont pas toujours à la hauteur de nos attentes, et seulement temporaires. D’après l’enquête Ipsos Global Advisor réalisée en novembre 2020 et relayée par Le Bien Public, les programmes minceurs font certes maigrir, mais dans 80% des cas, dès leur arrêt, la reprise de poids est inévitable. C’est le fameux « effet yoyo », vous savez… 

Les régimes entrainent des troubles alimentaires 

« J’ai également réalisé que l’identification du poids comme principal indicateur de la santé était problématique. La réalité est qu’une grande partie de notre poids et de notre forme est déterminée par la génétique, tout comme la taille. La croyance erronée selon laquelle nous devons tous être minces est nuisible et discriminatoire. »

À presque quarante ans, Dori Steinberg réalise qu’elle souffre d’un trouble de l’alimentation remontant directement à son enfance. Elle décide de suivre un traitement thérapeutique et réalise l’absurdité de sa carrière de « chercheuse en obésité » : « Mon travail perpétuait des pratiques et des stéréotypes néfastes, et je ne voulais plus en faire partie », s’excuse-t-elle. 

Dori Steinberg donne alors à sa carrière un virage à 180°. Elle quitte le monde des régimes pour s’engager dans la prévention des troubles alimentaires… souvent renforcés, parfois même induits par la multiplication des programmes minceur ! Pour que sa catharsis soit totale, elle œuvre aujourd’hui à alerter sur les préjugés et les informations erronées dans le domaine de l’amaigrissement. 

Le poids n’est pas directement lié à la santé

« L’industrie des soins de santé a trop mis l’accent sur la relation entre le poids et la santé. Plutôt que d’étudier d’autres facteurs tels que la douleur chronique ou le diabète, de nombreux cliniciens se tourneront presque instinctivement d’abord vers le poids et suggéreront que la perte de poids est la solution à toute maladie. »

Ces préjugés liés au poids nuisent aux personnes grosses qui ne veulent plus se faire soigner pour éviter les stigmatisations qu’elles subissent dans le milieu médical. « Il y a une personne mince à l’intérieur de vous qui ne demande qu’à vivre » : Phelphine est encore adolescente lorsque son psychologue lui assène cette abomination, comme elle le confie à  nos consœurs de Marie Claire le 7 avril dernier. 

Ces paroles culpabilisantes dévoilent ce que l’on nomme aujourd’hui la grossophobie médicale, soit une attitude de stigmatisation et de discrimination envers les personnes en surpoids de la part des médecins et autres soignants. Et cela conduit fatalement à des refus de se soigner ou encore à des erreurs de diagnostic pour celles et ceux qui en sont victimes. 

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© Diana Polekhina – Unsplash

Les « bonnes » et « mauvaises » nourritures n’existent pas 

« Le mythe selon lequel certains aliments (par exemple, les biscuits) sont “mauvais” et doivent être évités au profit de “bons” aliments (par exemple, les fruits et légumes) est l’une des croyances néfastes qui ont conduit à mon trouble de l’alimentation en premier lieu. »

Sans surprise, suivre un régime ou restreindre certains aliments sont souvent une porte d’entrée vers des troubles de l’alimentation. Grignotage, boulimie, hyperphagie, orthorexie… 

Malgré tous les clichés, pour vivre et prospérer, le corps humain a besoin de toutes sortes d’aliments, même les sucres et les graisses qu’on nous a toujours faussement appris à refuser. L’heure n’est plus à se culpabiliser ni à considérer comme un excès un bon burger ou encore une pâtisserie.

Les inégalités sociales face à l’accès à une « bonne alimentation »

Ces préjugés d’antan ignorent aussi le fait que tout le monde n’a pas accès aux soi-disant « bons aliments ». 

