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Hypersexualité : J’ai couché à l’excès pour oublier un traumatisme sexuel passé

 Melissa a 25 ans aujourd’hui. À l’âge de 18 ans, elle subit une relation sexuelle non consentie, suivie d’une agression sexuelle qui bouleversent sa jeune vie. Ces épisodes traumatisants ternissent ensuite ses relations avec le sexe opposé, parasitent le rapport qu’elle entretient avec son corps et avec sa sexualité, la faisant basculer dans l’hypersexualité. Elle se confie.

« Par le passé, j’ai subi une relation sexuelle forcée, suivie d’une agression sexuelle peu de temps après : toutes deux m’ont inconsciemment traumatisée. À l’époque, je ne pensais pas que la première était forcée : certes, je ne voulais pas coucher avec lui sur le moment, mais je lui ai dit “non” à demi-mot, “à moitié”, de manière douce pour ne pas le froisser. Je n’ai pas hurlé, pas crié, pas tapé, pas démontré suffisamment de fermeté – du moins, c’est ce que je pensais – parce que j’avais peur qu’il se mette en colère et que la situation dégénère. D’un autre côté, l’agresseur a “juste” fait preuve de beaucoup d’insistance, en me suppliant et “me contraignant” à céder sans pour autant basculer dans la violence ; ce qui m’a d’autant plus conforté dans mon idée de “non viol”. Ajoutez à cela le fait que je le connaissais et qu’il s’était déjà passé quelque chose de consenti auparavant : le fait de lui avoir dit “oui” une fois m’a alors fait penser qu’il avait tous les droits sur moi… 

Les faits se sont déroulés pendant mon job étudiant

Mon agresseur était mon collègue et nous avions déjà eu une relation sexuelle consentie hors cadre professionnel. Au moment des faits, il veut de nouveau coucher avec moi mais sur notre lieu de travail, dans une salle isolée au sous-sol et sans caméras (là où sont rangés les stocks de marchandises). Moi, je ne veux pas. Mais après de longues minutes à subir son insistance, comprenant que je ne vais pas pouvoir lui échapper en raison du lieu dans lequel on se trouve, je laisse la chose se faire. Ça aurait pu s’arrêter là…

Mais après cela, se prenant pour un “mâle alpha”, il raconte à tout le monde qu’il m’a “b*isé” dans cette salle-là, que je suis une “fille facile”, “ouverte d’esprit” qui dit “oui” à tout va. Il encourage même ses potes au travail à faire de même avec moi parce que je suis “OK pour ça” d’après lui. Il m’a d’ailleurs filmé à mon insu pendant l’acte et a montré les vidéos à plusieurs de nos collègues ; histoire de prouver qu’il ne mentait pas. 

Lui aussi veut sa part du gâteau

Quelques jours plus tard, je dois retourner au stock en bas pour réapprovisionner les rayons. Un autre gars est envoyé avec moi. Inspiré par les “exploits” de son ami, il me retient dans cette même salle, pour avoir sa part du gâteau lui aussi. Il insiste pour que je couche avec lui, en me disant : “Mais toi t’es une fille cool, ça te dérange pas de faire ça dans cet endroit, tu t’en fous t’es “open”. En plus je sais que t’as déjà couché avec X ici et que t’as kiffé.”

Je lui fais comprendre que ça ne m’intéresse pas, que je ne veux pas. Mais je fais face à un homme qui ne respecte pas les femmes et qui ne conçoit pas qu’on lui “résiste”. Il a alors l’idée de m’attraper par derrière et de me serrer très fort dans ses bras, pas de manière tendre et affectueuse, loin de là, mais plutôt pour limiter mes mouvements, m’intimider, me montrer qu’il est bien plus fort que moi et que même si je me débats, je ne m’en sortirai pas. J’essaye de me défaire de son étreinte, de me débattre gentiment, de lui dire de me lâcher avec un petit sourire crispé pour lui faire croire que je n’ai pas peur.

Ces deux épisodes cumulés ont suffi à détruire la vision que j’ai de moi, des relations amoureuses, du rapport homme-femme, de la sexualité.

La vérité, c’est que je suis terrifiée. L’homme est costaud, fait environ 1m90. Je suis toute menue et mesure à peine 1m60. Je sais très bien que toutes les conditions sont réunies pour qu’il s’en prenne à moi sans jamais être inquiété. “Heureusement” pour moi, après de longues minutes, il finit par me lâcher. Quand je remonte, je suis encore en état de choc, je tremble de la tête aux pieds et je fonds en larmes dans le magasin.

