– Article initialement publié le 1er novembre 2015.
Quand j’étais au lycée, un jour est venue l’heure fatidique où mon père m’a regardé dans les yeux et m’a dit : « il faudrait que tu te trouves un petit boulot ». En effet, mes vingt euros par mois commençaient à être légers pour assurer ma consommation de sandwiches et de débardeurs rayés au Mim du centre-ville.
Certaines de mes amies avaient décidé de mettre à contribution leur grande patience au service de parents voulant de réintroduire dans la vie sociale. Moyennant finance, elles s’occupaient de vérifier quand le petit dernier respirait toujours, assoupi dans son berceau, pendant que l’autre tentait de mettre les doigts dans la prise.
J’ai pris en compte mon aversion pour les êtres humains de moins de quatorze ans (c’est une moyenne) et j’en ai déduit que cette mission n’était pas pour moi. Tant pis pour la panoplie complète d’Avril Lavigne.
Aujourd’hui, je gagne ma croûte en tapant du clavier pour des magazines tel que ce chef-d’oeuvre intitulé madmoiZelle.com. Ma maison est devenue mon bureau et je n’ai plus besoin de penser à garder de minuscules monstres chauves pour payer mon loyer. Pourtant, j’exerce depuis peu une activité qui a tout d’un de ces fameux « petits boulots » que mon père affectionnait tant…
Mon antipathie pour les enfants a toujours été proportionnelle à l’amour que je porte aux animaux. Petite, j’ai toujours été entourée de boules de poils collant leurs langues sur mon nez et acceptant mon autorité de mini-dictactrice. Durant mes études, je me suis rapidement sentie bien seule, entre quatre murs et un parquet, sans aucun poil à retirer des tapis… Après mon cochon d’Inde et mon lapin, Chihiro n’a pas tardé à me rejoindre. Aujourd’hui, j’ai compris que je ne me lasserai jamais de son aboiement, si strident soit-il.
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Ni de son talent inné pour les long-métrages.
Un jour, alors que je déroulais ma timeline à la conquête de l’inspiration, une publicité a attiré mon attention. Un tout nouveau site permettait de répertorier des DogSitters en ligne. Pas con : de nombreux chiens n’ont pas été habitués à rester longtemps seuls, et en ville, impossible de trouver une pension correcte sans sacrifier un PEL. Poussée par ma curiosité, je me suis inscrite. DogBuddy permet de trouver quelqu’un de confiance ou devenir soi-même « baby-sitter canin » pour la journée, plusieurs jours ou juste le temps d’une promenade. J’ai créé mon annonce et coché tous ces services !
Au départ, je ne me suis pas inscrite par besoin ou envie d’ajouter un peu de money-money à mon Livret A. Les prestations ne sont d’ailleurs pas très chères (si on compte en plus la commission du site, qui établit la communication et met en place des assurances). Je trouvais simplement cool de m’entourer de carlins et autres bichons, d’en prendre soin et de les couvrir de bisous bien baveux, tout en dépannant leurs propriétaires. J’ai rempli mon annonce et attendu que les clients tambourinent à ma porte… en vain.
Confier son chien est compliqué. Faire garder Chihiro, même par une mamie à la main lourde sur le Canigou, serait pour moi comme m’arracher le foie et l’offrir à Belzebuth (avec une laisse à enrouleur). Les propriétaires avaient sans doute leurs habitudes et mon profil vierge d’avis ne devait pas leur donner confiance. Les mois passants, j’ai oublié que j’étais inscrite. Jusqu’au jour où j’ai reçu ma première demande de réservation.
J’ai flippé.
Et si Chihiro ne supportait pas qu’un autre pose une patte sur son territoire ? Et si quelqu’un m’arrachait le chien des mains pendant la promenade au parc ? Et si le propriétaire, terrifié, m’appelait à 4h du mat’ pour savoir si Princesse avait fait une belle crotte mi-molle ? Et si c’était UN PIÈGE ?
Moi, allant ouvrir la porte après avoir entendu la sonnette.
Baptême du poil
Un homme d’une trentaine d’années cherchait quelqu’un pour s’occuper de son grand Border Collie pendant le week-end. Un tout autre gabarit que mon Russkiy Toy de deux kilos, dans mon appart de cinquante mètres carrés… Nous avons échangé par mail et SMS pour préparer la venue de Jack au mieux.
Le soir de sa venue, mon appartement ressemblait à une maison témoin. J’avais si peur de ne pas inspirer confiance que je m’étais habillée comme une femme d’affaires, à cette heure où j’avais l’habitude de me balader en pyjama pastel. L’homme m’a expliqué son histoire : né au Japon, il avait rencontré Jack aux États-Unis où il avait vécu la majeure partie du temps. Il habitait en France depuis peu, après avoir suivi sa femme (avec laquelle il était en train de se séparer suite à la naissance de leur premier enfant). Bref, un truc un peu compliqué, mais aucun tortionnaire en vue.
