Le cyber contrôle, ce n’est peut-être pas un terme qui te parle. Il t’évoque peut-être éventuellement la protection des données, le cyber-terrorisme, l’espionnage industriel…
Mais non. Ce n’est pas du tout le sujet : on parle de cyber contrôle dans le couple, et si ça ne t’évoque vraiment rien, le guide Le cyber contrôle : repérer et se protéger des risques en ligne de Women’s Aid établit une liste de faits caractéristiques qui peuvent en être les symptômes.
C’est une bonne manière d’en cerner mieux la définition. Voyons si tu reconnais des situations vécues dans tes propres relations, en lisant cet extrait du guide :
- Il commence à contrôler votre vie, il veut savoir à qui vous envoyez des textos, des emails et ce que vous envoyez. Il est suspicieux, parfois même paranoïaque.
- Il vous contacte à de nombreuses reprises dans la journée, en vous demandant de confirmer l’endroit où vous êtes.
- Il a l’air de savoir quand vous vous trouvez à un endroit inhabituel. Dans ce cas, il est possible qu’il ait installé un logiciel de géolocalisation sur votre téléphone.
- Il commence à vous envoyer des textos agressifs, injurieux, ou menaçants.
- Il commence à contacter vos ami·es ou votre famille pour vérifier ce que vous leur dites, obtenir des informations sur vous ou encore détériorer vos relations avec eux et elles.
- Il commence à répandre des rumeurs sur vous, à poster des commentaires embarrassants et violents en ligne via les réseaux sociaux et/ou les forums.
- Il a l’air de connaître des informations que vous ne lui avez pas dites ou de savoir ce que vous faites en ligne, comme les sites Internet que vous consultez, les personnes avec lesquelles vous discutez en ligne ou celles à qui vous avez envoyé des emails. Dans ce cas, il est possible qu’il ait installé un logiciel espion sur votre ordinateur.
- Vos mots de passe ne fonctionnent plus ou n’arrêtent pas de changer.
- Vous trouvez des emails marqués comme lus alors que vous ne les avez pas ouverts, des emails envoyés de votre compte alors que vous ne les avez pas envoyés.
- De l’argent commence à disparaître de votre compte en banque.
- Des informations sont supprimées de vos appareils tels que les numéros de téléphone de vos ami·e·s, des fichiers de votre ordinateur ou des emails.
J’ajouterai le fait de commencer soi-même à réfléchir aux excuses qu’on pourrait invoquer pour justifier sa présence à tel ou tel endroit.
Ou encore imaginer prendre des photos de soi dans un lieu précis pour « prouver » qu’on y est, alors même qu’on l’a quitté, et ce afin de ne pas avoir à justifier de sa présence ailleurs.
Ou bien les SMS faisant état d’une jalousie excessive, s’inquiétant de ne pas avoir de réponse dans les minutes qui viennent, menaçants.
Est-ce que tes signaux d’alarme s’enclenchent ? Est-ce que tu reconnais des comportements auxquels toi-même, ou des proches ont été confronté·es ?
Le cyber contrôle, ça te parle ? Tu veux témoigner ?
À la lecture de cet article, as-tu le sentiment d’avoir reconnu des situations vécues lors de tes propres relations ? Ta relation présente ?
Que t’évoquent les signes listés par le guide pour repérer le cyber contrôle ?
Tu peux envoyer ton témoignage à l’adresse jaifaitca[at]madmoizelle.com, avec en objet « cyber contrôle ». Ça nous donnera une idée de l’ampleur de ce phénomène.
Comment se prémunir du cyber contrôle ?
Si c’est le cas, sache que toujours dans le même guide, on trouve des conseils pour « réduire les risques de cyber contrôle », qui sont les suivants :
- Configurez votre téléphone afin de le déverrouiller grâce à un code PIN. Réglez-le de telle sorte qu’après une ou deux minutes sans utilisation, il se verrouille automatiquement. Utilisez un mot de passe aléatoire et évitez les dates d’anniversaire et autres mots de passe qu’il puisse facilement deviner.
