Comme annoncé la semaine dernière dans L’Addiction aux séries, voici un premier article sur mon rapport aux séries et les conséquences qu’elles peuvent avoir sur mon quotidien (et donc sur le vôtre, puisqu’on est nombreuses à être dans la même galère). Cette semaine, c’est la plume qui somnole plus ou moins en moi qui vous parle, car si les séries m’inspirent souvent, elles ne me rendent pas plus productive pour autant (sauf là, en ce moment, du coup, mais bon).
J’ai toujours été pleine de bonne volonté. Le genre de meuf à avoir toujours 67 projets en cours, pleine de révélations soudaines (« MAIS OUI ! VOILÀ ! JE VAIS DEVENIR ETHNOLOGUE/JOURNALISTE/MÉDIÉVISTE/REPORTER ANIMALIER/TRADUCTEUR AUDIOVISUEL/DOMPTEUSE DE PIRANHAS !« ) – bref, du genre à avoir l’esprit constamment en ébullition. Mais sans jamais donner de résultats concrets.
Pour la faire courte : j’ai quitté le lycée à 16 ans, j’ai essayé les cours par correspondance, j’ai déménagé à Nice pour une « retraite spirituelle » puis à Londres avant de revenir déprimer un an puis de reprendre les cours à 21 ans pour passer mon bac. Donc niveau « parcours sans faute », on peut pas exactement me classer dans le top 20 (mais c’est bien la preuve qu’on peut toujours se rattraper).
Du coup, le décalage entre mes envies et mes actions a toujours été énorme. Par exemple, à l’heure où je vous parle j’ai une liste de 5 pages d’articles à écrire, mais j’arrive pas à en rayer plus d’un par mois. C’est pas faute d’inspiration, pourtant.
Je souffre donc d’une espèce d’hyperactivité cérébrale totalement improductive qui s’aggrave lorsque je regarde certaines séries. Des séries qui, sur le coup, m’inspirent à fond la caisse, me donnent envie de me bouger le cul et de changer le monde – mais trois secondes à peine après la fin de l’épisode, on peut généralement me retrouver dans le bac à douche à pleurer toutes les larmes de mon corps sur du Demi Lovato.
1. Daria
Je crois que c’est avec Daria que j’ai découvert mon problème. À l’époque, je faisais mon entrée dans le monde merveilleux de l’adolescence (ha. ha. ha.), j’étais moche et mal-aimée, ma vie sentait la chaussette mouillée et je me sentais totalement étrangère au monde qui m’entourait. Mes deux activités principales étaient la lecture et l’écriture – c’était carrément compulsif, je noircissais des pages et des pages et je bouffais des bouquins entiers en l’espace d’une journée. Forcément, quand je suis tombée sur les premiers épisodes de Daria, je me suis projetée corps et âme, et elle est devenue mon modèle (pour une meuf qui passe les ¾ de son temps à sourire bêtement, c’était peu crédible).
Puis j’ai grandi et j’ai commencé à comprendre que ma vie n’avait finalement rien à voir avec celle de Daria qui, malgré son statut d’alien-marginale-asociale, parvenait quand même à entretenir des relations avec ses semblables. Elle s’est même trouvé un copain cool, alors que moi j’étais toujours toute seule. Je l’ai vécu comme une trahison, et j’ai boudé la série pendant quelques années. Quand j’y suis revenue, j’allais mieux, j’avais des potes et j’avais passé le cap de la première galoche – mais je me sentais toujours aussi mal après chaque épisode. Parce qu’en regardant Daria faire ses beaux discours, écrire ses super nouvelles et lire ses bouquins vachement intelligents, une vérité pourrie me frappait en pleine face : j’étais en slip dans mon canapé à la regarder faire, et en attendant, je foutais rien. Sur le coup, je me sentais investie d’une mission divine, c’était comme un coup de fouet, un rappel à l’ordre – Daria me hurlait « Bouge-toi le cul feignasse ! attrape ton stylo et écris l’histoire de ta vie !« , mais 3 secondes plus tard, je me grattais les fesses devant Bob l’Éponge
en pleurant sur ma chienne de vie.
