Je me présente : Bathilda Fritton, pour vous servir, mes donzelles. Amatrice d’ailleurs et de nouveauté, j’ai vite compris que ce n’était pas en restant dans ma petite ville balnéaire du Sud-Ouest de la France que j’allais pouvoir assouvir mes envies de voyages, de rencontres et d’expériences fortes. Du coup, ni une, ni deux, j’ai saisi les deux occasions qui m’ont été offertes de partir vivre à l’étranger : la première fois, à Londres, à 16 ans, pour passer ma Terminale et mon bac au lycée français. Et la seconde à Montréal, pour partir étudier dans une des universités les plus prestigieuses du monde, avec les cours en anglais et tout ça. J’ai vécu cette première année au Canada dans une résidence universitaire avec 180 autres personnes, dont seulement 5 francophones. Aujourd’hui, cela fait un mois que je suis rentrée en vacances en France, et ça me fait BIZARRE.
Je reviendraaaaai à Montréaaaaal
Deux mois après avoir rangé dans l’ordre de mes préférences les 10 résidences de mon université, je recevais la réponse : j’avais obtenu une chambre double dans la résidence que j’avais placée en tête de liste. C’était en juin ; trois mois après cela, je débarquais sous le chaud soleil de l’été Montréalais, deux valises sous mes bras frêles, devant la porte de service de ma résidence. J’y ai été chaleureusement accueillie par mon « floor fellow« , un étudiant de troisième année habitant la résidence et qui est chargé, tout au long de l’année, de faire en sorte que tout se passe bien pour nous pendant cette importante transition. En gros, ils nous servent de grands frères et soeurs, toujours à notre écoute, ils nous donnent des conseils, nous aident à étudier, à nous organiser, nous consolent quand on a du mal… Il m’a montré ma chambre et m’a rapidement fait visiter le bâtiment : datant de 1937, il constitue la plus vieille résidence de l’université et est construit en pierres et bois, ce qui lui donne un côté très accueillant et Poudlard-esque.
En montant mes affaires dans ma chambres, je croisai dans le couloir mes futurs « floormates » : nous étions 14 en tout à résider à cet étage. En posant mon postérieur sur mon désormais nouveau lit dans ma désormais nouvelle chambre pour souffler un peu, je regardai autour de moi pour me familiariser avec les lieux – sans imaginer une seule seconde que je m’apprêtais à vivre entre ces murs l’une des expériences les plus enrichissantes et incroyables de ma vie.
De l’étrange conception qu’ont les Canadiens du mot « intégration »
Pourtant, tout n’a pas été dès le début une escapade au pays des Petits Poneys. Quand l’université propose une « semaine d’intégration » (ou Frosh Week), elle ne le fait pas à moitié. Moi qui adore par dessus tout rencontrer de nouvelles personnes, qui plus est étrangères, j’ai été vaccinée pour un long moment. Le premier évènement auquel nous, les premières années, devions participer consistait en un rassemblement dans le stade de football afin de faire diverses activités à fort potentiel hontogène, du type inventer des danses ridicules ou réaliser des défis saugrenus en présence de parfaits inconnus – le but étant de nous faire rencontrer le plus de gens possible en une seule matinée. Je pensais être la SEULE à avoir détesté cette matinée mais j’appris plus tard que ça n’avait pas été le cas ; en tout cas, après cela il me fut impossible pendant de longues semaines d’aller vers les gens ou de m’immiscer dans des groupes.
C’est dommage dans un sens, parce que j’ai l’impression d’avoir perdu un temps précieux, mais il n’empêche que les premières semaines, je n’ai pas socialisé du tout avec les gens de ma résidence
, restant la plupart du temps dans ma chambre, seule. De nombreuses activités visant à se rapprocher des gens de nos maisons (ouais ouais, « maisons », comme dans Harry Potter – si ça c’est pas la classe) ou de nos étages étaient organisées, je n’y participais jamais. Au final, je commençais à acquérir une réputation de française snob et hautaine typique, et je m’en fichais pas mal, parce que tout ce que je voulais c’était qu’on me laisse en paix et qu’on cesse de me forcer à rencontrer des gens. Ça viendrait tout seul, et plus tard.
