Il y a un an, j’ai décidé d’emmener ma vie vers un autre chemin alors que j’étais bien confortablement installée dans un quotidien stimulant et intéressant. Pour résumer, j’aimais (beaucoup) mon travail de directrice générale d’un organisme à but non lucratif, j’avais pris des responsabilités au sein de plusieurs conseils d’administration, j’avais un conjoint aimant et joyeux et deux beaux enfants qui me comblaient (note que j’ai toujours mon mari et mes enfants !).
Bref, ça roulait pour moi et je pense – très modestement et en toute humilité – que j’incarnais l’un des nombreux visages de la femme dans la trentaine, dynamique, battante, souriante, douée pour faire en sorte que tous ses projets réussissent. Oui, on peut tout avoir. Yes, we can.
Une démission et un changement de vie radical
Plus ma trentaine avançait, plus un avenir professionnel stimulant se dessinait… et c’est là que j’ai décidé de « tirer la plug ». Crac, boum ! J’ai démissionné et j’ai décidé de m’atteler à mon nouveau projet : écrire un roman. J’ai tourné le dos à plusieurs offres d’emplois stimulantes pour rester seule à la maison devant mon ordinateur à tenter de faire vivre des personnages et une histoire. Bon, je vous avoue que la décision ne s’est pas prise du jour au lendemain. Elle a été le long processus d’un calvaire mental !
Depuis quelques années, le diable se manifestait en moi en m’envoyant des pensées que je n’avais pas du tout envie d’accepter. Il me disait : « Veux-tu vraiment faire de la gestion de projets, de la planification stratégie, des budgets et des ressources humaines toute ta vie ? Veux-tu vraiment continuer à travailler dans un bureau de 8h à 18h toute ta vie ? Veux-tu vraiment grimper l’échelle toujours plus loin toujours plus haut ? »
Une partie de moi répondait : « Bah oui, j’aime ça! » Et une autre bougonnait : «Il y a tout un pan de toi que tu refuses d’explorer. Et je te garantis que je ne vais pas te laisser tranquille. Plus les années passeront, plus je cognerai à la porte pour que tu m’entendes et que tu me considères. » Grrrr… Je n’en voulais pas de cet autre moi. Je voulais simplement vivre avec un objectif défini, avec un plan de carrière et de vie, avec une trajectoire ascendante et linéaire. Tout comme on me l’avait appris à l’école et tout comme ce que notre société valorise.
Cohabiter avec ma voix diabolique
Je ne pouvais plus ignorer le diable, il était tout le temps présent, il s’engouffrait dans toutes mes pensées. Durant deux ans, on a cohabité bon an mal an. J’en ai discuté avec mon conjoint, avec ma famille, avec des amis proches. Et le diable a frayé son chemin jusqu’à ce que je capitule et que je m’avoue que… Oui, je serai probablement terriblement déçue, si je devais mourir demain, de constater que je n’avais pas écrit un roman.
Et que si je n’arrosais pas ce petit germe qui persistait depuis tant d’années, je finirai probablement par faire grandir en moi une frustration immense. Je me suis visualisée à 60 ans comme une femme aigrie. Non ça jamais ! J’ai alors accepté de prendre le risque (calculé quand même grâce au salaire de mon conjoint et mes économies !) de quitter mon boulot et de me jeter dans l’inconnu… avec rien à la clé, si ce n’est un possible roman. Mais allais-je en être capable ?
Je me souviens encore de ces premiers jours de février 2019. Une fois les enfants à l’école et mon conjoint au travail, je me retrouvais seule face à mon ordinateur à me demander : « Au fait, comment on fait pour écrire un roman ? » Alors j’ai procédé comme si un nouveau dossier venait d’atterrir sur mon bureau : j’ai travaillé, des heures et des heures, tous les jours de la semaine, avec une routine précise que rien ne pouvait dévoyer.
J’ai considéré mon projet de roman comme une mission professionnelle au cours de laquelle j’ai défini des objectifs, des jalons, des livrables. J’ai écrit à l’intuition des scènes désordonnées, puis mes personnages se sont précisés, le puzzle a commencé à s’assembler.
J’ai continué à écrire de manière un peu plus structurée. J’ai fait relire mon premier jet à quelques personnes proches (ma mère, mes sœurs, mon conjoint, des amis). Ils ont critiqué, commenté et surtout encouragé. J’ai poursuivi… et au mois de juin, j’avais terminé mon roman. Fastoche !… Je plaisante.
Changer de vie, trop facile ! Vraiment ?
Non pas tellement, fastoche ! La pauvre naïve que j’étais pensait qu’avec l’écriture d’un roman, je comblerais un petit manque et que hop, le tour serait joué pour réintégrer ma vie d’avant. Zut raté !
