Les chiffres sont là : quand on est une femme, être handicapée augmente la probabilité d’être victime de violences sexuelles.
9% des femmes handicapées ont été victimes de violences physiques et/ou sexuelles, contre 5,8% des femmes sans handicap selon l’étude de la Drees et le SSMSI. Parmi elles, 4% ont subi des violences sexuelles contre 1,7% des femmes sans handicap. L’écart entre les personnes handicapées et le reste de la population est plus important parmi les femmes que parmi les hommes. Un constat effroyable.
Alors qu’elles sont deux fois plus exposées aux violences sexuelles, les femmes handicapées restent pourtant un angle mort des politiques publiques et de l’opinion.
Le handicap augmente la vulnérabilité de la victime
On parle d’une double peine. « Leur vulnérabilité est leur faiblesse », assure Marie Conrozier, chargée de mission au sein de l’association Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir.
Selon l’étude de la Drees et SSMSI :
« Le handicap fait partie des caractéristiques – avec la situation familiale ou l’âge – qui influent le plus sur la probabilité d’avoir subi des violences physiques, sexuelles et verbales. »
Les écarts entre les femmes handicapées et non handicapées se creusent. Ainsi, être en situation de handicap augmente « leur probabilité d’avoir été violentées physiquement ou sexuellement (+4,8 points), menacées (+4,6 points) ou insultées (+6,7 points). »
Selon une étude de l’Association francophone de femmes autistes, 88% des femmes autistes sont victimes de violences sexuelles une ou plusieurs dans leur vie : 47% avant l’âge de 14 ans et 31% avant l’âge de 9 ans.
Selon la même étude, à la question « avez-vous déjà subi un viol », 35% des femmes répondent oui ; mais quand la question posée est : « avez-vous subi une pénétration avec contrainte », elles sont 51% à répondre oui.
D’après Sandrine Corzenier, les prédateurs profitent de la vulnérabilité des femmes en situation de handicap.
« Quand on connaît le principe des violences et la stratégies des auteurs, on comprend mieux pourquoi ces personnes en situation de handicap sont sujettes aux violences. »
Malheureusement, les femmes en situation de handicap sont moins sensibilisées que d’autres aux questions liées aux violences. À travers le site ecoute-violences-femmes-handicapees.fr et la création de contenus spécifiques, les associations tentent de pallier ce problème.
Au-delà de la question de l’accès à l’information, la sensibilisation passe aussi par l’éducation. Marie Rabatel, présidente de l’Association francophone de femmes autistes (AFFA), dénonce :
« Lorsqu’on est un enfant en situation d’handicap, le parent, l’éducateur ou le soignant dit ce qu’il faut ou ne pas faire. Malheureusement c’est une forme “d’apprentissage de la soumission”. »
Elle poursuit : « Il faut faire la différence entre aider, où la personne est passive, et accompagner, où on va faire avec la personne,. Avec le handicap on est déjà mis dans une position de soumission, que ce soit par rapport à un objet ou une personne ».
Par ailleurs, le type de handicap joue un rôle. En effet, il faut faire la distinction entre le handicap physique et mental. Dans le premier cas, la personne peut exprimer son refus et ensuite dénoncer les actes. Dans le second, c’est plus compliqué.
Pour certaines femmes ayant un handicap mental, la difficulté de communication s’illustre principalement par un problème de compréhension et de prise de parole. Et par conséquent, celles qui ne peuvent pas parler ne portent pas plainte.
Seulement une victime handicapée sur quatre s’est rendue au commissariat ou à la gendarmerie après avoir subi agression contre une personne sur cinq des personnes sans handicap.
Peu d’affaires se retrouvent devant les tribunaux. Une situation révoltante : en niant leurs traumatismes, c’est toute la société française qui participe à l’invisibilisation de ces victimes
.
Et dans les institutions spécialisées, même scénario : « Les violences sont là, on le sait, mais elles sont étouffées », signale Sandrine Corzenier. Plus d’un tiers des 98 cas de harcèlements sexuels ou autres agressions sexuelles et des 95 cas de viols sur mineurs handicapés enregistrés au cours de l’étude de la Drees et le SSMSI sont commis dans des instituts médico-éducatifs.
61% des victimes handicapées déclarent connaître leur agresseur de vue ou personnellement contre 48% pour les personnes sans handicap.
La difficulté reste de libérer la parole.
En finir avec l’omerta
Alors que le mouvement #MeToo a sensibilisé le monde entier aux violences commises à l’égard des femmes, les victimes handicapées ou leur entourage gardent le silence.
En ce sens, une ligne d’écoute a été crée par l’association Femmes pour le dire, Femmes pour agir (FDFA) : 01 40 47 06 06. Cinq ans après son lancement, le centre reçoit peu d’appels. Marie Conrozier alerte :
« Les rares coups de fils proviennent de tiers, pas des victimes, mais peu aboutissent à une plainte. »
Même schéma pour une personne avec ou sans handicap : ne pas porter plainte de peur de pas être crue, un système qui décourage les victimes.
Police, institution ou famille… Les affaires sont passées sous silence. Comme cité ci-dessus, seulement une victime handicapée sur quatre s’est rendue au commissariat ou à la gendarmerie après avoir subi agression contre une personne sur cinq des personnes sans handicap. Et elles sont encore moins nombreuses à porter plainte, deux tiers d’entre elles.
Un site pour informer et guider les victimes
Pour accompagner les victimes, le site ecoute-violences-femmes-handicapees.fr a été lancé ce mercredi 25 novembre. Une bonne nouvelle. L’objectif : orienter et documenter.
Le premier angle d’attaque est de rendre accessible l’information aux victimes. En ce sens, des fiches pratiques sont disponibles pour expliquer par exemple dans des mots simples « Comment porter plainte ». Un contenu inédit et clair, pour aider au mieux les personnes en ayant besoin.
Le site a également vocation à centraliser l’information sur le sujet. Documents, rapports, enquêtes… Tout y est. Grâce à ces ressources, il sera difficile de nier la réalité. Marie Conrozier souligne :
« On se bat pour que les personnes au contact des personnes handicapées soient formées pour repérer ces violences. »
La sensibilisation des acteurs est nécessaire pour dépister, signaler et prévenir les violences sexuelles. Les associations s’organisent : l′Association francophone de femmes autistes propose notamment une formation en ligne à destination des professionnels et des familles.
Pour lutter contre ces violences, l’important est d’en parler. Faire du bruit est une des clés : le but est de mettre fin à cette double invisibilité des femmes handicapées, à la fois dans les médias et dans la société.
Pour plus d’informations :
- le site : ecoute-violences-femmes-handicapees.fr
- le numéro de téléphone : 01 40 47 06 06
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Les Commentaires
J'ai écrit un article cette semaine à ce sujet qui sera publié ce week-en ou lundi je pense. En fait l'amendement concernant l'individualisation de l'AAH a été voté par le parlement au mois de février. C'était une vraie surprise parce que le gouvernement était contre mais le jour du vote beaucoup d'absents et des
abstentionnistes.
Depuis elle est dans les tiroirs du Sénat. Pour qu'elle soit effective elle doit être voté dans les mêmes termes. Si les sénateurs décident de se saisir de sujet mais modifient le texte, il sera de nouveau présenté à l'assemblée et là je pense que la majorité ne le laissera pas passer.
Sur le sujet je te partage le billet d'humeur sur le sujet de Nicole Feronni. Elle résume bien la situation avec talent.
ps: j'ai vu après la réponse de Mymy