La Daronne est la reine des conseils pas si cons enrobés dans une grosse dose d’humour plus ou moins subtil. La voici de retour pour voler au secours d’une lectrice !
La question pour la Daronne
Chère Daronne,
Je suis la maman comblée (la plupart du temps) de deux enfants de 4 et 6 ans. Sans être des mordus de tous les préceptes positifs, mon mari et moi sommes fermement opposés aux châtiments corporels et à l’éducation à l’ancienne.
Récemment, j’ai commencé à organiser des play dates avec une amie qui a un enfant de trois ans. On se voyait seules avant et je savais déjà qu’elle était un peu « old school ». Mais chacun sa façon de faire, pas vrai ? Sauf que la dernière fois que nous sommes sorties « en famille », j’ai été témoin d’une scène qui m’a tordu le bide. Son petit garçon était très excité, il faisait des bêtises, et après plusieurs menaces, elle lui a collé une fessée.
Si je pense que chacune a le droit d’élever ses enfants comme elle le souhaite, il s’agit selon moi d’une violence corporelle, intolérable. Je sais que ces fessées sont « rares » et qu’il s’agit d’une maman aimante et performante en général, mais je sais aussi que les fessées sont néfastes et que ne rien dire c’est « accepter » et ne pas venir en aide à l’enfant.
Que faire ?Julia
La réponse de la Daronne
Mon petit toboggan,
Je dois dire que tu me poses une sacrée colle, mais que cette colle mérite d’être posée. Comme tu le dis si bien, chacun est libre d’élever son enfant comme il veut. La frontière entre ce qui est vraiment à éviter et ce qui tient de l’opinion de boomer est fine. Dans le cas de la fessée, je pense néanmoins que nous sommes tous d’accord pour convenir qu’il ne s’agit pas d’une question de point de vue. Ne serait-ce que parce que tout châtiment corporel est interdit depuis 2019.
Pourtant, en France, l’information a du mal à passer. Pour te dire, je viens de tomber sur un article paru en 2023 dans un magazine très réputé (et dont le nom ne commence pas par Le FI). Une psychologue aussi réputée que le magazine assume OKLM, qu’une fessée qui part exceptionnellement, ce n’est pas grave. Ça permet au contraire que l’enfant comprenne que, nous aussi, les adultes aussi avons des limites qu’il ne faut pas franchir.
Je ne remets pas en cause ce dernier point. Il m’est arrivé plusieurs fois de péter des plombs taille cosmos contre mes enfants, et crois-moi, ce n’était pas joli à voir. Cela dit, aucune de ces crises caractéristiques des mères épuisées n’a jamais inclus de châtiment corporel, ni de brimades. Il y a selon moi des points de non-retour à ne jamais dépasser. L’atteinte physique en est un.
Beaucoup de parents croient, malheureusement, qu’abandonner les violences physiques, c’est abandonner toute fermeté éducative et voir sa maison réduit en cendre par des tyrans en culotte courte (un vêtement des habits 50, parfaitement adapté à cette mentalité). Je dois dire que le débat public ne se presse pas pour démentir le mythe. C’est quand même plus marrant de discutailler des plombes pour évaluer le taux de violence d’un lavage de main imposé.
L’intérêt des mineurs prime TOUJOURS sur le confort
Sur Reddit et autres forums, d’autres que toi, se sont déjà demandées si elles devaient ou non couper les ponts avec une connaissance qui donne des fessées. La réponse unanime est toujours : OUI.
Et je vais te dire, moi, ça me dégoûte un peu. Ghoster l’agresseur sans la moindre complaisance, c’est vrai que ça file l’impression de respecter ses valeurs personnelles. Cela dit, le gamin reçoit toujours des roustes, lui, sa famille est simplement encore plus isolée qu’avant.
Je vous le répète à longueur de courrier : agir correctement, c’est encore plus désagréable qu’une canicule en période menstruelle. Ne crois pas, malgré ma posture de mère morale, j’adorerais aussi détourner le regard quand je suis témoin d’un acte répréhensible. Mais, désolée, entre notre confort d’adulte et la sécurité d’un mineur en danger, c’est systématiquement la sécurité du mineur qui prime (même s’il n’est plus mineur depuis longtemps d’ailleurs, mais c’est un autre sujet).