« Les déterminants sociaux tels que la pauvreté et l’insécurité alimentaire font qu’il est difficile pour beaucoup d’avoir accès ou d’acheter des fruits et légumes frais, de trouver le temps de préparer des repas « équilibrés » trois fois par jour, ou même de savoir quand sera leur prochain repas. »

En septembre 2021, l’organisme de recherche France Stratégie dévoilait un rapport sur l’alimentation en France, publié par Libération, révélant que la sécurité alimentaire s’impose désormais comme un défi majeur pour les pouvoirs publics français. 

Si on observe ces dernières années, une montée en puissance du véganisme et du bio, privilégiés par 69% des Français, cela reste un luxe. Le milieu social d’origine détermine les pratiques alimentaires : dès l’âge de 6 ans, les enfants d’ouvriers sont quatre fois plus touchés par l’obésité que les enfants de cadres. 

Faire la paix avec son corps 

« Je me suis libérée des croyances oppressives selon lesquelles ma valeur est liée à mon poids. J’ai désormais la ferme conviction que nous devons démanteler les idées néfastes de notre culture sur le poids et la santé afin que notre prochaine génération d’enfants puisse grandir en croyant que leur corps n’a pas besoin d’être changé pour qu’ils aient de la valeur. »

Oubliez les injonctions au Summer Body et aux multiples diktats de la minceur… Une chose est sûre, votre beauté ne dépend pas du chiffre qui s’affiche sur votre balance. Le meilleur tip ? Débarrassez-vous de cette balance tout comme de ceux qui ne savent apprécier votre splendeur à son juste poids !… 

À lire aussi : En 2022, les contenus « pro-ana » pullulent toujours sur Internet. Pourquoi est-il si difficile de les interdire ?

Image en Une : © Thought Catalog – Unsplash


Les Commentaires

16
Avatar de Onomatopee
8 juin 2022 à 21h06
Onomatopee
Je suis suivie par un diététicien-nutritionniste depuis 1 mois (je l'ai vu aujourd'hui pour la 2ème fois), j'avais terriblement peur qu'il me juge et finalement il est super, gentil, à l'écoute, pas du tout jugeant, il cherche les raisons profondes de la prise de poids/difficulté à en perdre pour adapter au mieux (il m'a envoyée chez un psy parce que j'en ai vraiment besoin et il prend en compte mes problèmes de santé qui m'empêchent actuellement de faire du sport), il m'explique tout aussi clairement que possible et il me demande tout le temps si j'ai compris ou si j'ai des questions, franchement même dans mes rêves ça se passait pas aussi bien
Ce que j'en retiens et que tout le monde devrait retenir, je pense :
-Le poids c'est pas forcément un bon indicateur, le plus important c'est la morphologie (il m'a presque immédiatement dit que je ne serais jamais mince parce que mes os sont comme ça en fait, même en pesant 40kg je ne rentrerais jamais dans un 36 et je serais probablement toujours en surpoids à cause de ça et de ma bonne musculature)
-Les aliments interdits ça n'existe pas, il faut limiter les produits ultra transformés mais manger ce qui nous fait plaisir (et c'est là qu'on se rend compte que des fruits peuvent faire autant de bien au moral qu'un paquet de bonbons!).
Je lui ai dit que j'avais déconné raisonnablement cette semaine parce que mes règles arrivent, bah c'est pas grave du moment que c'est raisonnable et uniquement à cause des règles, pas à cause d'un problème plus profond (et que j'équilibre mes apports alimentaires évidemment).
-Le ressenti c'est hyper important. Avoir réellement conscience de la faim/du rassasiement, c'est compliqué mais ça aide vraiment.
-Le plus important, perdre du poids c'est bien, mais apprendre à s'aimer en même temps, c'est encore mieux.
C'est très compliqué c'est sûr, mais si la petite fille hyper complexée que je suis restée depuis mes 9 ans (j'en ai 27) arrive doucement à apprécier son corps, je pense que tout le monde en est capable, à condition d'être entouré par les bonnes personnes !
J'espère que mon "témoignage" aura une utilité, je vous laisse, je vais manger du chocolat
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