- N’utilisez pas d’applications qui vous géolocalisent vous et vos ami·es. Si vous soupçonnez quelqu’un d’avoir installé un logiciel de surveillance sur votre téléphone, passez vos applications en revue et supprimez celles qui vous semblent suspectes.
- Désactivez les options de géolocalisation des photos que vous prenez depuis votre téléphone. En effet, quand vous ouvrez l’application pour la première fois, il vous sera demandé si vous acceptez que la localisation de la photo soit enregistrée.
- Procurez-vous un téléphone portable jetable pour passer vos appels téléphoniques confidentiels.
- Assurez-vous que votre téléphone soit configuré pour masquer le nom de la personne qui vous appelle.
Pour pousser la même réflexion un peu plus loin, sache que tu peux aussi aller voir dans tes applications au sein des réglages. Un exemple avec Snapchat, sur lequel la géolocalisation est accessible, et où tu peux la verrouiller :
Tuto rapide : comment désactiver la géolocalisation sur Snapchat.
Une relation dans laquelle tu dois te prémunir du cyber contrôle est déjà une relation toxique
Maintenant que tu sais ce qu’est le cyber contrôle et comment t’en prémunir, abordons le fond : en réalité, dans une relation saine, on ne devrait pas avoir à prendre ce genre de précautions. Sentir cette menace doit déjà être un signal d’alarme.
Mymy expliquait dans son article sur le micro-cheating qu’une simple appréhension de se confier à l’autre peut déjà être un signe à prendre en compte :
« Il y a plusieurs raisons menant à mentir, ou en tout cas à cacher une partie de la vérité, à un·e partenaire.
Vu mon expérience avec les relations toxiques, la première qui me vient en tête c’est forcément : l’autre ne l’acceptera pas.
Je ne vais pas parler de tel pote car ça lui ferait péter un câble, il va s’imaginer des choses, me le reprocher, etc.
Dans ce scénario-là, je ne suis pas infidèle : je suis dans une relation malsaine. Le problème n’est pas mon comportement mais de ne pas pouvoir être moi-même sans craindre des conséquences.
Et si vous êtes dans ce schéma, j’ai envie de vous dire « barrez-vous ». »
C’est pour cette raison qu’il peut être important de savoir reconnaître le cyber contrôle, de savoir mettre les mots dessus : c’est un symptôme d’une relation abusive.
Cette amie dont le ou la partenaire exige de lire toutes les correspondances ?
Ce collègue qui prend des photos de lui à côté d’un écran indiquant la date et l’heure pour prouver à sa copine qu’il est bien au travail ?
Ta sœur qui s’est aperçue qu’un logiciel de traçage a été installé sur son téléphone ?
Oui, de potentielles victimes du cyber contrôle.
Oui, des personnes potentiellement engluées dans des relations abusives.
C’est un moyen de pression facilement accessible à n’importe quelle personne au comportement toxique : même les logiciels espions ne nécessitent pas d’immenses compétences informatiques ou de gros budgets.
Comment repérer les signes du cyber contrôle ?
Le cyber contrôle peut débarquer à tout moment dans une relation abusive. Il peut être un signe avant-coureur que la situation est en train de se dégrader et de devenir toxique, comme il peut être l’ultime détail confirmant que la relation n’est pas saine.
Cela ne signifie pas nécessairement agir dans l’immédiat si l’on ne s’en sent pas encore capable, bien que ça puisse être la prise de conscience qui permet de sortir de la relation toxique.
Alors si jamais tu t’es reconnue dans ces situations, si tu identifies des comportements présents dans la relation de l’un·e de tes proches, cela peut valoir le coup de demander, ou de proposer de l’aide.
Ne serait-ce qu’en passant par exemple par le site de l’association En avant toutes, qui propose des tests pour évaluer ta relation, des conseils, ou encore un chat pour répondre à toutes sortes de questions sur les violences faites aux femmes !
