Live now
Live now
Masquer
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-08-28T102135.129
Lifestyle

J’ai arrêté le véganisme à cause de la végéphobie

Végétarienne à 14 ans, végane à 21 ans, Marie Albert a souffert du rejet de sa famille et de la société française, qui l’ont toujours encouragée à consommer des animaux morts. Cette “végéphobie” ambiante a eu raison de son véganisme, qu’elle a abandonné avant la trentaine. Aujourd’hui, elle se demande : est-elle une personne lâche ?

J’ai arrêté la viande à 14 ans. Je ne me souviens plus pourquoi. Est-ce que je voulais embêter mes parents viandard·es ? Probablement. Est-ce que je refusais la souffrance infinie des animaux d’élevage menés à l’abattoir par milliards chaque jour ? C’est certain.

Dès le premier jour, mes parents ont refusé mon pesco-végétarisme (je consommais encore des animaux marins) et m’ont forcée à manger de la viande chaque week-end, dans leur maison. J’étais alors mineure : je devais leur obéir et avaler ce qu’iels m’ordonnaient. Ma mère craignait une carence en fer à cause de mon végétarisme. J’ai fait des analyses de sang, consulté une médecin et pris du fer en complément alimentaire chaque année.

À lire aussi : La recette des wraps de lentille corail, vegan, riche en protéines, et pratiques à emporter

Récemment, j’ai appris que mes règles abondantes étaient seules responsables de mon léger manque de fer. Des études scientifiques prouvent que le végétarisme n’entraîne pas cette carence, contrairement aux menstruations. Mais les médecins consulté·es pendant mon adolescence étaient mal formé·es au sujet du végétarisme et du cycle menstruel.

À lire aussi : La recette vegan du tofu à l’orange de La Petite Okara, crousti-fondant et sucré-salé

Des écoles hors-la-loi

À la cantine, j’ai vécu le même rejet. Aucun menu végétarien (ni végétalien : sans œuf ni lait) n’était proposé au collège, au lycée, à la fac ou en entreprise. J’ai mangé le même poisson pané pendant des années, contribuant certainement à la disparition de plusieurs espèces marines.

Aujourd’hui encore, le menu végé est absent dans 4 établissements scolaires sur 10, a révélé l’Association végétarienne de France (AVF) dans une étude publiée en février 2024.

Ce menu est pourtant inscrit dans la loi, et donc obligatoire, depuis trois ans.

Longtemps, je me sentais seule comme végétarienne. Toutes les personnes m’entourant consommaient des animaux morts. Mais j’ai tenu bon, jusqu’à l’âge de 21 ans. Cette année-là, j’ai même arrêté tous les autres produits animaux. Adieu les poissons, les œufs et le lait. Je suis devenue végane après avoir regardé un documentaire dont j’ai oublié le titre. J’ai appris que l’industrie des œufs et du lait maltraite autant les poules et les vaches que les autres élevages. Ces animaux souffrent d’exploitation et finissent rapidement à l’abattoir, dès que leur production de lait ou d’œufs décroît (1 an pour une poule, 8 ans pour une vache).

Déjà militante féministe, je me suis intéressée à l’antispécisme, la lutte politique contre la domination des humains sur les autres animaux. J’ai adhéré à plusieurs associations, dont L214 qui dénonce notamment les conditions d’élevage scandaleuses en France. J’ai profité de l’argent que mes riches parents me donnaient pendant mes études pour acheter des produits véganes (tofu, notamment) dans de chères épiceries bio. J’ai fréquenté des restaurants végé, écouté “Comme un poisson dans l’eau” (le génial podcast contre le spécisme) et lu de multiples livres sur le sujet.

À lire aussi : Cette recette végane toute simple va conquérir ta cuisine

Obsédée par la nourriture

Mes premiers salaires en tant que journaliste à l’Agence France-Presse m’ont encouragée dans cette nouvelle vie d’adulte végane. J’habitais à Paris, donc j’avais accès à tous les meilleurs restaurants, épiceries et festivals végé. Mes parents me sermonnaient toujours, quand je me rendais dans leur maison, en banlieue. À la cantine du travail, je mangeais des repas déséquilibrés, car il n’existait pas d’alternative végane au menu traditionnel.

Mais, grâce à internet, j’ai trouvé un médecin correctement formé sur mon choix alimentaire, qui m’a rassurée et confortée, car j’étais en bonne santé. Certaines de mes amies sont devenues végétariennes. Je me sentais moins seule.

Seul problème : j’étais de plus en plus obsédée par la nourriture saine.

Après le véganisme, j’ai arrêté les produits contenant du gluten, je me suis formée au zéro-déchet, j’ai entrepris des jeûnes sans raison, j’ai rejeté tous les aliments non biologiques… Mes choix, de plus en plus restrictifs, me stressaient. Je contrôlais tout ce que j’avalais. Un jour, j’ai découvert le terme “orthorexique” qui désigne ce trouble du comportement alimentaire.

À lire aussi : La recette facile et rapide du raw cake aux dattes 

Je deviens “flexi-végane”

Quand j’ai perdu mon emploi, je suis partie voyager en France et à l’étranger. Mes choix alimentaires étaient intenables, loin de Paris. Difficile de m’alimenter correctement sur le chemin de Compostelle. Intenable de demander des plats véganes sur un cargo alors que j’étais simple passagère.