Le maître est parti et Jack a tout de suite été très à l’aise et ultra obéissant. Chihiro a passé la soirée à l’ignorer, comme un monarque du haut de son canapé. J’ai apprécié le promener sans me prendre aucune réflexion de la part des groupes traînant dans le parc (un peu moins ramasser ses crottes de la taille de ma main) (avoir un garde du corps, c’est faire des sacrifice).
J’ai adoré cette expérience de quelques jours. À la fin, Jack connaissait l’horaire des promenades et se manifestait si je n’enfilais pas mes vieilles Vans assez vite. En plus, ce cher Monsieur était l’American Boy des trottoirs de Boulbi’ : il fallait lui parler en anglais ! Bref, ne pas s’y attacher, c’était avoir un coeur moisi.
J’ai été un peu triste au moment de le rendre. Mais quand j’ai vu sa queue gesticuler frénétiquement à la vue de son propriétaire, je me suis dit que c’était bien mieux comme ça. Quelques jours plus tard, j’ai reçu trente euros.
Du coup, j’ai eu envie de continuer.
Ça s’en va et ça revient
Une semaine après, j’ai gardé un chihuahua pendant une semaine. Ema était ce genre de chien très exclusif, ne faisant confiance qu’à sa maîtresse (ce qui impliquait que le reste du monde était une horde de monstres imberbes sur deux pattes). J’envoyais des photos à sa propriétaire régulièrement pour calmer son angoisse. C’était la première fois qu’elle confiait Ema… chose que j’ai rapidement constaté quand celle-ci a catégoriquement refusé de manger pendant une journée. C’était un cas compliqué.
J’ai été heureuse de constater qu’après quelques regards en coin et babines relevées, la petite chienne me laissait enfin lui enfiler le harnais. Une semaine plus tard, elle venait regarder Les Reines du Shopping à côté de moi, à une condition : interdiction formelle de la regarder dans les yeux. À la fin, je pouvais lui caresser la tête et elle se risquait même à jouer trente secondes avec Chihiro. C’était cool.
La semaine dernière, une dame m’a proposé de garder son jeune Bichon croisé Westie. Avec Jojo, nous avons passé le mercredi ensemble et il ne m’a plus quittée. Il me suivait partout jusqu’à s’endormir plusieurs heures sur mon pied. La propriétaire était ravie. J’ai eu droit à quatre nouvelles étoiles.
Aujourd’hui, je sais comment gérer cette petite activité. Nous faisons d’abord une rencontre entre chiens dans un endroit neutre. Nous établissons les règles à l’avances et je n’hésite pas à dire quand je pense ne pas être dispo à 100% pour le chien. Je n’accueille jamais plusieurs animaux de propriétaires différents. Je m’oblige à envoyer un ou deux SMS/MMS par jour (même quand la garde ne dure qu’une après-midi).
Maintenant je reçois des réservations des mois à l’avance et certains m’ont recommandée à leurs amis. J’ai même mon petit client régulier : Jojo est là tous les mercredis après-midi et j’ai l’impression de me transformer en Fran Fine (les petits cris de nounou gaga en plus) ! D’ailleurs, je sens présentement sa touffe de poils sous mes pieds. C’est pas désagréable.
Alors, tu te lances ?
Être DogSitter est une super expérience car on apprend toujours aux côtés des chiens. Cette activité permet de faire des rencontres et d’animer un intérieur un peu triste. Tu passeras ta journée à fourrer ton nez dans un pelage fluffy et lancer une balle dégoulinante, tout en étant payée pour ça.
Mais c’est aussi, et surtout, des responsabilités et des inconvénients. S’occuper d’un chien c’est se rendre disponible pour lui et lui offrir un service digne du Hilton (massage de coussinets à l’huile d’avocat inclus). C’est le sortir, évidemment, mais faire attention à son comportement et ne jamais prendre de décisions risquées (le lâcher, l’emmener dans un endroit pas hyper sécurisé).
Quand tu héberges un chien, impossible de sortir jusqu’à cinq heures du mat’ ! Si on te l’a confié ce n’est pas pour que tu l’abandonnes chez toi, il faut être présente au maximum. Il ne faut pas oublier de penser au propriétaire et lui envoyer des nouvelles régulièrement ! Bref, c’est un travail à plein temps.
Oui, parfois les propriétaires ont des requêtes un peu particulières.
Pourtant si tu l’acceptes et que tu te sens capable de l’assumer, tu ne devrais vraiment pas le regretter. Promis, juré… léché.
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