Tu peux également appeler le 3919, entièrement gratuit, dédié aux personnes victimes de violences conjugales ou aux témoins, qui ne laisse aucune trace sur les factures téléphoniques si cela fait partie des peurs que tu ressens ou qui préoccupent la victime.
Le cyber contrôle dans le couple, au cœur d’un rapport du Haut Conseil à l’Égalité
Le cyber contrôle dans le couple a en fait été mis en lumière dans le rapport du Haut Conseil à l’Égalité (HCE), remis au gouvernement ce mercredi 7 février : En finir avec l’impunité des violences faites aux femmes en ligne, une urgence pour les victimes.
Pour le HCE, ces violences s’exercent dans la continuité du reste des violences faites aux femmes.
À quand un plan de lutte contre les violences faites aux femmes en ligne ?
Le HCE établit que le cyber contrôle est un réel moyen pour le partenaire violent d’asseoir son emprise sur sa victime et concerne une grosse majorité des relations violentes.
« Le cyber contrôle est à la portée de tous les agresseurs.
En effet, le conjoint peut par exemple exiger de sa conjointe qu’elle lui laisse lire ses correspondances, ou qu’elle lui envoie des photos ou des vidéos prouvant le lieu où elle se trouve.
Cette surveillance peut aussi s’opérer au travers des enfants. Ces derniers constituent alors des intermédiaires pour fournir des renseignements à leur père sur les activités de leur mère.
Mais dans les cas les plus graves, le cyber contrôle peut s’opérer sans même que la victime ne l’observe directement.
Le conjoint violent peut par exemple avoir obtenu le mot de passe du téléphone de sa conjointe (logiciels, traceurs gps, enregistreurs…). »
Il peut prendre d’autres formes, comme par exemple le recours au revenge porn, souvent à la suite d’une rupture par exemple, pour humilier l’ex-partenaire.
La grande majorité des femmes victimes de violences conjugales subissent aussi une forme de cyber contrôle
En Grande Bretagne, Women’s Aid a mené une enquête qui a permis d’établir que 85% des femmes prises en charge dans des structures dédiées aux victimes de violences conjugales ont subi des violences dans la vie réelle et dans la vie numérique.
« Parmi elles, 29 % l’ont été via des logiciels de géolocalisation et de surveillance
Pour 48% d’entre elles, les violences en ligne se sont développées après la séparation. »
Selon le HCE, le phénomène est loin d’être neuf. Les associations auditionnées au cours de l’élaboration du rapport ont confirmé être régulièrement face à des situations de cyber contrôle.
Cela peut être une composante des différentes formes de violences subies par la victime au moment où elle est accueillie dans la structure (« surveillance accrue, usurpation d’identité, harcèlement, menace par les réseaux sociaux, piratage des comptes de type Facebook et adresses email »).
Mais cela peut aussi passer par une contrainte appliquée à la victime même une fois accueillie et prise en charge : celle-ci peut être retrouvée via des logiciels espions, la surveillance de ses réseaux sociaux et/ou de ceux de ses enfants, ou encore via la recherche directement dans les centres d’accueil.
Cela conduit parfois à la mise en danger du personnel accueillant les victimes en plus de ces dernières, lorsque le conjoint violent se rend sur place.
Les associations témoignent qu’il a parfois fallu transférer les victimes d’un établissement vers un autre en urgence, voir les changer de département pour les protéger.
Une réalité dont peut-être tu avais conscience, sans savoir poser les mots dessus. Maintenant, tu sauras, et tu auras les ressources pour te prémunir et mettre en garde tes proches, dès que des signes de ce type se montreront.
À lire aussi : « Mon Roi », mes anciennes relations toxiques, et ma claque du dimanche soir
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Les Commentaires
Mais effectivement, ce genre de comportements peut s'observer chez n'importe qui, et c'est pour ça que dans le reste de l'article j'ai pris garde à ne pas dire qu'il ne s'agissait que de femmes victimes. (Ex : « ce collègue »). J'espère que c'est plus clair !