Lauriane, vendeuse dans un Love Store
Depuis un an et demi, la carrière de Lauriane, 28 ans, a pris un nouveau tournant. À l’époque, elle sort d’études en culture et communication et est prof particulière à domicile.
Un jour, elle voit passer une offre d’intérim pour un poste de vendeuse en Love Store.. Comme elle a besoin d’argent et que l’idée ne la dérange pas, elle se lance.
Le pari porte ses fruits.
Aujourd’hui elle est en CDI à temps plein et gagne environ 1400€ net par mois. J’ai voulu en savoir plus sur son quotidien et les implications que demande son travail !
Love Store, Sex Shop : quelle différence ?
- Avant de commencer : tu dis que tu travailles dans un Love Store, quelle est la différence avec un Sex Shop ?
La différence se situe avant tout au niveau de la taille du magasin. Je travaille dans une grande surface dédiée à toutes les sexualités.
Une autre différence est aussi qu’ici, nous nous adressons à tous les publics, contrairement à une petite boutique « à l’ancienne » qui aurait une clientèle plus masculine.
On met beaucoup d’attention à donner des conseils adaptés. On peut autant conseiller une huile de massage qu’un sextoy pour une utilisation très particulière… Je ne vends pas que des zizis en plastique, je vends aussi tout ce qu’il y a autour !
On est très touche-à-tout : on est autant là pour la personne lambda que pour une autre qui aura des pratiques plus particulières. Tout le monde est traité de la même manière.
Un rayon du Love Store
Les débuts de Lauriane en tant que vendeuse en Love Store
- Tu te souviens de tes débuts en tant que vendeuse ?
C’était le 15 août 2016 et c’était très stressant pour plusieurs raisons
Déjà, ça m’a demandé de sortir de mon vocabulaire de base. Quand tu parles de sexe entre ami•es, c’est amusant, tu rigoles, tu peux te permettre d’utiliser des mots crus.
Là, il fallait tout d’un coup parler sérieusement pour ne pas déstabiliser la personne, pour qu’elle se sente à l’aise… Et j’ai beau avoir 28 ans, quand je prononce le mot « pénis », j’ai envie de me marrer !
Une autre chose qui m’a semblé compliquée au début, c’est qu’il ne faut surtout pas que des réactions se lisent sur nos visages.
C’est assez facile quand on te demande de la lingerie, mais ça peut se corser ! La première fois que quelqu’un m’a demandé un kit de dilatation pour l’urètre, j’ai dû garder une poker face alors que j’avais juste envie de hurler.
- Est-ce qu’on t’a formée ? Comment ?
Oui, j’ai été formée par d’autres vendeuses qui avaient plus d’expérience.
On m’a notamment formée au niveau des matières, parce que c’est très technique : il faut utiliser un lubrifiant adapté (à la résine, au silicone, etc.), parce qu’il y en a qui peuvent altérer certaines matières.
On m’a aussi formée sur tous les objets pénétrants et comment s’en servir.
Au départ, on m’a beaucoup mise côté lingerie : c’est celui qui demande le moins de connaissances. Ceci dit, le travail n’y est pas forcément aisé !
On se retrouve parfois face à des femmes qui n’ont pas confiance en elles, et on est là pour engager la discussion, les aider à se sentir sexy.
Lauriane et ses collègues devant leur Love Store
Le quotidien d’une vendeuse en Love Store
- Si tu devais me décrire une journée habituelle, ça se passe comment ?
En fait, être vendeuse en Love Store, c’est pareil qu’être vendeuse dans la plupart des boutiques.
On arrive, on dit bonjour à toute l’équipe, on nettoie les rayons, et ensuite en fonction de la fréquentation, on conseille les client•es, on voit s’il y a d’autres choses à faire…
La seule chose qui change d’une autre boutique c’est notre vocabulaire.
- Dans ton Love Store, il n’y a que des vendeuses et pas de vendeurs. Est-ce qu’il y a une raison à ça ?
Oui et non.
Il y a déjà eu un vendeur, l’ancien directeur, avec qui ça se passait très bien, mais depuis son départ, nous ne sommes que des femmes. C’est un choix car le rapport que nos clients ont avec un vendeur et une vendeuse est totalement différent.
Par exemple, quand une femme essaye de la lingerie et qu’elle est avec son mari, cela met souvent le couple mal à l’aise qu’un autre homme la voit.
De même, quand un homme vient pour un problème d’érection, ou parce qu’il est précoce, c’est plus simple pour lui de se confier à une femme qu’à un autre homme.
C’est comme ça parce que c’est ancré dans la société. Avec le temps, j’espère que ça changera.
- Comment définirais-tu la clientèle que tu rencontres ?
C’est très vaste !
On a des dames d’un certain âge, qui sont très libérées. Il y avait par exemple cette femme qui m’a demandé si j’étais mariée. Quand je lui ai dit non, elle m’a répondu :
« Écoutez, ne vous mariez jamais, mieux vaut faire le bonheur de plein d’hommes que le malheur d’un seul ! »
De même qu’on se retrouve avec des jeunes, très jeunes, qui veulent découvrir et ça c’est génial.
Globalement, on a autant d’hommes que de femmes, de vieux que de jeunes, de pratiques « extrêmes » que des plus « classiques »…
Lauriane m’a raconté qu’on lui demande régulièrement si la cage est à vendre.
Être vendeuse dans un Love Store, c’est s’adresser à tous les publics
- Quand tu évoques des pratiques « classiques » ou « extrêmes », de quoi parles-tu exactement ?