Si cela peut paraître anodin pour certains, ces deux épisodes cumulés ont suffi à détruire la vision que j’ai de moi, des relations amoureuses, du rapport homme-femme, de la sexualité. Je commençais à peine à être active sexuellement parlant – le collègue en question étant le deuxième rapport sexuel de ma vie : il a donc teinté et parasité toutes mes relations d’après.

L’après : les rencontres sexuelles à la pelle, car dans ma tête les relations homme-femme sont forcément centrées sur le charnel 

S’en suivent plusieurs années où j’enchaîne les rencontres virtuelles comme physiques : les flirts, les situationships, les coups d’un soir et les relations sans lendemain. Je me mets sur les applications de rencontre, les réseaux sociaux ; et je chine des partenaires sexuels comme on chinerait un nouveau manteau. Tinder, Happn, OKCupid : tous les moyens sont bons pour provoquer la rencontre avec autrui et maximiser mes chances d’avoir un partenaire sexuel avec qui partager mon lit. Je teste toutes les applis sous prétexte que je grandis et qu’“on a qu’une vie”. 

À cette époque, j’ai en moyenne deux rendez-vous par semaine avec des hommes différents, qui aboutit souvent à une relation sexuelle consentie. Le procédé est toujours le même : on échange un peu par message – deux jours suffisent parfois – on fixe une date de rencontre et hop on couche ensemble. Je ne prends pas forcément de plaisir dans le fait coucher, mais je le fais quand même : dans ma tête, c’est comme s’il le fallait, comme si c’était ce qu’on attendait de moi, comme si les relations homme-femme devaient forcément se concrétiser par ça ou graviter autour de ça.

Source : Canva

Une tendance à sexualiser toutes mes interactions avec le sexe opposé

Et même si ça n’aboutit pas sur le fameux coït, je trouve toujours le moyen d’être dans une dynamique sexuelle avec la gent masculine. Effectivement, dès les premiers instants où l’on échange par message, où l’on fait simplement connaissance ; je m’empresse d’“allumer” l’autre, de le “chauffer”, d’éveiller son désir sexuel par le biais de mes mots ; bref, de sexualiser nos échanges verbaux et d’envoyer des sexto. 

Je ne peux pas m’en empêcher, c’est plus fort que moi : c’est moi qui introduit systématiquement le sexe dans la conversation avec mes matchs, mes prétendants… Comme si c’était le seul sujet intéressant que je pouvais partager avec l’être désiré, le seul sujet qui me permettait de créer un lien avec lui, le seul sujet qui pouvait me rendre intéressante et attrayante à ses yeux. 

Je vais anticiper, donner mon intimité en avance pour ne pas qu’il me la vole ou me la dérobe comme on a pu le faire par le passé.

Une vision “parasitée” de l’amour, avec le sexe au centre de tout

D’ailleurs c’est bizarre, mais quand il ne me parle pas de sexe ou quand il n’a pas tout le temps envie de coucher avec moi, j’ai l’impression que mon prétendant ou mon amoureux ne n’aime pas, qu’il ne s’intéresse pas à moi amoureusement, que je ne lui plais pas et qu’il n’est pas attiré par moi. 

En parallèle, à chaque fois qu’un homme essaye d’apprendre à me connaître même “sérieusement”, j’ai l’impression qu’il ne veut qu’une seule chose : du sexe. Je n’arrive pas à me dire qu’il peut s’intéresser à ma personne pour autre chose que ça… Dans mon esprit, c’est un peu comme si ma valeur humaine ne résidait que dans ma sexualité. Pour être validée, acceptée, aimée, je vais donc donner à l’autre ce que je pense qu’il aimerait, sans même qu’il ne l’ait demandé. Je vais anticiper, donner mon intimité en avance pour ne pas qu’il me la vole ou me la dérobe comme on a pu le faire par le passé. Du coup, pour être “digne d’amour”, je vais automatiquement me sexualiser. 

L’hypersexualisation comme réappropriation de mon corps, de mon histoire

À l’époque, je ne tire pas énormément de jouissance purement issue de ma sexualité, mais en étant sexuellement active, j’ai l’impression de me sentir de nouveau femme, et non plus comme un objet sexuel. Puisque JE choisis quand, comment, et avec qui je partage mon lit, j’ai l’impression de me réapproprier mon corps, mon histoire, ma vie.