Après des mois de stress, de culpabilité et de craquages, j’ai arrêté mon véganisme, début 2019. J’ai remangé des animaux morts et des produits laitiers. Avec mon modeste RSA (revenu de solidarité active : 500 euros par mois) comme seul revenu régulier, je n’ai plus les moyens de vivre à Paris, de fréquenter les épiceries bio ou de manger dans des restaurants végé. Attention : il est possible de tenir ce choix alimentaire sans être riche, mais j’ai choisi de l’abandonner, à titre personnel.

Désormais, je cuisine strictement végane à mon domicile mais je m’alimente comme je veux (et peux) dès que je sors ou voyage. Je me définis comme “fléxi-végane”. Je ne souffre plus d’orthorexie car je mange ce qui me donne envie. Évidemment, je me sens coupable de la mort d’innombrables animaux.

La végéphobie existe-t-elle ?

Mais je ne suis pas seule responsable. La société française, qui encourage l’exploitation animale à grande échelle, décourage aussi les personnes végétariennes, qui sont nombreuses à dénoncer la “végéphobie” qu’elles reçoivent, comme sur ce compte Instagram justement intitulé @anti_vegephobie. D’autres militant·es refusent ce terme, comme la chercheuse Ophélie Véron, qui a publié un article intitulé “Ceci n’est pas de la végéphobie” sur son blog Antigone XXI en 2017.

À ma connaissance, aucune personne végé n’a jamais été tuée en raison de son choix alimentaire, en France.

Mais le rejet de l’entourage, la désinformation des professionnel·les de santé (beaucoup m’ont affirmé que le végétarisme était dangereux pour ma santé) et l’omniprésence des produits animaux dans les cantines, les supermarchés et les restaurants créent, selon moi, une végéphobie ambiante qui empêchent de nombreuses personnes de s’alimenter telles qu’elles le souhaitent.

D’autant que les produits animaux sont subventionnés et donc peu chers, quand les substituts véganes à la viande et au fromage (facultatifs mais savoureux) coûtent un bras.

Certes, mon alimentation actuelle ne me convient pas, mais c’est la seule que j’ai trouvée pour vivre en bonne santé (mentale) et supporter notre société spéciste et capitaliste… Jusqu’à la révolution ?


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

67
Avatar de Pelagique
9 septembre 2024 à 12h09
Pelagique
est-ce qu'il n'y a pas un côté un peu générationnel aussi ? je veux dire, maintenant, çe me semble un peu le truc basique quand on invite des gens de prendre en compte leurs goûts ou régimes en amont (du type, pour samedi soir j'ai prévu ça et ça, vous n'avez pas d'allergies ou de contraintes alimentaires ?) et les amis que tu connais bien, tu finis par connaître leurs goûts
Contenu caché du spoiler.

quand j'étais petite et qu'on était invités chez des gens, c'était plutôt la consigne "ils nous invitent, alors on mange ce qu'ils proposent et si on n'aime pas, on goûte au moins par politesse." (après j'imagine que mes parents auraient prévenus les gens si on était par exemple allergiques à la moutarde ou un truc du genre).
je me suis retrouvée très souvent à des dîner où il y avait des champignons que je ne supporte pas ^^' (du coup j'ai appris à goûter les champignons - ça ne m'a jamais tué, mais ça a toujours confirmé que décidément, ce n'est pas pour moi!)
5
Voir les 67 commentaires

Plus de contenus Lifestyle

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-09-12T104005.894
Travail

Courrier du taf : « Mon entreprise nous a retiré le télétravail, que faire ? »

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-09-09T120524.743
Lifestyle

« Un soir, à 5 mois de grossesse, j’ai craqué, j’ai ouvert une bouteille et j’ai bu » : Amélie, 36 ans, raconte comment elle a arrêté l’alcool

5
Source : Fabian Centeno / Unsplash
Célib

Pauline, 42 ans : « C’est comme si j’étais vierge à nouveau »

5
Source : Unsplash / Jenny Ueberberg
Règlement de comptes

Clara, 2 798 € par mois à deux : « Avec une grosse différence de salaires, compliqué de doser ce qu’on met dans le pot commun »

2
Source : Pexels / Marcelo Chagas
Célib

Zoé, 30 ans : « Être la seule invitée célibataire d’un dîner, c’est être obligée de faire un one woman show pour divertir les couples »

12
Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-09-09T103006.910
Lifestyle

Dans le frigo de Pauline, 31 ans, 4500€ par mois : « Épluchures, mauvais morceaux de viande… chez nous, tout est recyclé »

Copie de [Image de une] Horizontale – 2024-09-06T164110.025
Lifestyle

« Mon anxiété a baissé, je ne fais plus d’insomnies, je gère mieux mes émotions et mon argent » : Laurie, 39 ans, raconte comment elle a arrêté l’alcool

1
[Image de une] Horizontale (18)
Vie quotidienne

Ménage de rentrée : la serpillère 2.0 existe et avec elle, vous allez mettre le Swiffer au placard 

frank-holleman-coK192IU868-unsplash
Food

Dans le frigo de Lina, 24 ans, 3 800€ par mois : « Avoir mes poules et mon jardin me permet de faire des économies »

1
Source : URL
Daronne

Le mois de septembre est un ENFER pour les parents (et surtout pour les mères)

La vie s'écrit au féminin