Depuis quelques semaines, la SNCF galère comme pas possible et perd un fric monstre à cause d’une joyeuse bande qui fait rien que saboter ses lignes. Ca la fout mal, d’autant que personne ne sait qui ils sont ni pourquoi ils opèrent. Comme à madmoiZelle, on ne laisse pas un fait d’actualité sans traitement, on a pris le train ce week-end dans l’espoir de tomber sur un voyage saboté. Bingo, lundi soir, le Strasbourg-Lille a eu 6 heures de retard mais la SNCF ne veut pas dire pourquoi. M., le chef de train barbu qui sentait le vin, nous a d’abord annoncé qu’un parpaing s’était suicidé sur notre voie, avant de se raviser et d’indiquer qu’un chevreuil avait obstrué notre chemin.
Quelle hypothèse est la plus plausible ? Confrontation à suivre…
C. est un chevreuil de 5 ans. Élevé dans une famille chevreuils d’une mouvance ultra-gauchiste, il grandit entre les théories marxistes et l’amour de ses parents, qui chaque soir lui lisent « L’insurrection qui vient », une rareté tirée à 5500 exemplaires.
Le 10 novembre 2008, C. est prêt : c’est aujourd’hui qu’il va se faire une initiale chez les cervidés. Il se lèche le pelage une dernière fois et repense à tout ce qu’il aura appris. Bambi la pute qui vend son cul blanc à Disney, les inégalités, la liberté… Et puis il s’élance vers le dernier continent, un peu avant 21h30.
Ce soir, un chevreuil est mort pour la grande CausePendant une seconde, C. reverra sa vie, ses parents, et puis le sang qui coule après le choc avec ce train. Rouge comme la liberté, mais aussi la haine des sauciers qui rendent la chair des chevreuils chère aux riches. Et puis plus rien. Son cousin samedi près de Strasbourg, son frère dimanche entre Paris et Lille et lui ce soir, un peu avant Orly seraient morts pour la grande Cause.
Bon autant être prévenus, c’est moins lyrique que l’histoire du Seigneur des Bois qui meurt pour une noble raison. Ce qui s’est passé – si on ne tient pas compte de l’hypothèse précédente, c’est une bête histoire de circonstance. Un parpaing d’une cinquantaine de kilos a été oublié sur la voie ferrée lors d’un transfert de parpaings qui se déroulait juste au-dessus de la ligne. PAS DE BOL.
Un parpaing a été oublié, là. Si si. A 21h25, le TGV Strasbourg – Lille passe sur cette voie de manière tout à fait fortuite. D’habitude il prend la Nationale pour éviter les péages, mais là Guillaume le chef de train s’est dit « oh allez, on prend le rail ce coup-ci ». Deux minutes plus tard, Brim, Bram Patatra (rouler les R ça fait plus théâtral), le train se prend les paturons dans le fichu truc oublié sur la voie, et pendant ce temps le transporteur de parpaings se dit « putain, j’ai l’impression d’avoir oublié un truc »…
Qu’il s’agisse de gibier ou de sabotage, les conséquences sont les mêmes pour l’usager : un lent bordel. Après avoir relu Gala deux fois et tenté de dormir en vain, il ne reste plus grand’chose à faire dans un train. D’autant qu’il y a toujours dans le wagon une dame en jogging avec un Nokia 3310 à la main qui fait des blagues et rit très fort sous le coup du stress. Il y a aussi ce monsieur qui aurait pu faire vieux beau sans son menton prognate, qui raconte que son dernier retard de train, « c’était à cause d’un suicide ». Et puis il y l’usager lambada, qui rêve de la paire de savates qui l’attend chez lui.
Pendant ce temps, l’usager lambada rêve de sa paire de savates qui l’attend chez luiLe contrôleur passe dans l’allée en pensant très fort « JE SUIS INVISIBLE », mais ça ne marche pas. Sans ses 30 cm de moustache et un physique moins proche de Sherlock Holmes, peut-être, mais là non. Son chef M., responsable de ce train, sent le vin dès qu’il ouvre la porte du wagon, ça n’est pas très rassurant pour la bonne coordination des événements dans les heures qui viennent.
« Un capitaine n’abandonne jamais son navire », répète-il le doigt en l’air, aux usagers qui commencent à flipper pour leur soirée, puis pour leur nuitée. Une bonne nouvelle, il n’a pas l’alcool mauvais, sans quoi il aurait pu envoyer chier son chef R. qui l’appelle toutes les 7 secondes, et nous laisser là.
Là, c’est au beau milieu de nulle part, à une heure du matin, sans même la lueur d’un lotissement de périphérie au loin. Et quand vraiment ça ne va plus, il y a Christiane, une passagère comme nous qui prend en charge bénévolement ceux qui se sentent à l’étroit dans un wagon, au bout de cinq heures d’attente. Elle prend par l’épaule, propose un mouchoir et écoute, avant de se livrer pour passer un peu le temps. On dirait pas, mais Christiane aime pas les flics, parce que ses belles-filles sont avec des « sans faf » marocains. Donc elle se méfie. Et puis on repart, dans deux heures on sera arrivés. 6h30 après ce qui était prévu.
Moralité, quand un train est saboté, mieux vaut avoir de quoi noter.
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