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Source : Unsplash / Luana Azevedo
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J’ai été adoptée quand j’étais bébé, et devenir mère a chamboulé mon rapport à la filiation

Abandonnée à un an en raison de son handicap, puis adoptée dans une famille aimante, Sonia est partie, une fois adulte, à la recherche de ses origines. Aujourd’hui maman d’un petit garçon, elle nous raconte ce que la maternité a changé dans son lien avec ses parents adoptifs et biologiques. 

Née avec un handicap, j’ai été adoptée par mes parents alors que j’avais un an et demi. Ce qui est particulier dans mon histoire, c’est que je n’ai pas été abandonnée tout de suite par mes parents biologiques. 

Après le choc de ma naissance, où mes parents ont dû faire face à ma différence, on leur a donné le temps de la réflexion. Pendant ce temps, je suis restée à l’hôpital, avant d’être placée en pouponnière. Au bout d’un an, on leur a demandé de prendre une décision. C’est là qu’ils ont décidé de m’abandonner. 

Pour éviter que je sois trimballée de famille d’accueil en famille d’accueil, les services sociaux ont très rapidement cherché une famille pour m’adopter. Comme j’étais ce que l’on appelle un « enfant à besoins spécifiques », ils ont cherché une famille avec une fratrie plus âgée, pour que des frères et sœurs s’occupent aussi de moi. Dans le cas des enfants porteurs de handicap, les parents adoptifs sont souvent plus âgés

C’était le cas de mes parents, qui avaient 40 ans au moment de mon adoption et avaient déjà adopté plusieurs enfants auparavant. Quand je suis arrivée dans la famille, il y avait déjà 5 enfants, dont 3 enfants adoptés. J’ai ensuite eu une petite sœur adoptée après moi, alors qu’elle avait 7 ans et moi 8. 

J’ai vécu dans cette famille pleine d’amour, avec des parents très aimants, qui faisaient tout pour leurs enfants. Quand j’étais plus jeune, tout était un peu centré autour de la problématique de mon handicap. Cela n’a pas toujours été simple de me faire reconnaître en tant que Sonia, au-delà du handicap. Tout se cristallisait autour de l’intégration, de l’acceptation par rapport à mon nanisme à l’école, par exemple. Mais à côté de cela, j’étais très chouchoutée par mes parents, très protégée par eux. 

En revanche, nous ne parlions jamais de notre adoption ou de la question de la recherche des origines. C’était un sujet un peu tabou, surtout pour ma mère qui ne voulait pas en entendre parler. Ce n’était pas simple, car je me posais beaucoup de questions. Je savais que j’étais d’origine algérienne, et c’est à peu près tout. J’avais peur d’aborder le sujet, par peur de faire de la peine à mes parents. Je les aimais, et je ressentais un conflit de loyauté en cherchant à savoir d’où je venais. Le handicap ajoutait quelque chose d’assez fort dans cette culpabilité. Je me disais qu’ils m’avaient adoptée en connaissance de cause, alors je me devais de leur être reconnaissante pour m’avoir acceptée comme je suis. 

A lire aussi : « Quand on est adopté, la condition pour se réapproprier son histoire, c’est d’atteindre l’âge adulte »

La recherche des origines, un bouleversement intérieur

C’est à 23 ans que j’ai finalement entrepris de rechercher mes parents biologiques. J’ai attendu d’être autonome, de vivre dans mon propre appartement pour entamer ces démarches. C’est un coup de fil qui a tout déclenché : quelqu’un qui établissait un arbre généalogique m’a appelée pour avoir des renseignements sur une branche de ma famille adoptive, et pour savoir si j’y étais rattachée. Je lui ai répondu que oui, mais au fond de moi, je savais que cette personne cherchait une ressemblance, une filiation biologique. Mes parents sont mes parents, mais au-delà de plusieurs générations, difficile de s’identifier, mes ancêtres, ce ne sont pas les Gaulois… J’ai eu envie, à ce moment-là, de connaître moi aussi mes ancêtres, de savoir d’où je viens. 

J’ai eu la chance de ne pas avoir de difficultés dans les démarches pour retrouver mes parents biologiques car ils m’avaient reconnue à la naissance, ce qui est très rare. J’ai demandé mon dossier du Conseil départemental, et la réponse est arrivée 6 mois plus tard. Dans ce fameux dossier, j’ai notamment trouvé une lettre manuscrite de ma mère biologique. Je me suis rendu compte qu’on avait la même écriture toutes les deux.