2. Sex & the City
On a beau dire ce qu’on veut sur Sex & the City, je ne peux me défaire de mon attachement pour cette série. J’y ai appris tout un tas de trucs, j’ai pu comparer les situations fictives vécues par Carrie, Miranda, Samantha et Charlotte à celles que je vivais (ok, c’était vachement moins glamour et paillettes de mon côté, mais quand même) et j’ai même réussi à m’identifier à elles pas mal de fois. Même si j’ai une théorie : Miranda, Charlotte et Samantha sont trois des personnalités de Carrie, tout se passe dans sa tête, en vrai elle est toute seule. Mais en fait je crois que c’est parce que je ne conçois pas qu’on puisse être “une Carrie” ou “une Samantha”. Par exemple, je pense être 40% Carrie, 50% Miranda et 10% Charlotte. Avec p’têt 5% de Samantha cachés quelque part, pour la forme, mais en vrai j’suis pas sûre.
J’ai abandonné l’idée de devenir un jour Carrie Bradshaw, mais finalement j’en suis pas mécontente : elle avait une colonne dans un journal, je suis rédactrice en chef adjointe d’un magazine, donc je la plie en quatre, la Carrie. Mais comme je me retrouve quand même dans certains aspects de son quotidien (au hasard, ces moments de perdition quand il faut pondre un super truc et que tu te contentes de fumer devant ton ordi en regardant par la fenêtre) (en slip, évidemment), Sex & the City me fout parfois un cafard monstrueux. Surtout depuis que j’ai passé une semaine à tester le cliché « Et si je matais des épisodes de SATC dans mon canapé en mangeant des fruits frais avec un verre de vin blanc ? » (en slip). Je me mets en scène pour regarder une série qui m’émeut, me fait rire et m’inspire et j’en reviens toujours à la terrible conclusion : « Ouais, bah en attendant j’suis en slip devant ma télé et j’en branle toujours pas une« .
Du coup j’insulte Carrie quand je la vois écrire ses super chroniques dans des positions improbables en faisant la moue, parce que moi j’ai juste écrit une news sur le nouveau clip de Rihanna, donc j’ai encore perdu une journée.
3. Girls
La série Girls n’en est qu’à sa première saison (le 8ème épisode vient d’être diffusé à l’heure où j’écris ces lignes), et j’y retrouve déjà le côté inspiration/déprime qui me colle visiblement à la peau. La série a été écrite, réalisée, supervisée, inventée, coloriée, cousue et que sais-je encore par Lena Dunham, une jeune femme qui n’a qu’un an de plus que moi. Alors même si je ne suis pas peu fière d’en être là où j’en suis à mon âge (plier en quatre Carrie Bradshaw, tout ça), ça ne me suffit plus.
Je vois cette jeune femme qui joue dans la série qu’elle a créée de toutes pièces, dans laquelle elle incarne – oh douce ironie – une écrivaine en devenir (qui n’écrit rien en dehors de son journal intime, certes, mais tout de même). Du coup, je me retrouve dans ce paradoxe entre ce que je dis être et ce que je suis, mais la réalité prend le pas sur la fiction. Lena Dunham JOUE une écrivaine qui n’écrit pas. Dans un scénario qu’elle a ÉCRIT. Forcément, à ce jeu là, je m’estime perdante. Parce que je ne suis qu’une spectatrice aux désirs similaires mais à la plume stérile.
Ces séries me font autant rire que pleurer, m’inspirent tout un tas de choses – positives et négatives – mais elles me renvoient également à ma condition de control freak jamais satisfaite. Je me bats entre une flemme tenace et un perfectionnisme mal exploité, deux énormes obstacles à ma productivité dont je n’arrive pas à me débarrasser.
Ça c’est un point de vue de plume, mais j’aimerais savoir – par curiosité, mais également pour me rassurer – si certaines d’entre vous, évoluant dans des milieux artistiques ou non, ressentent ce genre de frustration. Est-ce que cet ascenseur émotionnel vous paraît familier ? Est-ce que vous vous jetez sur certaines séries qui vous rendent heureuses mais qui vous laissent totalement déprimées une fois le générique de fin passé ?
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Les Commentaires
Mais c'est exactement moi!!! Des idées plein la tête des envies de plein de trucs et au final... rien ou presque!
Merci je me sens beaucoup moins seule dans mon addiction aux séries télé à la suite de cet article!!