Pour Jade, il était auparavant impossible d’avoir une relation sexuelle pénétrative. En 2019, elle apprend qu’elle présente une malformation au niveau de l’hymen, qui nécessite une incision chirurgicale. Pour Madmoizelle, elle témoigne.
« Quand j’avais mes règles et que j’essayais de mettre un tampon, je voyais que ça ne rentrait pas. Je me disais que ça viendrait peut-être tout seul quand j’aurais des relations intimes. Et puis, quand j’ai commencé à avoir une sexualité, j’avais beau essayer, ça ne rentrait pas. » Jade a 17 ans lors de sa première fois. À l’époque, elle est tout aussi désinformée que son partenaire. Les tentatives de pénétration sont un échec, mais elle ne s’en inquiète pas outre mesure : il est plutôt nul, ça doit être la raison…
Pourtant, le temps passe et le problème persiste. « J’étais en couple avec mon premier copain, j’avais 18 ans. On a essayé plusieurs fois, mais il ne pouvait même pas mettre un doigt. C’est là que ça m’a vraiment alarmée. » Jade sait que ce n’est pas qu’une simple question de lubrification ou de détente. « Je connais mon corps un minimum. »
Jade commence à chercher la cause de cet obstacle.
« Ça a été hyper dur parce que le corps médical n’a pas forcément connaissance de cette malformation. J’ai vu un premier gynéco qui m’a dit que j’avais un hymen un peu fermé, mais qu’en gros, si j’étais bien lubrifiée, ça passerait tout seul, même j’allais avoir mal. Il m’a conseillé d’utiliser un dilatateur si ça ne marchait pas, ça m’a fait super peur. Alors j’ai essayé de forcer, encore, avec mon copain de l’époque.”
Mais avoir mal lors d’un rapport sexuel, ce n’est absolument pas normal, et ce n’est surtout pas dans les projets de Jade. La jeune femme continue ses recherches.
Pendant un temps, elle pense qu’elle souffre de vaginisme, une contraction involontaire des muscles du plancher pelvien lors de la pénétration. La jeune femme décide d’aller consulter une sexologue, qui la met sur une autre piste : la cause de ses maux n’est pas psychique, mais bien physique. Sans plus d’informations. Les mois passent, et Jade finit par tomber sur une vidéo de la youtubeuse Pure Human Soul. « Elle parle de sexualité sans tabou. Sous une de ses vidéos, une fille a commenté qu’elle avait une malformation de l’hymen. Je me suis demandé si j’avais la même chose, alors je l’ai contactée sur Instagram. »
L’internaute répond immédiatement, et Jade, après avoir discuté avec elle, apprend l’existence d’une opération qui s’appelle l’hyménotomie, une ouverture chirurgicale de l’hymen. « Là, j’ai eu un espoir. » La jeune femme va finalement consulter une autre gynécologue, qui lui annonce, justement, que son hymen est trop épais et qu’elle peut procéder à une hyménotomie.
Après l’opération, Jade, qui comptabilise près de 140 000 abonnés sur TikTok, fait part de son expérience à sa communauté. Quasi-immédiatement, les messages et les commentaires affluent.
« D’après le chirurgien qui m’a opérée, il n’y a que de 20 à 30 hyménotomies en France par an. Pourtant, après que ma vidéo a percé – j’ai fait 1,8 million de vues – j’ai dû recevoir entre 400 et 500 messages de filles qui se posaient des questions par rapport à ça. »
Malgré une errance diagnostique de plus d’un an, Jade s’estime chanceuse : grâce à un entourage compréhensif et à une éducation sans tabou autour de la sexualité, elle a pu se faire opérer plus rapidement que la plupart des femmes concernées.