Quand on retrouve ses origines, c’est un bouleversement intérieur. Je me suis longtemps demandé pourquoi mes parents biologiques n’avaient pas voulu me garder auprès d’eux. J’ai finalement découvert que c’était vraiment mon handicap qui avait posé problème à ma naissance. D’ailleurs, dans le dossier médical établi quand j’étais bébé, il était noté qu’on ne savait pas si je pourrais marcher un jour. Cela leur a fait peur, et je le comprends

Cela m’a même fait chaud au cœur que mes deux parents se donnent le temps de la réflexion avant d’être abandonnée. Ils se sont longuement posé la question et c’était très fort pour moi de l’apprendre. Ce sont deux adultes qui ont pris le temps de savoir s’ils seraient prêts à m’accompagner tout au long de ma vie. 

J’ai d’abord pris contact avec ma mère via un courrier et elle m’a appelé quelques jours après. Elle m’a révélé qu’elle attendait ce coup de fil depuis mes 18 ans. Elle était très émue et moi aussi, surtout que j’ai tout de suite remarqué que nous avions quelque chose de similaire dans la voix. Au téléphone, elle m’a demandé pardon.

Les retrouvailles avec mes parents biologiques

Nous nous sommes rencontrées quelques temps plus tard, dans les locaux du Conseil départemental. Elle m’a prise dans ses bras et m’a à nouveau demandé pardon. Pour moi, vivant avec le handicap depuis toujours, j’arrivais à comprendre et à pardonner à mes parents biologiques de m’avoir abandonnée. J’ai vécu les problèmes de santé, les opérations, les problèmes d’intégration, de socialisation… Je peux comprendre que face à ces défis du handicap, ils aient pu m’abandonner. 

Pendant un an, je l’ai beaucoup appelée au téléphone, je l’ai même accueillie chez moi. J’avais vraiment envie de retisser un lien avec cette femme pour me rapprocher d’elle, mais aussi de mes origines algériennes dont je savais très peu de choses. Mais la douleur et la culpabilité ont été trop intenses pour elle. Elle a donc fini par couper les ponts, un peu abruptement. Sur le coup, cela m’a fait énormément de peine, j’ai mis longtemps à l’encaisser. Maintenant, je comprends ce geste. Elle avait aussi abandonné un bébé et retrouvait une femme adulte qu’elle ne reconnaissait pas comme sa fille.

C’est aussi pour cette raison que, lorsque j’ai retrouvé mon père biologique cinq ans plus tard, j’avais moins d’attentes. Je voulais avant tout faire la paix avec mon histoire. Avec lui, les choses se sont faites plus simplement. J’étais aussi sans doute plus âgée et donc plus mature. Ce qui est surprenant, c’est que c’est par lui que je me suis sentie reconnue dans ma filiation biologique parce qu’il m’a appelée par mon prénom d’origine, Mounya, dès notre première rencontre. 

Mais je n’en attendais pas plus. Après l’avoir vu en moyenne une fois par an, les liens se sont délités. Sans regret. 

La découverte de la maternité

Quand je suis tombée enceinte, j’ai néanmoins décidé de reprendre contact pour lui annoncer la nouvelle. Je l’ai aussi informé de la naissance de mon premier enfant. Non pas pour qui noue un lien affectif avec mon fils, mais pour qu’il sache qu’il avait un descendant dans sa filiation. Lui annoncer cela, c’était une manière pour moi de faire un pied de nez à la vie et de passer à autre chose, pas de créer un lien qui n’existe pas. Je me suis rendue compte que j’aurais bien aimé que mon fils ait des grands-parents biologiques. Mais comme le lien ne s’est jamais fait avec moi, ils ne peuvent pas endosser ce rôle pour lui. 

Les regrets, en revanche, je les ai vis-à-vis de mes parents adoptifs, tous les deux décédés depuis un peu moins de 10 ans.

Depuis que je suis devenue mère, je me pose beaucoup de questions sur la place que va occuper mon enfant au sein de mon arbre généalogique. Mes parents adoptifs sont les premières personnes auxquelles j’ai pensé quand je me suis réveillée à la maternité. Ce qui me rend profondément triste, c’est qu’ils ne connaîtront jamais leur petit-fils. 

Ce qui me réconforte en revanche, c’est que mon fils, lui, les connaîtra : à travers les histoires que je lui raconterai, grâce aux autres membres de ma famille, par les souvenirs que l’on partagera avec lui, par les albums photo… Il est encore tout petit, mais lui parle déjà de mes parents en évoquant ses « papi et mamie du ciel ». Et je lui parlerai évidemment de ses origines, pour qu’il sache d’où il vient et que ce sujet ne soit jamais tabou.

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Les Commentaires

3
Avatar de KrissdeValnor
30 juin 2023 à 16h06
KrissdeValnor
Merci d'avoir partagé cette histoire de vie
2
Voir les 3 commentaires

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