Officiellement, je suis en insuffisance ovarienne précoce sévère : c’est ce que m’ont dit les gynécologues que j’ai rencontrés. On ne parle pas de ménopause à une femme de moins de 40 ans, parce que le coup psychologique est déjà suffisamment important.
J’ai eu mes premières règles à 15 ans, puis j’ai pris la pilule de 19 à 25 ans. Il y a deux ans, je me suis fait poser un dispositif intra-utérin en cuivre, parce que je voulais me débarrasser des hormones que je prenais tous les jours… Un comble aujourd’hui.
Devant mes règles irrégulières, un premier doute
Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours eu des règles irrégulières, et l’arrêt de la pilule n’a pas fait exception. Mes cycles pouvaient durer 20 jours comme 45. Mais à la veille d’un rendez-vous de contrôle chez ma gynécologue, cela faisait six mois que je n’avais pas eu mes règles.
Je suis en quatrième année de thèse, à Paris. C’est donc une période particulièrement stressante de ma vie, et au vu de mon historique menstruel, la gynécologue ne s’inquiète pas plus que ça, « ça arrive ». Elle me prescrit une prise de sang, et une échographie, que je réalise le lendemain.
La sage-femme que je consulte pour l’échographie est adorable, très à l’écoute, je suis à l’aise. Mais les minutes défilent et la consultation s’éternise. Elle n’arrive à visualiser mes ovaires qu’après 45 minutes : ils sont trop petits, et sans follicules. Je ne fais plus de blagues, elle non plus d’ailleurs.
Elle se contente de me décrire ce qu’elle voit, ou ce qu’elle ne voit pas en l’occurrence, et me répète qu’elle « ne pose aucun diagnostic ». Je dois voir ça avec ma gynécologue, et croiser ce bilan avec mon bilan hormonal.
L’atmosphère tendue me fait comprendre que quelque chose ne va pas, mais mes cours de biologie sont loin derrière moi. Les résultats sanguins tombent le lendemain, et pour chaque test hormonal réalisé, je tombe dans la catégorie « ménopause ».
La compréhension de mon diagnostic
S’ensuivent alors deux semaines de course contre le temps : ma gynécologue m’annonce que je suis en insuffisance ovarienne précoce sévère. Mes ovaires ne fonctionnent plus, mon stock de follicules est proche d’être complètement épuisé. Mon taux d’œstrogène est nul, ce qui met en danger ma santé cardiovasculaire et mes os (bonjour l’ostéoporose).
Mais la priorité est la préservation de ma fertilité : elle m’oriente vers plusieurs centres de procréation médicalement assistée à contacter d’urgence pour réaliser une stimulation ovarienne, une ponction et une congélation de mes ovocytes.
Allez expliquer aux secrétaires médicales, probablement déjà bien occupées par d’autres dossiers, que vous êtes prioritaire pour entamer un processus de préservation de fertilité, alors que vous n’avez que 27 ans, et que non, vous ne voulez pas d’enfant maintenant.
Je finis par trouver mon chemin dans ces méandres administratifs, et j’ai un rendez-vous dans un hôpital réputé. La consultation dure quarante minutes et vise surtout à m’expliquer ce qui m’arrive, et ce qui ne pourra pas être fait : je suis à un stade trop avancé, il n’y a rien à préserver.
J’en ressors avec une ordonnance pour un traitement hormonal substitutif, que je devrai prendre tous les jours jusqu’à mes 55 ans, âge moyen de la ménopause chez les autres femmes.
L’insuffisance ovarienne prématurée est une maladie rare
Selon le site Gynéco Online, tenu par des professionnels de santé, l’insuffisance ovarienne prématurée est « un syndrome clinique défini par la perte de l’activité ovarienne avant l’âge de 40 ans, associant des symptômes tels que l’absence de règles, des cycles anormalement longs, des bouffées de chaleur ou encore des troubles de l’humeur ». La prévalence de l’IOP dans la population générale est d’environ 1%.
Les endocrinologues spécialistes n’ont pas encore réussi à en identifier la cause de cette ménopause précoce : transformation génétique, environnement lors de la grossesse ou de l’enfance ? Je dois d’ailleurs être hospitalisée une journée afin de réaliser des entretiens et des tests pour essayer de comprendre pourquoi ça m’est arrivé.
J’ai bien entendu été accompagnée, à chaque étape, par quelques proches au courant. Mais que dites-vous à une femme qui n’a pas 30 ans, qui n’a pas encore son doctorat, qui n’a pas encore eu le temps de penser au futur, quand on lui annonce qu’elle est ménopausée ? Et que voulez-vous entendre quand cela vous arrive ?
Les semaines à courir après les rendez-vous médicaux m’ont tenue en haleine, occupée, et concentrée sur la prochaine étape. Mais désormais, il n’y a plus de prochaine étape, avant quelques années en tout cas. C’est maintenant la phase la plus longue que j’entame : l’acceptation.
Penser sa place dans la société quand on est ménopausée à 27 ans
J’ai l’impression que quelque chose ne fonctionne pas, qu’on m’a retiré quelque chose, mais que je ne sais pas quoi. Ce traitement hormonal substitutif est un rappel quotidien que mon corps m’a trahie.
Grande féministe dans l’âme, je suis consciente des pressions imposées aux femmes à être mères, et que cela influence bien évidemment ma réaction face à ce diagnostic.
Mais en avoir conscience n’adoucit que superficiellement le choc. Car le rappel à l’ordre de notre société est partout : il ne se passe pas une semaine, voire une journée, sans que je ne lise ou n’entende une injonction à la maternité.
Alors bien sûr, j’ai des options si un jour je veux devenir maman : le don d’ovocytes, ou encore l’adoption. À première vue, le débat principal réside donc dans l’acceptation de la parentalité non biologique. Je peux avoir un enfant mais il n’aura pas mon « matériel génétique », comme disent les médecins.
Mais la réalité est différente : ce sont deux moyens d’accéder à la parentalité, mais ils ne marchent pas à chaque fois. C’est alors face à la perspective d’une vie sans enfant, biologique ou non, que l’on se retrouve.
Je dis « on », parce que ce n’est pas seulement ma vie qui a changé. Il y a celle de mon copain, qui se montre extrêmement compréhensif et présent, et celle de ma famille, avec mes parents qui se sentent démesurément coupables et ma sœur qui doit faire des examens médicaux rapidement. C’est une autre pression que je supporte tant bien que mal.
Une partie de moi attend avec anxiété ce moment où l’envie de maternité me prendra, moment où le deuil de l’enfant qui ne naîtra pas se matérialisera vraiment.
Une autre partie de moi apprécie le fait de l’avoir su maintenant, justement parce que je ne suis pas en train de courir après la maternité.
J’essaie donc de profiter de ce temps relativement calme pour réfléchir à ma place dans la société et à mon identité, et que je ne veux pas être dépendante de ma capacité à enfanter ou non.
À lire aussi : Les personnes childfree représentent 27% de la population et cette étude a voulu mieux les connaître
Crédit photo : Pexels / Masha Raymers
Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !
Les Commentaires