Les bonnes résolutions du Nouvel An
Le premier semestre prit rapidement fin, et, alors que le reste des 180 habitants de cette résidence était déjà soudé-à-la-vie-à-la-mort-meilleurs-amis-pour-toujours, moi j’avais (avec bien des difficultés) réussi à me faire quatre ou cinq bons amis « seulement ». C’est en traînant sur Facebook pendant les vacances de Noël, remarquant qu’ils s’envoyaient tous entre eux des messages d’amour, des private jokes ou simplement des « I miss you ! » que je rendis compte que, peut-être, j’avais effectivement un comportement stupide, et qu’il était temps de « drop the attitude« . Je fis mentalement une promesse de tisser des liens avec le maximum de gens dans ma résidences durant le second semestre. Et je m’y tins, me demandant pourquoi j’avais mis tant de temps à réaliser que toutes ces personnes, chacune d’entre elles, étaient faites en or massif incrustés de diamants énormes et qu’ils faisaient tous caca des paillettes et des papillons.
En seulement 5 mois, j’ai rattrapé le temps perdu, créé des amitiés fortes et durables avec beaucoup de personnes, je les ai découvertes individuellement, j’en ai appris tellement, j’ai passé des moments absolument inoubliables et, surtout, j’ai changé, et grandi à leur contact. Ces gens ont profondément modifié la façon que j’avais de voir ou de réfléchir à certaines choses, ils m’ont aidée sans le vouloir à me remettre en question, et surtout, ils m’ont aimée. Ils m’ont donné tant d’amour que je m’étonne encore de pouvoir tout garder en moi. Ils m’aiment inconditionnellement, sans poser de questions. Et je les aime aussi, très très fort, gros comme ça.
Nous sommes devenus en un an, après des dizaines d’événements comme le Yule Ball de Noël, les tournois de sport, les guerres de maisons, les fêtes, les concerts, une vraie famille. Aujourd’hui je sais qu’il y a quelque part dans le monde à peu près 180 personnes qui m’aiment, vraiment, et qui seront toujours là pour moi, et qui ne me décevront jamais, tout comme je ne les décevrai jamais, j’espère.
Let the spirit live on
Le dernier soir, avant de partir en grandes vacances, j’ai pris un thé à deux heures du matin dans la salle commune de H House (nos maisons étant désignées par des lettres) avec deux amies. Nous faisions un bilan de notre année à l’université et particulièrement à la résidence et l’une d’elles a dit : « C’est drôle parce que même avant de venir à l’université je savais que je voulais habiter dans cette résidence. Quand j’ai montré des photos à mes amis à Saskatoon ils m’ont tous dit « Bah, ça fait trop peur, on dirait que c’est hanté !« . Maintenant, j’ai envie de leur dire qu’ils avaient raison, et qu’elle est bien hantée, cette résidence. Elle est hantée par plus de 60 ans d’amour, de souvenirs incroyables, de rires, de larmes, d’émotions, d’aventures, d’amitiés. C’est gravé dans les murs, ça a infiltré chaque pierre de ce bâtiment« .
Aujourd’hui, après quelques semaines passées à pleurer à la suite de mon retour en France, après avoir pratiquement appris par coeur le Yearbook tellement je l’ai feuilleté, après avoir réalisé que ma première année d’université aurait été complètement fade et inutile si je n’avais pas vécu dans cette résidence, et surtout, en ressentant tous les jours une terrible sensation de manque de ne pouvoir être avec mes « homies », je comprends que mon amie a parfaitement raison. Je pense aux 180 nouvelles personnes qui vont habiter ce merveilleux bâtiment l’année prochaine, et à ceux qui l’ont habité avant nous. Une chose est sûre : l’esprit de cette résidence ne s’éteindra jamais. Quant à moi je décède de hâte de tous les retrouver en Septembre pour de nouvelles aventures.
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Les Commentaires
Par contre je suis actuellement en résidence crous et c'est carrément....différent