Durant l’année, je me suis sentie motivée par l’écriture tous les matins, heureuse de voir mon roman prendre forme, émerveillée d’observer mes personnages prendre vie. Je me suis sentie à ma place devant mon ordinateur. Je savais que j’avais fait le bon choix.
Ce que je n’avais pas anticipé, c’est que cette nouvelle tranche de vie allait m’apporter un lot de questionnements : sur ce que je voulais pour mes 5, 10, 20 prochaines années, sur la société dans laquelle on vit, sur ce que je souhaitais pour mes enfants… Et, je me réveillais parfois avec des angoisses sur comment j’allais financer ma retraite alors que je ne gagnais pas un rond et que je m’appauvrissais… Ou encore, un employeur acceptera-t-il de m’embaucher avec un parcours chaotique ? (il pensera que je suis une personne instable, peu fiable, etc.).
Bref, j’ai connu de grands moments de solitude lorsque je voyais mes amies obtenir des promotions et que moi, j’étais devant mon ordinateur à écrire un roman dont tout le monde se fichait bien (enfin plus maintenant !). Et mes amies, elles, enviaient ma liberté, et moi, de temps à autre, j’enviais leur confort.
J’ai dû lutter contre la voix de la raison qui me disait de me dépêcher de boucler mon roman et de retourner vers le marché du travail. Finalement, s’octroyer de la liberté, se dire que tout est possible, que tout est à créer et à imaginer, ça fait peur.
Vivre en suivant son intuition
Après l’été farniente, il est vite apparu que j’étais à la croisée des chemins : retrouver un boulot ou continuer à écrire. Et là, sans l’intervention de mon conjoint, je me serais mise à envoyer des signes à LinkedIn. Mais il m’en a empêché ! Il m’a convaincue d’écouter mon intuition, de poursuivre, qu’un arrêt de quelques mois n’était pas suffisant pour que les doutes s’apaisent et que de nouveaux chemins se profilent. Et pour une fois dans ma vie, j’ai écouté ses conseils ! Merci chéri !
Grand bien m’en a pris car je fourmillais d’idées. Les mois d’automne ont été productifs. J’ai couché sur le papier trois histoires pour enfants : Le céleri rémoulade, Le petit trou des fesses du loup, et Le petit garçon qui voulait mettre une robe. Une amie a eu envie de les illustrer et les histoires ont pris forme !
J’ai aussi décidé de passer à l’auto-édition pour mon roman parce que mon entourage me demandait : quand vais-je pouvoir te lire ? Et finalement si aucun éditeur ne se montrait intéressé, je n’aurais jamais l’occasion de proposer Les bons élèves n’aiment pas toujours l’école à la lecture. C’est chose faite et mon roman est désormais en vente sur Amazon. Et puis, je crois que mon livre pose des questions très contemporaines.
Il raconte l’histoire de trois femmes, Audrey, Camille et Laura, qui mènent des vies ordinaires et accomplies. Mais les apparences sont trompeuses… Elles s’essoufflent, elles trébuchent…. À quel prix parviendront-elles à se relever ? Je suis certaine que ça vous parle (un peu, beaucoup) !
Premier bilan annuel : suivre son intuition et affronter ses peurs
Le temps est maintenant au bilan. Voici un an que j’ai arrêté de travailler… Oups, je rectifie : voici un an que j’ai arrêté de travailler dans un emploi rémunéré. Parce que depuis un an, je travaille, beaucoup, avec ferveur. Que faire maintenant ? J’ai décidé de continuer parce que j’ai terriblement envie d’écrire un deuxième roman, et de continuer à m’ouvrir à mon fourmillement d’idées.
J’espère juste gagner en confiance et en sérénité. Parce que je me suis rendue à l’évidence que je ne suis plus la même. J’évolue, je réfléchis, je vois les choses différemment, je remets des priorités sur le haut de la pile, mes lignes de conduite bougent, certaines de mes croyances s’abattent.
Bref, cette année d’écriture m’a fait remettre en question bien des choix de vie. Et dans les moments où je ressens moins d’assurance, je me maudis ! Pourquoi changer les choses quand tout va bien, quelle idée ! Et puis je me recentre sur mon intuition : si je n’avais pas fait ce pas-là, j’aurais vraiment manqué quelque chose dans ma vie et cette envie non écoutée aurait pourri en moi.
Alors changer de vie quand on aime la sienne, ça existe ! Pas besoin d’être au bord du burn-out ou de détester son emploi pour décider de faire autre chose. Nous sommes tous multipotentiels, mais souvent nous ne nourrissons pas toutes les facettes de notre personnalité. C’est effrayant… et très stimulant !
Qu’as-tu pensé de ce témoignage ? As-tu aussi envie de changer de vie ? Viens nous raconter tout ça dans les commentaires !
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