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Moi, moi et moi

J’aime pas le sport – Chroniques de l’Intranquillité

Cette semaine Ophélie nous confie son anti-sportisme primaire et nous raconte à quel point le culte de la performance et l’effort physique l’indiffèrent.

?Ce matin j’ouvre Safari en dégustant une gorgée de mon Lavazza bien serré pendant que ma page Google se charge. Désaltérée par mon doux breuvage je pose alors mes yeux ensommeillés sur le Doodle du jour.

« Oh tiens, des types qui jouent au ping-pong », me dis-je naïvement.

Je clique avec candeur et volupté (comme toujours) sur l’icône quand soudain la page de résultats me notifie ceci « Londres 2012 Tennis de table ».

Des souvenirs traumatiques me reviennent en mémoire alors que je repense à ces professeurs d’EPS qui nous punissaient par dix séries de pompes pour avoir osé proférer la mortelle insulte en demandant « On fait du ping-pong aujourd’hui ? ».

Ping pong : le terme tabou, c’est un peu comme les enseignants d’« Arts plastiques » qui ne supportent pas qu’on les réduise à la vulgaire fonction de « prof de dessin ». C’est le même genre de personnes pointilleuses qui transforment les femmes de ménage en techniciennes de surface et ce sont ces petits riens martelés mille fois qui font partie des absurdités contre lesquelles je garde une rancoeur tenace.

Je repense donc à toutes les séries de dix pompes que j’ai faites pour avoir eu le malheur d’oublier ma raquette de « ping-pong » et lentement mes digressions mentales font resurgir mes nombreux souvenirs traumatiques liés au sport.

Lorsque j’étais encore une enfant innocente je préférais rester dans mon coin à jouer aux billes plutôt que de faire une partie de balle aux prisonniers ou de jouer à l’épervier.

Premièrement parce que je n’ai jamais compris les règles de ces jeux que tout le monde semblait connaître implicitement, secondement parce qu’en tant que spectatrice de beaucoup de choses (le déclin du monde moderne et les parties de foot à la récré) je ne trouvais aucun sens ni aucune grâce à cette agitation insensée et loufoque.

D’ailleurs je suis toujours incapable de contempler un match de tennis car, entre autres détails techniques, je n’ai jamais compris comment les points étaient comptés.

Alors j’ai probablement autant d’endurance physique qu’un mollusque mort et à l’école on s’est toujours moqué de moi (« Avec tes grandes jambes, tu devrais courir plus vite ») mais même lorsqu’il m’arrivait d’être en retard je ne courais jamais ; je préférais rater le bus plutôt que d’essayer de le rattraper. « T’es grande, pourquoi tu ne joues pas au basket ?» aimait-on à me répéter régulièrement alors que je suffoquais de rage pour la centième fois en me retenant d’hurler « JE DÉTESTE LES SPORTS COLLECTIFS 

».

J’ai bien eu un court moment de ferveur sportive pour la Coupe du Monde de football en 1998, mais à l’époque j’avais dix ans, même la diffusion de Titanic au cinéma me transportait d’exaltation.

Après l’Euro de football, Roland Garros et le tour de France on m’impose désormais l’actualité des Jeux Olympiques, en insistant davantage sur ses disciplines intimistes (qui a regardé l’épreuve de trampoline ?) que sur l’organisation despotique mise en place par le CIO.

Mon principal problème c’est que je suis incapable de m’identifier à qui que ce soit et je me demande comment les autres y parviennent. Il y a ce « on » mystérieux, totalement ?indéfini et impalpable, ce « on a perdu » ou « on a gagné » auquel je suis entièrement hermétique.

« On » c’est un symbole obscur, c’est le rassemblement implicite et la fusion d’un peuple derrière une personne ou une équipe qui est censée être ce qu’il y a de meilleur dans le domaine en question. Sauf lorsqu’« on » a perdu. Là, soudainement, tout le monde s’accorde sur la médiocrité de cette équipe de branleurs incapables, le quidam pense qu’il aurait pu mieux faire si on lui avait confié la composition du groupe. On ne supporte plus personne, on est excédés par ces joueurs arrogants, on est à deux doigts de se raser le crâne et d’enfiler une paire de Stan Smith en hurlant « PARIS PARIS ON T’ENCULE » pour décompresser.

