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Société

Isabelle Rome : des objectifs ambitieux, mais toujours plus de violences faites aux femmes en 2022

Trois ans après la fin du Grenelle des violences conjugales, dont Isabelle Rome avait contribué à mettre en œuvre les mesures, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes revient sur ce qui a été fait, et sur ce qu’il reste à faire pour éliminer les violences commises à l’égard des femmes, alors que 121 femmes ont été victimes de féminicides en 2022.

Selon l’association Nous Toutes, 200 000 femmes sont déclarées victimes de violences conjugales par an, 80% des plaintes pour viol sont classées sans suite. 85% des victimes de féminicides en 2019 avaient alerté la police. Alors que les observateurs et associations dénoncent encore un manque de moyens, la ministre de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances Isabelle Rome revient pour Madmoizelle sur les mesures mises en place pour lutter contre les violences faites aux femmes : justice spécialisée, formation des policiers et des gendarmes, prévention de la récidive… Interview.

Éliminer les violences commises à l’égard des femmes : interview d’Isabelle Rome

Madmoizelle. Le 25 novembre est marqué par la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, mais c’est aussi l’anniversaire des 3 ans de la fin du Grenelle des violences conjugales. Où en est-on vraiment aujourd’hui de la lutte contre les violences faites aux femmes ?

Isabelle Rome. Je pense qu’il y a des avancées objectives en termes d’outils de protection, de formation des personnels, des agents, de tous les acteurs sur tous les niveaux. En termes de formation, par exemple, ce sont 160 000 policiers et gendarmes formés. S’agissant toujours des forces de l’ordre, c’est aussi une présence de travailleurs sociaux dans les commissariats et les gendarmeries. Il y en avait à peu près 200 avant le Grenelle, aujourd’hui, ils sont 451, et seront 600 d’ici à 2025. C’est extrêmement important parce qu’ils permettent justement d’accompagner et de mieux accueillir les victimes. On sait bien que c’est l’un des reproches qui est souvent fait, celui de l’accueil dans les commissariats. Cela contribue à y remédier. Gérald Darmanin a pris une instruction pour généraliser les parcours spécifiques pour les victimes de violences sexuelles dans les commissariats et gendarmeries. Il y a aussi les outils de protection : les téléphones « Grave danger », il en existait 300 début 2019, nous en avons aujourd’hui entre 3500 et 3700, soit dix fois plus. Il y a aussi la mise en place du bracelet antirapprochement. Depuis 2020, toutes les juridictions en sont dotées et près de 800 sont actifs. Nous avons aussi multiplié le nombre de places d’hébergement d’urgence puisque l’on a créé plus 80% de places d’hébergement d’urgence depuis 2017. J’étais avec Olivier Klein [ministre délégué chargé de la Ville et du Logement, ndlr] il y a quelques jours. Il a dit que l’on atteignait les 10 000 places et que l’on en aura 11 000 d’ici fin 2023. Il y a aussi un sujet qui a vraiment émergé, politiquement et médiatiquement, lors du Grenelle, celui de la nécessité de prendre en charge les auteurs pour mieux prévenir la récidive.

Je ne cesserai de le rappeler, puisque j’étais magistrate, je sais de quoi je parle : si l’on ne fait pas une prévention de la récidive, on ne protège pas efficacement les victimes.

Si l’on ne traite pas cette violence, qui peut être intrinsèque à certaines personnes, on aura beau laisser une personne cinq ans en prison, quand elle ressortira, elle recommencera ce qu’elle a fait sur les autres avant. C’est pourquoi nous avons ouvert ces 30 centres de prise en charge des auteurs que j’ai réunis d’ailleurs il y a quelques semaines pour avoir un premier bilan : 12 000 personnes ont été accueillies depuis leur ouverture. Cela peut être pour des choses assez ponctuelles, par exemple, pour des stages de responsabilisation, mais cela peut être aussi pour un suivi ou encore, après, une orientation sur des suivis plus importants, plus lourds.

Quels sont vos leviers d’actions pour continuer à faire reculer les violences ? 

Il y a plusieurs pistes, dont deux, espérons-le, sont à plus court terme. Ce sont deux actions que j’ai proposées à la Première ministre et qu’elle a d’ailleurs annoncé en septembre. C’est, par exemple, aller vers une justice spécialisée, avec l’annonce d’un doublement des enquêteurs spécialisés, ce qui veut dire plus de policiers, gendarmes spécialisés. Il y a aussi cette mission confiée à deux parlementaires pour faire un état des lieux du traitement judiciaire de ces violences et faire des préconisations pour une justice plus réactive, plus performante, plus innovante, plus spécialisée tout en préservant la spécificité.

On ne fera pas diminuer sensiblement les violences faites aux femmes, si justement, on n’intervient pas en amont en matière de prévention.

Isabelle Rome

Parle-t-on de tribunaux spécialisés dans le traitement des violences sexistes et sexuelles, comme on le voit en Espagne ? 

On dit justice « spécialisée » parce que ce n’est pas forcément des tribunaux, cela peut être des pôles. Justement, la mission pourra aider à voir comment tout cela peut s’articuler. Parce qu’il y a quand même l’enjeu de pouvoir avoir à la fois la spécificité, mais aussi la proximité. On voit que c’est plus difficile à faire dans un petit tribunal que dans un grand tribunal. 

Il y a aussi le pack « Nouveau Départ », pour accompagner les victimes, justement avec une série de mesures qui puissent se déclencher pour elles, pour les accompagner socialement lorsqu’elles décident de partir : une allocation aide à la garde d’enfants, de l’insertion, de la formation, un accompagnement psychologique et un hébergement d’urgence si besoin. On va expérimenter le dispositif sur cinq ou six territoires début 2023. 

Pour sortir de l’aspect très justice, et aborder le pan culturel des violences sexistes et sexuelles, que peut-on faire pour amorcer un changement culturel global à l’égard de ces violences en France ?

Justement, c’est une troisième piste. On ne fera pas diminuer sensiblement les violences faites aux femmes, si justement, on n’intervient pas en amont en matière de prévention. Ça concerne tout, en fait. Avec Pap N’Diaye [ministre de l’Éducation Nationale, ndlr], nous avons fait une vidéo sur l’éducation à la sexualité. Il a pris le sujet à bras-le-corps en demandant justement aux recteurs de faire appliquer la loi de 2001. En une minute, il y a vraiment tous les messages à lire. Pourquoi l’éducation à la sexualité d’abord. Quand on dit ça, c’est au sens large, c’est la culture de l’égalité, c’est la culture du respect de l’autre, c’est l’apprentissage de ce que c’est que le consentement. Donc ça, je pense que c’est très important. En plus de cela, c’est tout ce que l’on peut faire en termes d’éducation à la vie sexuelle et affective hors de l’école, même si l’école reste quand même l’ossature, c’est ce que l’on peut faire avec les centres de loisirs, ce que l’on peut faire aussi avec le SNU. Nous allons travailler dessus.

À lire aussi : Violences psychologiques : de quoi parle-t-on vraiment ?


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