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Aussi loin que se rassemblent mes souvenirs, je n’ai jamais vraiment apprécié mon entre-cuisses. Petite, mes parents m’avaient offert un livre éducatif pour parler de la procréation. Bien plus clair et lisible qu’un cours d’SVT de 4ème, il expliquait aux enfants de mon âge qu’à aucun moment la blanche cigogne n’avait délicatement déposé son Colissimo dans un berceau de soie. Non.
Il y avait des schémas plus ou moins explicites, du bonhomme bâton aux parties génitales en gros plan dessinées au crayon de couleur. J’aimais bien le ton détaché de ma mère quand elle me lisait cette superbe histoire avant de m’endormir.
Parfois, j’allais même le rechercher dans la bibliothèque pour regarder les images seule en rentrant de l’école. J’étais fascinée, un peu comme quand on lit un fait divers et qu’on se dit que de toute façon, ces trucs ça n’arrive qu’aux autres.
Pourtant, une chose me turlupinait plus encore que d’apprendre la phonétique allemande : cette femme, dessinée nue comme un chien-chinois, avait la vulve la plus symétrique de toute l’histoire de la géométrie.
Deux grandes lèvres de la même taille. Deux petites collines à dénivelé doux surplombant la vallée. Un adorable abricot de tête de gondole début mai, parfaitement parfait. Parfaitement transgénique oui.
Une vulve, c’est pas super compliqué : deux grandes lèvres, deux petites lèvres, un clito plus ou moins enfoui là-dessous et plusieurs trous à profondeurs variables. Reste le fait que chacune est différente et qu’il n’y a aucune chance de se retrouver avec le même modèle que la voisine.
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Aujourd’hui je réalise : à sept ans et demi, un livre à couverture cartonné venait de mettre en lumière mon premier complexe. Celui qui collerait à ma peau comme un chewing-gum sur du bitume chaud. Dans les faits, ma vulve n’avait rien de celle du dessin. Rien de « normal », donc.
Anatomie de la chose
Deux grandes lèvres de tailles moyenne, oui. Mais aussi un petit amas de chair qui pointait le bout de son nez du côté gauche. Si on regardait plus à l’intérieur, on pouvait voir une petite lèvre droite fine, bien dessinée et tonique. Tandis que de l’autre, ma peau se détendait à partir de tout en haut, difforme, trop grande pour tenir à l’intérieur.
Avec le temps (et la puberté) le phénomène a évolué et encore grandi pour dépasser son acolyte droite de plusieurs centimètres. Elle devenait de plus en plus molle et extensible, tandis que l’autre ressemblait de plus en plus à Passe-Partout sous testostérone : c’était Averell et Joe Dalton qui avaient décidé d’aménager dans mon slip.
J’ai longtemps pensé que j’étais difforme. Pire, que mon corps n’avait pas bien fini de me modeler, qu’il avait « oublié » cette partie. Comme si, au commencement, on était avant tout une masse informe de couenne qu’un quelconque génome scientifique (ou magique) venait à pétrir de la forme désirée. Un peu comme de la pâte à cookie.
Métaphore de la vulve qui monte aux cieux pour aller rejoindre son corps céleste et faire sa life.
J’ai continué ma vie, sans y penser tous les jours mais un petit peu quand même. J’ai commencé à mater du porno assez tôt, ce qui ne m’a pas franchement aidé à passer le cap. Les « teens » et autres « brunettes » de l’époque à modèle de chatte unique ont continué à me conforter dans l’idée que l’humanité ne pourrait jamais se faire au visage repoussant de la mienne.
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Un jour, plus tard, je suis tombée sur un article de Jack Parker. Elle y expliquait de manière très positive ce fameux complexe de la vulve. En matière de photographie, majoritairement, et parfois dans certains films pornographiques, les petites lèvres qui dépassent des grandes sont assez mal vues, car jugées pas très esthétiques. Certaines femmes, decident donc de faire appel à la chirurgie pour un Relooking Extrême spécial obésité.
Ton vagin post-labioplastie : expectation.
Surtout, c’était la première fois que j’entendais raisonner dans ma tête : « hé, le truc entre tes jambes est normal, personne ne va s’amuser à tirer dessus ou le pointer du doigt en se cachant les yeux ». Je crois que ça m’a fait du bien.
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C’était le début de l’acceptation, mais le chemin est long (avant qu’un-e autre te prenne la main) (et te mette un doigt) (pardon).
À mon grand soulagement, ma première rencontre biblique s’est réalisée dans le plus pur « jemenfoutisme » de mon anatomie distendue. D’ailleurs, aucune de mes rares conquêtes ne m’a fait de réflexion jusque-là. Peut-être avaient-ils déjà vu ça quelque part, peut-être que j’étais vraiment pas si chelou finalement.
Les déboires de ma vulve pas d’équerre
Si ce matin je ne me suis pas réveillée avec des images de l’infâme bout de viande inanimé dans la tête, avoir la vulve asymétrique, c’est quand même une grande aventure.
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Il y a par exemple cette fois où, j’ai dû arrêter une séance d’équitation avant la fin de l’heure prévue, accusant (à tort) des menstruations sensées arriver seulement deux semaines plus tard.
M’agrippant comme je pouvais à la selle, c’était comme si un volcan était tranquillement en train de modifier la topographie de ma culotte. Après le cours j’ai réalisé que, mon anatomie ayant trop frottée, ma petite-lèvre-bien-trop-grande était à vif. Littéralement à vif. Avec du sang, donc, oui. Inutile de te raconter ma semaine suivante aux toilettes pour pisser. Ça me fait encore trop mal d’y penser.
Puis la semaine dernière, où, sur les quarante kilomètres de vélo, j’en ai passé cinq à tenter de me rasseoir correctement pour ne pas réitérer l’expérience. Et, ces fois où je me cache au fond de la pièce quand personne n’est là, glissant une main dans mes sous-vêtements Undiz pour remettre le tout en place façon ninja de l’optimisation d’espace vaginal. Vivre ensemble c’est cool, il suffit seulement de savoir s’écouter.
Bref, ma vulve n’inspirera jamais de théorème et ça ne l’empêche pas d’être plus fonctionnelle qu’un T3 refait à neuf par un archi’ new yorkais. Ça tombe bien, Thalès était un poil trop barbu pour moi de toute façon.
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