Il y a un peu plus d’un mois, après une journée de télétravail post-confinement un peu blasante (c’était juste avant qu’on puisse revenir au bureau et clairement, j’en avais marre de rester chez moi H24), j’ai fait une recherche LinkedIn que je ne suis pas prête d’oublier. Sur le réseau social professionnel — que j’ai l’habitude de creuser dans le cadre de mon travail — j’ai pour la première fois tapé un nom que j’avais déjà bien exploité sur Google, Facebook et même Copains d’avant.
Celui de mon père biologique.
Plusieurs résultats pour ce nom finalement assez commun. En balayant rapidement, un profil retient mon attention : la photo ainsi que la localisation me paraissent cohérentes, mais j’ai peu d’espoir que cela corresponde réellement.
Et là, sans avoir peur de passer pour une grosse stalkeuse, je clique sur le profil. La photo est plus grande et tout de suite je reconnais mon nez, un nez que j’ai eu du mal à aimer pendant mon adolescence.
Je balaye méthodiquement les informations que je trouve et rapidement… tout correspond : le même lycée que ma mère, la même année. Un parcours professionnel qui colle à ce qu’on m’a raconté de lui. Et encore ce nez, que je reconnais parfaitement !
Quand j’ai découvert que j’avais un père adoptif, et un père biologique
Vers mes 6 ans, j’ai appris — par un membre de ma famille — que celui que j’appelais « papa » n’était en réalité pas mon père biologique. Qu’il m’avait adoptée. Le soir, à table, j’ai simplement posé la question « C’est vrai que tu n’es pas mon père ? ». Dans mes souvenirs, on a un peu pleuré, beaucoup discuté, mon père m’a serré dans les bras et m’a dit que malgré notre sang différent, j’étais bien sa fille.
Je crois que ça n’a pas vraiment changé mon enfance, ni la personne que je suis devenue.
C’est marrant car avec le recul j’aurai pu percuter : ma mère m’a trimballée un peu partout bébé et j’ai fini par réaliser que pendant mes 3-4 premières années, je n’avais pas de père. Ma figure paternelle, c’était celle de mon grand-père, avec lequel j’ai tissé des liens indestructibles. Avec ma mère et ma grand-mère, ils m’ont offert une triple dose d’amour. Aucune raison donc, de me demander « Où il est mon papa ? ».
Des questionnements de longue date
Mais évidemment, à l’adolescence, j’ai commencé à me poser des questions : à quoi ressemble-t-il ? Quels sont les points communs que j’ai avec lui, que mon père adoptif n’a pas ? Est-ce qu’il a d’autres enfants ? Comment en parler à ma sœur et mon frère (qui sont nés quelques années après moi) ?
Il y a encore quelques années, c’était un sujet hyper tabou pour moi, quasiment personne n’était au courant. Quand on on me disait « Tu ressembles vachement à ton père », je souriais poliment mais au fond, ça me tracassait de ne pas savoir à quoi il ressemble, mon vrai père. J’avais carrément honte de la situation, et j’étais blessée que cet homme nous ait abandonnées, ma mère et moi.
La raison pour laquelle mon père ne m’a pas reconnue est tristement banale : lui était issu de la bourgeoisie, et ma mère de la classe moyenne. Pas le bon standing pour lui et sa famille, surtout il y a presque trente ans j’imagine.
Parfois, je me dis que mon ambition professionnelle et personnelle, je la dois à ce rejet directement lié à ma classe sociale. Depuis toujours, j’ai eu envie de m’en sortir, pas pour le plaisir de gagner de l’argent mais plutôt comme une revanche sur ce « mauvais jugement » de sa part.
J’ai retrouvé mon père biologique, et j’ai enfin pu en parler avec ma mère
De retour à ma découverte LinkedIn.
Après avoir identifié mon potentiel père (j’ai entre-temps double checké les informations avec ma grand-mère qui savait pendant quelles années il avait étudié, et où), il me fallait l’ultime confirmation : celle de ma mère. Allait-elle le reconnaître ? Est-ce que je m’étais plantée ? Comment allait-elle réagir ?
Je l’ai appelé pour l’informer de ce que j’avais peut-être découvert, puis je lui ai envoyé une capture d’écran. Elle m’a tout de suite confirmé, c’est bien lui.
Me parcourt un mélange d’excitation, d’inattendu et en même temps un sentiment un peu détaché. J’ai eu l’impression de retrouver un pote de collège, pas mon père, pas ma chair, pas mon sang ! Je n’ai jamais vraiment idéalisé ce moment, mais je pensais que ça allait me bouleverser davantage.
Ce moment a été l’alibi parfait pour poser à ma mère les questions que j’avais gardées pour moi pendant tout ce temps : étaient-ils amoureux à l’époque ? Quels traits de caractère je pouvais bien avoir de lui ? Comment cette histoire s’est-elle terminée ? Avait-elle été triste ? Pourquoi elle est-ce qu’elle avait-elle décidé de me garder ?
J’ai obtenu des réponses. Certaines qui me font sourire, à propos de quelques traits de mon caractère. D’autres qui me rassurent, à propos de l’évidence de maintenir cette grossesse. Et puis celles qui me pincent le cœur, comme de savoir que ma mère était finalement très amoureuse, trop amoureuse.
C’était génial de me réapproprier un bout de l’histoire. De ne plus être uniquement dans des projections, des fantasmes, mais bien dans du concret. Malgré tout, j’essaye de prendre du recul car ce n’est qu’un bout de l’histoire.
Je confronterai également mon père à ces questions.
J’ai décidé de contacter mon père biologique
A l’instant où j’écris cet article et après plusieurs semaines de réflexion, j’ai décidé de lui écrire. Je ne sais pas exactement quand ni comment… mais j’ai envie d’avoir sa version de l’histoire, alors j’irai jusqu’au bout.
Je ne suis pas encore sûre de ce que j’attends de cette rencontre. Peut-être une sorte de mentor sur lequel je pourrais m’appuyer pour sortir de mon cocon familial ? Un ami pour passer des moments sympathiques ? Mais certainement pas une figure paternelle.
Mes deux parents me soutiennent dans cette initiative et savent que cela ne changera rien à notre relation : ce sont eux mes parents, ma mère et mon père adoptif.
Mais j’avoue que je suis effrayée de ne jamais avoir de réponse, ou pire : qu’il me « rejette » ! Je raconterai peut-être tout ça dans un prochain article, si j’arrive à prendre mon courage à deux mains.
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Crédit photo : Thought catalog / Unplash
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