Samedi 12 octobre, Jay Z a été aperçu avec son crew en train de prendre le métro londonien pour rejoindre The O2 Arena où il allait se produire sur scène. Il était alors accompagné de ses potes, dont Chris Martin et Timbaland. C’est-à-dire que Jay-Z, même quand il prend le métro, il fait tout un peu mieux que nous, quoi.
Un montage réalisé par les doigts de fée de Cy.
Il n’en est pas à son coup d’essai : fin 2011 déjà, il choisissait ce moyen de transport pour aller à son concert et faisait la rencontre d’Ellen Grossman, une artiste au visage adorable qui avouait ne pas savoir qui il était. Un moment génialement attendrissant, dévoilé quelques mois plus tard dans un documentaire sur la star, qui prouve tout de même que le rappeur/producteur est finalement assez humble :
https://www.youtube.com/watch?v=j6gWGOC7t8s
Alors attention, que les choses soient bien claires : je ne connais pas les motivations de Jay-Z pour prendre le métro et, si ça se trouve, il aime vraiment ça, car c’est potentiellement le privilège de ceux qui peuvent l’éviter quand ils le souhaitent. Moi-même je fais du pole dance autour des barres quand ça m’arrive de le prendre (mais c’est parce que je fais mes trajets à pied la plupart du temps : mon quotidien n’a rien à voir avec celui de Jay, puisque mon salaire équivaut à peu près à un slip de sa fille).
Ce que je juge très fort, c’est la façon dont une partie des médias traite ce non-évènement : comme le symbole de l’artiste qui a su rester simple, comme un truc profondément cool là où je ne vois que de l’anecdotique et du marketing. « Une façon pour Jay Z de prouver qu’il reste Shawn Carter, même en occupant la deuxième place du classement des rappeurs les plus riches de l’industrie », ai-je ainsi pu lire sur le HuffPost sans trop savoir où commençait le sarcasme et où finissait la naïveté — ou l’inverse.
Clairement, Jay-Z fait ce qu’il veut de sa carte Navigo : est-ce que c’est un pur effort pour se faire bien voir, est-ce que c’était juste un petit coup de folie, la sensation de faire quelque chose de normal (il a grandi à Brooklyn avant d’être Jay-Z) ou l’envie de se rapprocher de ses fans là où ils ne l’attendaient pas, j’en sais rien.
Mais qu’on évite de faire passer ça comme une façon de nous rappeler qu’il est avant tout un citoyen comme les autres, comme toi et moi. Faudrait voir à essayer de nous faire confondre les vessies et les lanternes, tout de même.
En voyant cette « news » relayée un peu partout, j’ai perdu tout sens du second degré. Et franchement, quitte à prendre le truc au premier degré, autant creuser un peu pour atteindre le sous-sol de l’humour. Là, j’ai trouvé la force de rebondir et d’un grand coup de talon, je suis arrivée au degré 36.
C’est ainsi que j’ai fini par me demander ce qui pourrait être requis pour que n’importe quelle personne ayant une source de revenus ++++ puisse recevoir son diplôme de pauvre occasionnel (un peu comme les gens qui reçoivent un cadre avec écrit dedans « meilleur papa du monde » ou « patron de l’année »). Une preuve qu’ils savent faire preuve d’empathie à l’égard des classes moyennes et populaires, qu’ils les comprennent.
Pour obtenir son diplôme du pauvre (DDP), il faudrait obtenir au moins 15/20. En voici les critères.
Note d’avant-propos : Bien évidemment, par « pauvre », j’entends ici « citoyen lamda dans l’esprit de ceux qui nous voient décidément tous d’un oeil peu aguerri ».
Prendre le métro régulièrement, aux heures de pointe, tout seul (sur 4 points)
Prendre le métro une fois par an avec ses copains, c’est bien. On y rigole, on crie « whouhou » en s’accrochant aux petites barres en hauteur, c’est exotique, on fait des blagues sur la tête du lapin qui se prend la tête dans les portes, on voit des choses qu’on avait jamais vues avant et il y a bien moyen de s’émerveiller de tout.
Un peu comme les enfants qu’on repère dans ce mode de transports qui ne passent que quelques jours de vacances chez leurs grands-parents citadins et s’amusent à compter les stations avant leur arrêt et à sourire aux inconnus.
Pour bien comprendre la galère des transports, en revanche, il faut s’en servir souvent, de préférence aux heures de pointe. Régulièrement, voire tous les jours, et surtout seul. Parce qu’il n’y a pas de meilleur moyen de retenir le prix de l’abonnement mensuel ou le prix d’un ticket
que de pleurer des larmes de sang menstruel à chaque fois qu’on doit payer « pour ça ».
Et que, seul, on se rend mieux compte de l’angoisse de la panne qui doublerait le trajet, déjà beaucoup trop long — d’autant plus quand on choisit de lire un livre et qu’il y a trop de monde autour pour qu’on puisse le tenir correctement.
- Les 4 points ne seront accordés que le jour où une photo du candidat sera publiée sur Twitter accompagnée d’un commentaire rigolard sur l’air déprimé de ce volontaire pour le DDP.