Ce n’est pas une bonne nouvelle pour toi. La conversation sera pénible et objectivement, les risques que cela se termine par la brouille définitive, sont loin d’être nuls, même si je vais tenter de te guider de mon mieux. La prochaine fois que l’on te proposera une sortie collective, nous sommes d’accord que tu y réfléchiras deux fois avant d’accepter.
Comment aborder le sujet ?
Pour en avoir discuté autour de moi, je sais que certains n’hésiteraient pas à confronter la mère sur le vif. Nos enfants et le sien assistant à la scène, ç’a le mérite d’être clair et de poser les bases, mais à titre personnel, j’aurais peur d’empirer les choses. Par exemple, que la mère se braque et s’isole, ou pire, qu’elle en veuille à son enfant de l’avoir mis dans cette situation. Parce que si les gens, même les parents, écoutaient leur cerveau plutôt que leurs tripes, ça se saurait.
Personnellement, je t’invite dans un premier temps à ne pas mettre de distance avec cette mère et son enfant. Au contraire, qu’elle soit simplement old school ou qu’elle dysfonctionne, des sorties ludiques dans un environnement bienveillant ne peuvent faire que du bien au duo.
En parallèle, invite-la pour une soirée tête-à-tête. Si j’en crois mon expérience, quand deux mamounes se retrouvent entre adultes, elles finissent toujours (MAIS TOUJOURS) par évoquer leur vie de mère et se livrer sur leurs défis du quotidien. C’est le moment de dériver doucement, mais sûrement vers le sujet qui nous intéresse. Tu pourrais commencer par confier certaines difficultés que tu rencontres au quotidien, liées à la thématique. En partageant tes problématiques avant d’évoquer les siennes, tu évites ainsi la posture inquisitrice de la mère parfaite qu’on a toutes envie de savater.
L’idée, tu l’auras compris, car je suis aussi subtile qu’un enfant de 6 ans qui s’apprête à te réclamer un truc auquel il sait parfaitement qu’il n’a pas le droit, c’est de trouver une occasion d’aborder le sujet naturellement. C’est ton amie, tu la connais, profites-en.
Une fois que « justement, je veux en profiter pour parler de quelque chose qui m’a mis mal à l’aise », ta copine sera mortifiée, vexée ou dépitée. Mais ce qui importe, au fond, c’est que cela permette d’ouvrir la discussion et que tu puisses partager ton inquiétude. Il est possible que ton amie refuse d’aborder le sujet, ou de remettre en question ses pratiques. Il est aussi possible qu’au contraire, elle profite de l’occasion pour solliciter ton aide et tes conseils.
Et après avoir crevé l’abcès ?
Une fois que l’abcès est crevé, plusieurs options s’offrent à toi en fonction de la réponse de ta pote. Si elle est motivée à se remettre en question, je compte sur toi pour lui transmettre toutes les ressources qui peuvent l’aider (elle, et le coparent s’il en est, il n’y a pas de raisons). Si ce n’est pas le cas, le choix t’appartient. Tu peux décider de te préserver et de préserver tes enfants de cette personne. Tu peux aussi décider de justement maintenir le contact pour t’assurer que la situation ne dégénère pas. Si les relations s’y prêtent, tu peux même inviter le petit chez toi quand tu sens que sa mère est particulièrement tendue et aurais besoin de quelques heures de pause pour ne pas vriller.
Si tu décides, ou qu’elle décide, de couper le lien, tu peux tout de même envisager de reprendre contact avec elle dans quelques mois, voir où elle en est. Et, bien entendu, au moindre doute, décroche ton combiné (car je vis en 1998) et compose le 119.
Je te laisse, je vais à ma séance de Kravmaga,
La bisette,
Ta daronne
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Les Commentaires
Maintenant je pense que la police ne réagirait pas à ce genre de cas, pour une fessée... et en même temps on va pas retirer les enfants à la première fessée et tant mieux.
Par ailleurs, je commence à être saoulée par les discours disant "on fait tous de notre mieux", "tu es le meilleur parent pour ton enfant", "tu sais mieux que tout le monde ce qui est bien pour lui" et blabla. Car dans 70 ou 80 % des cas c'est vrai. Mais une personne qui tape ses enfants méchamment et qui lit ça est juste conforté dans son acte en fait. Idem en cas de sévices sexuels : ce sont mes enfants, je fais ce que je veux. C'est typiquement l'état d'esprit qui engendre les violences et l'inceste. Donc ok de ne pas culpabiliser mais parfois, faire de son mieux c'est quand même relatif...