« Un an, c’est rien. J’ai vraiment tout donné pour trouver ce que j’avais parce que je ne pouvais pas supporter de ne pas être à l’aise dans mon corps. J’avais du temps et de quoi payer les dépenses médicales. Certaines filles ont peut-être laissé tomber. Certaines connaissent des années d’errance médicale. »
Cette expérience et l’opération n’ont néanmoins pas été sans conséquence sur sa sexualité. « J’ai vraiment galéré, j’ai eu si mal, j’en chialais. Tellement j’ai forcé avec mon ex, j’ai développé du vaginisme et je dois aujourd’hui voir une sexologue. »
Si Jade veut aujourd’hui parler publiquement de son expérience, c’est pour éviter que d’autres femmes passent par ce qu’elle a vécu ou continuent à forcer les rapports pénétratifs.
« Il n’y a pas longtemps, une abonnée m’a envoyé un message pour me dire que son copain s’énervait contre elle. Il ne comprenait pas ce qu’elle avait, alors elle lui avait envoyé ma vidéo, et il lui avait dit que ça le dégoûtait, qu’il n’avait même plus envie de la toucher. Elle s’est confiée à moi alors que je suis inconnue. Elle doit vraiment être au bout de sa vie. Je veux aider ces filles et j’ai la chance d’avoir une communauté : c’est l’occasion de m’en servir. »
Vous avez souvent vu cette malformation au cours de votre carrière ?
C’est très rare. Ce qui est en revanche extrêmement fréquent et qui empêche totalement des rapports sexuels pénétratifs, c’est le vaginisme. Dans les années 1990, j’ai été la première à rééduquer des femmes qui en souffraient. Beaucoup pensaient qu’elles avaient un problème d’hymen, mais je n’ai vu qu’une seule et unique fois une malformation de l’hymen charnu [la membrane est trop épaisse, NDLR]. L’hymen était quasiment imperforé, c’est la raison pour laquelle il a fallu une intervention. On méconnaît le vaginisme.Il y a donc un risque qu’on le confonde avec un hymen trop serré – ce qui est très rare – et qu’on fasse des hyménotomies sous anesthésie, qui créeront un traumatisme extrêmement important, qui va encore aggraver le vaginisme.
Comment se fait-il que cette confusion existe ?
Il y a beaucoup de vaginismes mal détectés. De nombreux professionnels de santé méconnaissent cette pathologie et préfèrent donner un coup de bistouri. De plus, certaines patientes ont du mal à comprendre qu’elles en souffrent. C’est plus simple pour elles de penser qu’elles ont une anomalie anatomique qui empêche la sexualité. Un hymen charnu, s’il est complètement imperforé, cela se diagnostique pratiquement lors des deuxièmes ou troisièmes règles, puisque le sang ne s’écoule pas. Il existe aussi des hymens cruciformes, c’est-à-dire qu’ils ont juste des petits trous.
Comment se soigne le vaginisme ?
Quand je reçois une patiente vaginique, je commence par lui dire : « Je ne vais pas vous examiner », parce que c’est ça qui leur fait peur. Je fais d’abord une ou deux séances de relaxation avant de regarder. Je leur dis que ça peut arriver qu’il y ait un problème d’hymen, mais que c’est exceptionnel. Quand je fais de la formation dans les collèges et les lycées, personne n’arrive à se représenter correctement l’hymen. Tout le monde pense que c’est une porte blindée, que ça ferme, alors que l’hymen est quelque chose d’ouvert. C’est comme un disque perforé au milieu, on peut y passer un doigt sans le déchirer. Au moment de la défloration, trois ou quatre petites encoches de 2 millimètres à la surface ou à la périphérie suffisent.
Si on résume, il existe une confusion entre vaginisme et malformation de l’hymen due à des clichés et des tabous.
C’est aussi parce que les femmes n’osent pas regarder leur intimité, explorer. Elles ne connaissent pas leur corps. On pense également qu’on saigne forcément lors du premier rapport, mais c’est faux : la moitié des femmes ne saignent pas parce que la déchirure de l’hymen est minime. De plus, la virginité féminine est valorisée dans beaucoup de cultures.
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