Je préfère préciser que je n’aime pas trop ces termes là, parce que je trouve qu’ils sont très normalisés… Mais j’en n’ai pas d’autres.
Le « classique », ça va être une huile de massage, un plumeau ou un petit vibro. « Extrême », ça peut être par exemple tous les produits avec de l’électricité… Ou alors des objets vraiment TRÈS gros.
- Est-ce que tes conseils prennent parfois une dimension plus psychologique ?
Oui. Je me retrouve parfois face à des femmes qui n’ont aucune conscience de leur corps. Elles ne savent pas ce qu’est un orgasme, ou un clitoris. D’ailleurs je leur dis souvent d’aller sur madmoiZelle !
Ce n’est pas que ça me lasse, plutôt que ça mine le moral, parce que pour moi le sexe c’est de la drogue gratuite, avec plein de sensations qui font tout plein de choses au corps.
De notre côté on a été formées par une sexologue, et on est capable maintenant d’être technique, de parler d’anatomie, en expliquant où sont placés les points érogènes du corps et comment on peut les stimuler, en fonction des envies.
Par exemple, un vibro spécial point G, qui va être courbé, on va leur expliquer que ça marche par compression, qu’il ne suffit pas de l’insérer et d’attendre.
Ce qui est génial, c’est que quand ces clientes reviennent, souvent, elles nous disent merci !
- Que voudrais-tu dire aux personnes qui n’osent pas entrer dans un Love Store ?
Le seul conseil que j’ai à donner, c’est de passer la porte. Je sais que ça fait peur et c’est vraiment ça le plus dur.
Une fois que c’est fait, il n’y a plus de problèmes. C’est spacieux, toutes les vendeuses ont le sourire… On ne va pas vous épier, on est juste là pour vous conseiller !
Être vendeuse en Love Store… en-dehors du travail
- La question que tout le monde doit te poser : est-ce que t’as le droit de piocher dans les stocks pour avoir des sextoys gratuits ?
Non, on achète comme tout le monde, même si on a quand même une petite réduction en tant qu’employée !
Après, quand on est formé par des marques, on nous fait souvent de petits cadeaux. Ça peut être très varié et aller d’un stylo à une gamme entière de produits érotiques.
- Est-ce que bosser dans le milieu du sexe t’a fait changer ton rapport à ta propre sexualité ?
Disons que ça a donné des pistes d’explorations. À force d’avoir des objets sous le nez, au bout d’un moment ça provoque une curiosité, et ça donne envie d’essayer !
Lauriane, les autres, et son job de vendeuse en Love Store
- Est-ce que ton entourage t’a déjà fait des remarques sur ton métier ?
Mes ami•es, non. Vraiment pas. Ça les amuse plus qu’autre chose.
En revanche pour la famille, c’est un peu plus compliqué. Mon père ne sait pas où je travaille. Je lui ai dit que je bosse dans un magasin de lingerie. Je trouve que c’est suffisant car je ne veux pas encore avoir cette discussion avec lui.
Ma mère le sait. Au départ, elle avait peur pour moi, mais c’était à cause d’un manque d’information.
Depuis que je lui ai expliqué, elle trouve ça génial, donc pas de soucis. D’ailleurs elle va probablement venir rendre visite à ma boutique !
Après, ce n’est pas vraiment des remarques, mais ce qui a le plus changé pour moi, c’est le regard des inconnu•es.
- C’est à dire, comment réagissent-ils ?
Disons que ça a un peu altéré ma vie de célibataire. Quand tu rencontres quelqu’un, l’une des premières questions que l’on pose est qu’est-ce que tu fais dans la vie. Et là, j’ai eu toutes les réactions.
Il m’est arrivé que cinq minutes après notre rencontre, on me demande si j’ai des sextoys, comme ça. Je ne sais pas, je trouverais de mon côté très malvenu de demander à ce stade-là de la discussion si la personne aime se faire titiller la prostate !
En fait, j’ai parfois l’impression de passer d’une case de « cette fille me plaît » à « putain faut que je la baise ». Désolée pour la vulgarité, mais certaines personnes pensent automatiquement que je suis une grosse cochonne.
Et puis, en parlant d’inconnus, il y a aussi des clients qui nous regardent de manière dégueulasse, l’air de dire que nous sommes toutes des salopes. J’ai des collègues qui ne supportent pas, et d’autres qui réussissent à s’en foutre.
Bon après, je parle du négatif. Dans les faits, je rencontre beaucoup plus de gens qui trouvent ça génial que de gens qui jugent.
Que faire après avoir été vendeuse en Love Store ?
- Tu penses évoluer comment ?
Je pense continuer ce métier tant qu’il me plaît. Le matin, je me réveille je vais travailler avec plaisir. J’ai quand même la chance de pouvoir parler de sexe toute la journée, et d’être payée pour ça !
- Est-ce que tu penses parfois aux conséquences que ton métier pourrait avoir sur ta carrière ?
Je n’ai pas peur des conséquences de mon métier.
Pour moi avoir peur, c’est risquer de se refréner sur des envies, des choses qui apportent du bonheur. En plus de ça, je pense aussi qu’on peut parfois se créer des conséquences en ayant peur.
- Veux-tu ajouter quelque chose ?
Vive le sexe !
Lauriane, vendeuse dans un Love Store, deuxième interviewée de cette série
Il y a quelques semaines, je partageais l’interview de Lucie Blush, réalisatrice de film porno. Je voulais après elle un profil de jeune femme faisant un métier qui peut sembler plus accessible et plus proche de mon quotidien.
J’ai adoré discuter avec Lauriane et j’ai hâte de vous présenter un nouveau profil encore dans les semaines à venir…
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