Manger du premier prix (sur 4 points)
Si j’en avais vraiment les moyens, clairement, je mangerai au restaurant tous les deux jours — un restaurant différent à chaque fois pour varier les plaisirs. Peut-être même que je me payerai le luxe d’inviter un-e chef à domicile quand je recevrai des amis, au lieu de passer deux heures à faire des gratins de tout poil.
Quand j’imagine, de loin, le quotidien des gens vraiment très riches, je vire dans le cliché, c’est vrai, mais dire de quelqu’un de très show-biz qu’il reste simple parce qu’il prend le métro une fois par an l’est aussi, alors pourquoi pas. Qu’importe : pour comprendre la vie des gens comme nous et obtenir , je me dis qu’il faudrait réussir le pari de manger comme nous pendant quelques semaines.
- Les 4 points ne seront accordés que le jour où le menu suivant sera servi par le DDP qui prononcera en même temps « Alors là ce soir vraiment, j’ai pas envie de me prendre la tête à faire cuire des légumes, me cassez pas les gonades» :
- Des carottes râpées toutes prêtes (parce que eh, on n’a pas toujours le temps non seulement de râper ses carottes mais alors encore moins de nettoyer la râpe après coup)
- Des lasagnes toutes prêtes (ne nous jetons pas la pierre : oui, parfois, il nous faut du gras, vite et sans préparation. C’est nul mais ça arrive)
- Une crème à la vanille trop sucrée.
Mais enfin, il faudrait voir à ne pas faire tourner la chose à une partie de Polly Pocket. Il y a quelques mois, Anne Daguerre, une chercheuse, décidait de manger pendant une semaine avec 4,5$ par jour. Une expérience peu concluante vue de l’extérieur pour des raisons qu’Émilie Laystary a parfaitement pointé du doigt sur blog.
Aller faire ses courses le samedi après-midi (sur 4 points)
Quand je peux me le permettre, je me fais livrer mes courses directement dans mon salon. Mais ça me coûte en moyenne 8€ plus cher, rapport aux frais de port et tout.
Du coup je me demande bien ce qui peut-être encore mieux que ça. En tout cas, je sais ce qui est pire : aller comme tous mes congénères faire les courses quand j’ai le temps, bien souvent le samedi après-midi. Et gésir là, entre le rayon produits laitiers et le stand charcuterie, pour désirer ardemment me lancer sur le marché de la drogue ou tout autre truc lucratif et n’avoir plus jamais à y mettre les pieds. Jamais.
- Les 4 points ne seront accordés que si le candidat au DDP ressent une boule dans la gorge d’un diamètre de 5 cm pendant ces commissions.
Organiser le goûter d’anniversaire de son enfant au MacDo (sur 4 points)
Les réceptions avec ballons gonflables et gentils organisateurs prêts à faire marrer une ribambelle d’enfants, ça me fait rêver. Mais pourquoi s’embêter ?
Parce que pour moi, le véritable anniversaire, le meilleur du monde, c’est celui que j’ai passé au MacDo pour mes neuf ans. Avec l’odeur de gras qui flottait autour de nous, la piscine à boules qui sentait les pieds, le personnel qui faisait semblant de ne pas être saoulé par notre joyeuse troupe, les ballons qui claquaient dans nos oreilles, les cadeaux en plastique et l’impression d’avoir le temple du gras rien que pour nous.
- Les 4 points ne seront accordés que si le candidat au DDP a l’impression que sa progéniture a pris un bain d’huile à frites en allant le chercher après ce goûter.
Connaître le supplice des chaussettes trouées (sur 4 points)
Les chaussettes sont fourbes : déjà, elles se perdent toujours dans la machine à laver mais en plus, elles se trouent à une vitesse incroyable (j’aime d’ailleurs à croire qu’elles ont un hymen fragile).
Bien sûr, les chaussettes, c’est pas cher : on pourrait aller en racheter rapidement un lot complet. Mais qui a envie d’aller faire la queue pendant des heures au Carrouf sur le chemin du travail juste pour avoir les orteils uniformément couverts ?
Moi aussi, j’aimerais savoir que quelques assistants accepteraient de le faire à ma place. Ça m’éviterait de connaître le supplice de la chaussette trouée, qui laisse passer un seul doigt de pied et donne cette inconfortable sensation de déséquilibre. Pour moi, c’est un des grands symboles de la classe moyenne (ou de ma terrible tendance à me laisser aller à la flemme).
- Les 4 points ne seront accordés, il va sans dire, que le jour où le candidat au DDP finira par dépareiller ses chaussettes pour en avoir deux sans trous à ses pieds.
Ceux qui auront reçu leur précieux DDP pourront, par la suite, s’ils le souhaitent, participer au grand concours TVUM, dont le sigle est expliqué dans ce gif :
Ce concours mènera éventuellement les plus érudits à une chance d’être nommé prix Nobel l’année suivante.
Les Commentaires
Ah ah oui c'est mon côté phobique de la voiture qui ressort. Je déteste prendre la voiture ou être conduite, surtout en ville, du coup le métro c'est la vie!
C'est de la promo pas chère du coup, vu le prix du ticket de métro et le nombre de site sur lesquels ça a été relayé!