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Parentalité

J’aime ma fille mais je regrette d’être devenue mère

La lectrice qui témoigne a une fille de trois ans, qu’elle aime profondément. Malgré cela, elle se dit qu’elle aurait peut-être été plus heureuse sans être mère. Un récit rare sur un sujet encore (trop) tabou : le regret de la maternité.

Publié initialement le 19 mars 2019 

Après cinq ans d’amour et de bonheur, je suis tombée enceinte un peu par surprise. J’avais 28 ans et je ne voulais pas vraiment d’enfant. Je ne m’étais jamais projetée en tant que mère, mais je n’étais pas définitive sur le sujet. Je me disais que je n’étais pas prête, que peut-être qu’un jour le désir d’enfant se réveillerait, ou non, mais qu’en tout cas, là tout de suite, ça ne me disait vraiment rien.

Nous faisions assez peu l’amour avec mon compagnon et le sexe était loin d’être central dans notre relation. Après neuf ans de pilule, j’ai eu envie de redécouvrir le fonctionnement naturel de mon corps et j’ai donc décidé, en accord avec lui, d’arrêter la pilule. Nous nous sommes promis de « faire attention » et d’utiliser des préservatifs les jours risqués. Pendant neuf mois, rien à signaler, nous gérions comme des chefs.

Et puis… J’ai eu un retard de règles, j’ai fait un test, il était positif.

Je n’avais vraiment aucune raison de recourir à l’IVG

J’étais dans une relation stable, nous avions des projets en cours qui avançaient. Notre amour et notre complicité étaient plus forts que jamais… Je n’avais vraiment aucune raison de recourir à l’IVG. J’étais enceinte, après cinq ans d’amour : après tout, c’était peut-être « le bon moment ».

J’ai passé une grossesse idyllique, choyée par mon compagnon, me sentant pleinement à l’aise dans mon corps de femme enceinte. Les maux de grossesse me faisaient sourire, confirmaient que mon corps travaillait sur un petit être. Les douleurs étaient pénibles, mais je les savais passagères, neuf mois, ça file vite finalement. Chaque kilo pris l’était avec fierté, je mangeais pour deux avec enthousiasme, et puis je fabriquais un bébé ! Nous allions fonder une famille, notre projet incluait désormais un petit être qui rendrait tout cela encore plus merveilleux.

Mon amour pour ma fille s’est construit petit à petit

Je savais qu’un enfant, c’est beaucoup de travail et de difficultés, mais je me sentais très forte. Nous étions deux, j’avais confiance en mon partenaire, tout dans ma vie allait pour le mieux… Bref, je m’attendais à ressentir la fameuse vague d’amour aux premières secondes de vie de mon bébé, comblée et impatiente d’ouvrir un nouveau chapitre de ma vie.

Et puis ma fille est née : absolument parfaite, belle, adorable, souriante…

Je n’ai pas ressenti de vague d’amour, mais ça, ce n’est pas très grave : ça n’arrive pas tout le temps et ça dépend des gens. Mon amour pour elle s’est construit petit à petit. Jour après jour, semaine après semaine, je la découvrais et essayais tant bien que mal de revêtir mon costume de mère. Je lisais énormément sur le sujet de la maternité, de la parentalité, de la meilleure manière d’élever son enfant pour lui permettre de s’épanouir pleinement, d’être elle-même.

Une dépression post-partum et une séparation

Parallèlement, j’ai sombré dans une dépression post-partum. J’étais très déçue de la place que prenait (ou plutôt ne prenait pas) son père dans sa vie. Nos projets commençaient à s’écrouler, tout devenait difficile.

L’argent se transformait en un sujet de tension, je voyais tout en noir et l’avenir m’apparaissait tel un nuage opaque, une mélasse de laquelle je ne me sortirais jamais. Cela ne m’empêchait pas de m’occuper de ma fille et de lui donner tout l’amour que je pouvais. Je pense avoir fait preuve d’une patience étonnante durant toute sa première année malgré les difficultés, la fatigue, le manque de sommeil, le stress et les disputes avec mon conjoint.

