Scènes ordinaires de ma vie japonaise : sur les parkings à vélo des centres commerciaux, toujours dans ma banlieue-campagne, les gens laissent leurs achats dans les paniers de leurs mamacharis, ces vélos équipés pour la vie de famille (siège bébé, panier devant). En milieu d’après-midi, les rues de mon quartier sont pleines d’enfants de 7-8 ans qui rentrent chez eux à pieds, en groupe, mais sans adultes. Au Starbucks où je me réchauffe, un sac à main trône à demi ouvert sur la table d’à côté. Les places assises sont rares, ici : on les réserve le temps de commander. Pas de doute sur le fait qu’on retrouvera table et sac ! Un trajet sur n’importe quelle ligne permet de constater que les Tokyoïtes s’endorment en confiance dans le métro, parfois l’iPhone ou le Galaxy Note à la main.
Les Japonais semblent à l’abri du vol… Dans les rues japonaises (un peu comme en Allemagne), les gens se baladent avec des sommes importantes en liquide, car la carte bleue n’est pas acceptée partout. Le pays et la tranquillité de ses habitants donnent souvent aux étranger-e-s une grande sensation de sécurité. Et dans une métropole 6 fois plus peuplée que Paris, je ne crains pas de prendre le métro très tard le soir.
Mais il y a-t-il vraiment plus de sécurité au Japon qu’ailleurs, ou est-ce un effet de contexte, dans un pays où tout le monde semble calme, et où même les toilettes des gares ne sont pas taguées ?
Respect des autres, harmonie du groupe
Pour le péquenot international moyen, les Allemands sont organisés, les Français sont sales, les Américains sont gros, les Japonais sont polis et prennent beaucoup de photos… Au-delà du cliché grossier, la langue japonaise comprend effectivement de nombreux niveaux de langages. On ne parle pas à son client ou à son collègue avec les mêmes mots. Ce qui est souvent vu de l’extérieur comme une démonstration de politesse (parfois excessive) est avant tout un sens très marqué de la hiérarchie. Parler au « bon niveau », c’est montrer que l’on sait où se placer par rapport aux autres… et donc, ne pas remettre en cause le groupe.
Le savoir-vivre est une notion très importante au Japon, où le respect des autres et l’harmonie du groupe sont profondément ancrés dans l’histoire du pays. La vie quotidienne est rythmée de phrases toutes faites qui tranquillisent les interactions, un genre de protocole pour la vie de tous les jours qui lisse les relations entre les individus. En raccrochant au téléphone, les Japonais disent « Shitsurei shimasu » qui signifie en gros « Attention, je vais faire quelque chose d’impoli ». Le vendredi soir, en partant du boulot, les dizaines de millions de salariés ne se félicitent pas de rentrer chez eux, mais se justifient : « On a bien travaillé aujourd’hui ! ».
Le conflit ? Il faut faire le maximum pour l’éviter ; tant que c’est possible, on ne donne pas son opinion personnelle avant d’avoir vérifié que le groupe va dans le même sens. Des habitudes qui donnent l’impression d’une vraie tranquillité sociale.
Il faut dire aussi que dans un décor à la Monsieur Propre, on se sent en sécurité
! Pas un siège déchiré dans les transports, pas de papiers au sol… Mine de rien, la propreté des rues, des gares, des trains contribue elle aussi à donner au Japon son image de « Pays des Bisounours », un surnom gentiment méprisant… et peut-être pas si pertinent.
Harcèlement au pays de Candy
Car si le Japon met en avant sa réputation d’être le seul endroit au monde où un objet perdu a toutes les chances d’être rapporté, tout n’y est pas si rose. Par exemple, très loin d’être le champion de l’égalité des sexes, l’archipel laisse à désirer question condition féminine.
Les femmes y ont en effet un gros problème de harcèlement : harcèlement sexuel au bureau, attouchements dans les transports publics, pervers prenant des photos sous les jupes des filles… Selon un sondage de 2002, un tiers de femmes de 20 à 25 ans reconnaissent avoir été victimes d’attouchements sexuels. Des rames spéciales « women only » ont été mise en place en 2001 dans les métros de Tokyo, Nagoya et Osaka aux heures de pointes, pour éviter aux femmes les abus, souvent causés par des salarymen. Une mesure accompagnée d’affichettes visant à coller la honte aux agresseurs… pas sûr que cela révolutionne les comportements.
En entreprise, une enquête a révélé en 1997 l’ampleur d’une ambiance sexiste au bureau : 62 % des femmes de l’échantillon rapportaient avoir fait l’objet de remarques ou gestes relevant du harcèlement. Difficile d’imaginer porter plainte : d’une part, parce que la société japonaise veut qu’on « garde la face », d’autre part, parce qu’une grande partie des plaintes se soldent par un départ de l’entreprise… encaisse et tais-toi ! On est loin des Bisounours !
Le harcèlement est également présent à l’école, où les élèves « différents » sont facilement mis de côté et maltraités par le groupe. C’est le phénomène de l’ijime : des brimades à la récré, jusqu’aux persécutions. Se liguer contre un autre enfant, c’est aussi augmenter la cohésion du groupe. Un phénomène que les cours de récréation françaises connaissent aussi, dans une moindre mesure.
Ces deux phénomènes sont difficiles à voir de l’extérieur, et si on en reste aux vols de vélos ou de parapluie, la vie quotidienne au Japon semble très sécurisante. Mais pour les Japonais-es… gare à leurs fesses s’ils ne rentrent pas dans le moule !
Et toi, quelle image ou quelle expérience as-tu du Japon à ce sujet ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
Les Commentaires