Pendant le viol et l’agression sexuelle, j’étais la victime passive : j’ai subi. Quand je couche avec autrui (n’importe qui), c’est moi qui choisis, moi qui suis active, moi qui suis actrice. Et plus je couche, plus j’ai l’impression de reprendre le pouvoir sur ma vie : je me sens empouvoirée à l’instant T… Le problème, c’est que ça ne me suffit jamais, parce que ce pouvoir disparaît aussitôt que mon partenaire se volatilise. 

Avec du recul, je me rends compte que pour moi, le procédé était à peu près le même que celui d’une “relation pansement” : en enchaînant les conquêtes, j’essayais simplement d’effacer l’ancien trauma par une situation similaire, cette fois-ci choisie. En me sexualisant excessivement et en couchant très souvent, je ré-écrivais le récit, je changeais la narration avec des situations qui ressemblaient légèrement à l’agression puisqu’elles ont lieu dans la même sphère (sexuelle), mais qui revêtent une dimension plus positive. 

Le déclic : une dissonance entre ce que je veux et ce que je fais… 

Le déclic, je l’ai eu quand j’ai réalisé que les relations sans lendemain, les plans cul et tout le tintouin, ne correspondaient pas à ce que je voulais ; mais que, même en étant consciente de cela, je ne pouvais pas m’empêcher de diriger et d’orienter toutes mes relations en ce sens. La vérité, c’est que je désirais partager plus que seulement du charnel ou du sexuel, mais je ne pouvais pas m’arrêter de ne montrer que cette facette de moi aux hommes que je rencontrais. Je ne mettais en avant que ma sexualité auprès de la gent masculine : aucun autre trait de ma personnalité, aucun autre pilier de mon identité n’était fièrement affiché ou valorisé par ma personne. Inconsciemment, je pensais que je n’avais de valeur qu’à travers mon corps, mon sexe, ma sexualité. 

Je sais désormais que c’est une croyance limitante sur l’amour dont je dois me débarrasser, parce qu’elle a longtemps parasité mes relations avec le sexe opposé. Une vidéo TikTok, sur laquelle je suis tombée pendant le confinement, a renforcé cette prise de conscience. Elle parlait justement de l’hypersexualité causée par un traumatisme sexuel passé. Je me suis immédiatement reconnue dans les propos avancés. En faisant mes propres recherches sur internet, tout s’est ensuite éclairé.

Le destin (ou l’algorithme) fait bien les choses ! 

Dire qu’à l’époque, je pensais être une femme libérée de tout traumatisme sexuel passé… En réalité, j’étais encore aliénée. Et ce n’est pas une question sexiste de “body count” : une femme a le droit de coucher avec autant de personnes qu’elle le souhaite, si ça la rend heureuse, que ça n’égratigne pas sa psyché et que ça respecte sa volonté. Mais dans mon cas, ce n’était pas quelque chose qui m’épanouissait plus que ça : comme un robot, j’enchaînais les coups d’un soir sans me demander si je le voulais ou pas.

Aujourd’hui, j’ai ralenti le rythme, arrêté les applis de rencontre et stoppé les relations sans lendemain. Je me concentre sur moi, je laisse les choses venir et je ne les provoque pas. À vrai dire, j’ai même l’impression d’être tombée dans le versant opposé, de refuser tout semblant de relation amoureuse avec la gent masculine de peur d’être “utilisée” et instrumentalisée pour ma sexualité. J’ai encore du chemin à parcourir, c’est vrai, mais je consulte un psychologue et j’ai la volonté de m’en sortir.


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

16
Avatar de Manuella.
30 avril 2024 à 19h04
Manuella.
@Mi-Kyung
Merci.
Edit :
J'ai regardé le site et lu quelques rubriques, c'est un point de vue très institutionnel et médical.
Je ne sais pas quoi penser de ce genre d'infos. Surtout que je ne me sens pas victime des autres mais de moi même ^^.
Après je suis d'accord que ce n'est pas un état permanent, heureusement, on a juste une prédisposition pour x raisons à être comme ceci ou cela en fonction de la situation. Les raisons ne sont pas forcément lées à un traumatisme précis comme un viol, mais peuvent être aussi dues à un trauma lié à un harcelèment ou une situation difficile pour sa prope image de soi sur une longue période.
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