Après un an et demi à me débattre, j’ai baissé les armes et quitté celui que je pensais être l’homme de ma vie, pour tenter de me reconstruire ailleurs. Je suis partie avec ma fille, car il était impensable (pour son père comme pour moi) qu’elle grandisse loin de moi. Je vivais alors à l’étranger, je suis rentrée en France, mettant un continent entre son père et nous. Cette décision, difficile et mûrement réfléchie, m’a néanmoins permis de retrouver une certaine sérénité et je ne la regrette absolument pas.

J’aime ma fille, mais je regrette d’être mère

Mais mon quotidien me rappelle tous les jours que ma vie aurait été tellement différente si je n’étais jamais tombée enceinte ! Je me sens privée de ma liberté, en permanence contrainte par des prérogatives organisationnelles dans lesquelles je ne trouve aucun intérêt. Je suis une mère, et ce rôle m’étouffe. Même si j’aime profondément ma fille.

Oui, car on ne peut pas parler d’un sentiment de regret d’avoir eu un enfant sans, systématiquement, devoir rassurer ses interlocuteurs : oui, j’aime ma fille ! Elle est géniale. J’ai énormément de chance que ce soit Elle. Son humour, sa gentillesse, son agilité, sa vivacité, tout son être ne peuvent permettre de dire que je la regrette Elle. Elle vit et désormais la planète ne serait plus complète sans ses rires et ses bêtises. Je veux le meilleur pour elle, et je me mets une pression de fou pour conserver mes principes, travailler sur moi pour prendre conscience de mes propres blessures qui rejaillissent inexorablement sur elle.

Elle mérite la meilleure des mamans, car elle est formidable. Et entre nous, je pense que je ne m’en sors pas trop mal. Souvent c’est dur et je prends sur moi, mais

je me force à être présente pour elle, car c’est ce dont elle a besoin. Tant pis si moi je n’en ai vraaaaiment pas envie.

Le fait d’être parent solo est une double peine, car elle n’a que moi sur qui compter pour décharger ses émotions après une journée pleine de rebondissements. Je dois tout prendre et je dois tout lui donner. C’est épuisant. Mais je le fais, et j’alterne entre l’acceptation de la situation et la colère d’en être là.

Le regret de la maternité : un tabou encore puissant

J’en parle aussi, beaucoup. J’ai lu les témoignages de femmes qui regrettent leur maternité. Il y en a plus que ce que l’on croit. On dit souvent aux femmes qui ne veulent pas d’enfants qu’elles « regretteront ». Oui, peut-être. Mais on peut aussi regretter d’avoir fait un enfant. C’est important de le savoir, d’en parler, aussi pour légitimer la voix de celles qui ne veulent pas d’enfant et qui sont trop souvent infantilisées. Non, toutes les femmes ne sont pas « faites pour être mères » ! Et on peut même vouloir un enfant, et regretter après coup de l’avoir fait ! L’arrivée d’un enfant est un bouleversement inimaginable…

Bizarrement, je suis assez convaincue du fait que j’apprécierai être la mère d’une adolescente puis d’une adulte. J’ai hâte que ma fille ait « sa vie », ses ami·e·s, qu’elle sorte et me laisse tranquille !, j’ai hâte de voir si l’éducation que je lui donne aujourd’hui facilitera sa crise d’ado, si j’aurais réussi à me positionner auprès d’elle comme une personne de confiance, avec laquelle elle pourra être pleinement elle-même sans jamais craindre un jugement de ma part. Hâte aussi de me prendre mes idéaux à la figure ! ?

Je trouve d’autres chemins de bonheur

J’ai hâte de pouvoir sortir le soir sans avoir à me préoccuper de qui va la garder, de partir en week-end en amoureux sans elle, de ne plus calquer mes horaires sur ceux de la crèche ou de l’école… Hâte de faire des grasses matinées !!!

J’aurais probablement été plus heureuse en restant sans enfant, mais la vie en a décidé autrement. Je trouve donc d’autres chemins de bonheur, en serrant un peu les dents. J’observe avec joie ce petit être qui grandit, et je lui expliquerai probablement un jour tout ce que je viens de vous dire là. J’espère qu’elle saura l’entendre non comme une attaque contre elle, puisqu’elle n’y est pour rien, mais simplement comme l’aveu d’une femme à une autre. L’intime partage d’un sentiment difficile à assumer qui ne m’empêche pas d’avancer, une infime partie de ce qui aura contribué à la construction de la personne qu’elle sera.