Dans les médias, les sportifs deviennent alors les représentants de certaines qualités, ils véhiculent l’image d’un pays tout entier et leurs méfaits et gestes prennent des proportions inconsidérées tant à l’international qu’au bar PMU du bout de la rue où l’on gouaille méchamment sur les frasques de nos millionnaires Adidas.

Moi, je ne me sens solidaire d’aucune victoire ni d’aucune défaite, lorsque le ballon s’approche des buts ennemis mon palpitant ne s’emballe pas ; je reste de marbre face à l’adrénaline par procuration que ressentent certains et je compte tristement les minutes qui me séparent de la fin du calvaire en priant contre les prolongations.

C’est un peu honteux d’être aussi réfractaire à toute forme d’exercice physique, d’avouer qu’on mange sans trop bouger, que dans le sport « collectif » on ne voit qu’une course tyrannique à la performance plutôt qu’une manifestation merveilleuse d’esprit de groupe et de solidarité.

Personne ne pense sérieusement que « L’important est de participer », passé l’âge de huit ans et demi et les tournois de lancer de nains régionaux, tout le monde participe dans la seule optique d’écraser l’adversaire et d’affirmer la supériorité de sa puissance dopée à la créatine.

J’ai beau essayer de me forcer mais la seule chose qui pourrait m’intéresser dans l’éventualité d’une « soirée foot » ce sont les bières et les pizzas. Même en essayant de me concentrer sur autre chose que cette débauche de sponsors et de publicités, même en essayant de trouver que le dépassement de soi est une noble chose, même lorsque je réfléchis à toutes ces notions de grandeur et ces codes d’honneurs propres à certaines disciplines, je ne parviens pas à me faire spectatrice de la puissance des autres, de la revanche des uns ni de l’humiliation des perdants.

Le sport, ce n’est pas trop ma came bien que je comprenne cette volonté de dépassement et de performances personnelles ; mais ce qui est inintelligible à ma toute modeste intelligence, c’est davantage le fait d’être un « spectateur ». Le type assis dans les gradins qui peut vivre par procuration ce qui m’étreint d’ennui, celui qui arrive à s’identifier à d’autres que lui et qui ressent la fierté viscérale d’un beau match. Peut-être que je l’envie un peu, ce spectateur si impliqué dans la réussite des autres, mais laissez-moi vivre dans le Sud-Ouest sans aimer le rugby, sans minauder devant leurs armoires à glaces cabossées. J’aime le magret de canard, c’est tout de même la preuve d’une ardente intégration locale.


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

25
Avatar de Enrya
13 août 2012 à 01h08
Enrya
Cet article me laisse une impression mitigée.

Je comprends tout à fait qu'on ne trouve aucun plaisir à être spectateur et supporteur d'un sport / du sport en général : je suis moi même en état de mort cérébrale lorsque je regarde le football masculin qui tiens à présent plus du show business que du sport à par entière. Par contre j'aime regarder le biathlon, l'athlétisme ou les disciplines un peu "artistiques" à l'occasion. J'admire certains athlètes, et je suis sensibles aux belles histoires et à l'intensité des émotions, toussa toussa.

Mais je trouve que c'est dommage que l'article fasse l'amalgame entre le sport en tant que spectacle, et le sport en tant que pratique. Ce sont deux choses évidemment très différentes, on peut aimer sans aimer l'autre, et inversement. D'ailleurs je pense que nous sommes nombreuses dans ce cas. Le dernier paragraphe évoque cette différence, mais je pense qu'il aurait été plus clair de ne pas mélanger les deux dès le départ.

Attention, je vois tout à fait le coté "billet d'humeur", je sais que c'est juste un point de vue et je saisis la vocation humoristique, mais bon, ça ne m'empèche pas de tiquer quand je lis ceci :
"passé l’âge de huit ans et demi et les tournois de lancer de nains régionaux, tout le monde participe dans la seule optique d’écraser l’adversaire et d’affirmer la supériorité de sa puissance dopée à la créatine."
Ca me semble assez cliché et réducteur, en fait.

Et pourtant, j'étais dans la même situation que l'auteur toute mon enfance, et toute mon adolescence... Je regrette à présent de ne pas avoir fait d'avantage l'effort à l'époque de trouver un sport qui me convienne malgré mon manque d'enthousiasme de base pour toute activité physique. Je pense que ça m'aurait évité de nombreuses années de mal être. Mais c'est un autre sujet !
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