L’autre jour, ça m’a frappé. Au détour d’une conversation totalement irrationnelle avec ce petit être de 3 ans à base de moi qui lui dis qu’on est deux, et elle qui répond que non, on n’est pas deux (échantillon à multiplier par 10.000), j’ai ressenti cette profonde lassitude de devoir gérer tous les jours une personne à la fois complètement dépendante, et totalement dans ses délires sans queue ni tête.

Un quotidien épuisant qui me fait regretter d’être mère

Elle est géniale hein, mais elle veut rarement s’habiller le matin, monter dans la voiture, se brosser les dents, prendre son petit-déj, me laisser quitter l’école, puis quitter l’école… Même si on est à la bourre, même si j’ai usé de toutes les astuces ludiques et bienveillantes pour amener mon enfant à coopérer, même si je fais mon maximum pour être là pour elle et laisser de côté mes propres besoins.

Trop de tâches deviennent des batailles, entre anticipations permanentes et rattrapages in extremis, gérant une crise, en empêchant une autre, parce qu’un enfant de cet âge ne sait pas gérer ses émotions. Quoiqu’on fasse, il ou elle fait face à d’intenses frustrations et bouleversements permanents. On n’y peut rien, on choisit de gérer ça comme on veut ou peut, mais il n’en reste pas moins que c’est épuisant.

Beaucoup de parents parlent de leur bonheur de passer du temps avec leurs enfants, de les voir grandir, découvrir le monde… Je ne vais pas dire que c’est un spectacle désagréable, mais… je m’en serais passée sans peine en fait. Et je dis cela sans animosité aucune, mais simplement, car ce que cela représente en termes de joie et de bonheur ne « contrebalance » absolument pas, pour moi, tout le bordel que ça représente à côté.

J’ai envie d’être ailleurs

Je passe ces temps-ci une à deux heures par soir à jouer avec ma fille à des jeux aussi passionnants que Mémory Winnie L’Ourson, Playmobil Camping ou Mega Block. Et ça me gonfle… Si vous saviez comme ça me gonfle ! Je le fais hein, et avec le sourire en plus. J’y mets autant de cœur que je peux, mais je ne peux pas nier le fait que je fabrique cet intérêt. Au plus profond de moi, ça me gonfle, j’ai envie d’être ailleurs, de faire autre chose, seule ou avec un·e autre adulte. Et c’est terriblement injuste pour ma fille, je fais tout ce que je peux, mais voilà, c’est là.

Quand on court ensemble main dans la main dans l’herbe en riant, oui je kiffe le moment aussi. Heureusement j’ai envie de dire. Quand elle vient me faire un bisou en me glissant « je t’aime » à l’oreille, c’est grisant. Mais vraiment, j’aurais tout aussi bien vécu sans. Mieux vécu, probablement. En tout cas, c’est comme ça que je le ressens.

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À lire aussi : J’ai détesté être enceinte, et alors ?

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Les Commentaires

80
Avatar de Photovore
9 septembre 2021 à 14h09
Photovore
@JessyCat merci pour ce témoignage touchant.
Cet article me remue beaucoup il est très intéressant.
J'ai la trentaine passée et l'idée de maternité me chatouille même si j'ai 15 000 peurs a ce sujet.
Après avoir lu vos commentaires je vais aller à contre courant et je pense qu'une mère ne devrait pas craindre de dire à son enfant qu'elle n'était pas prête à être mère ou qu'elle n'a pas été épanouie par ce rôle, ça n'est pas la même chose de dire ça que de dire à son enfant qu'on ne l'aime pas ou qu'on regrette de l'avoir fait.
J'ai une relation compliquée avec ma mère et je pense qu'à l'époque elle m'a faite pour de mauvaises raisons et qu'elle s'est mise avec mon père pour de mauvaises raisons. Elle m'a raconté les circonstances de ma venue au monde mais n'a jamais verbalisé ça, et je crois que ça aurait posé du sens si elle l'avait fait.
Les aspects ingrats de la maternité devraient être moins tabous, ceux qui font des enfants seraient peut être mieux préparés dans leur parentalité.
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