madmoiZelle.com : Depuis combien de temps exerces-tu le métier de projectionniste ?
Charlotte : Ca fait 10 ans maintenant que je suis dans la cabine du projectionniste.
madmoiZelle.com : Qu’est-ce qui t’a amené à faire ce métier ?
Charlotte : Durant mes études, je bossais à l’accueil du cinéma pour me faire un peu d’argent, et puis j’y suis restée… J’ai commencé par faire un remplacement estival en tant qu’aide-projectionniste, et puis voyant que j’étais vraiment motivée, on m’a embauchée… Voilà comment je suis devenue projectionniste.
madmoiZelle.com : Quel est ton cursus ?
Charlotte : J’ai une maîtrise de filmologie, donc le fait de venir chercher du travail dans un cinéma n’était pas anodin à la base ! Ensuite, pour pouvoir devenir projectionniste, j’ai dû passer un CAP projectionniste, une formation où l’on apprend tout du métier, comme tu l’auras deviné…
madmoiZelle.com : Tu peux nous expliquer les grandes lignes de ce CAP projectionniste ?
Charlotte : Alors, le CAP se prépare en un an en apprentissage. C’est-à-dire qu’on passe une partie de son temps dans une entreprise d’accueil, et l’autre en cours. Ceux-ci sont composés d’une formationsen optique, maintenance, électricité, et depuis peu, en numérique.
Il y a 10 ans, les femmes n’avaient quasiment pas accès aux cabines…
madmoiZelle.com : Ca a l’air vraiment technique comme formation !
Charlotte : Le tout, c’est d’avoir envie de réussir. Que tu sois passionné de cinéma ou de technique, si tu fais cette formation si spécifique c’est que quelque chose de fort t’y a amené. C’est vraiment très intéressant d’étudier tout ça, parce que ça te procure des qualifications transversales dans plusieurs domaines, si un jour tu veux faire autre chose…
madmoiZelle.com : Tu parles de passion pour la technique et le ciné, est-ce qu’il existe un profil particulier pour faire ce métier ?
Charlotte : Non, pas vraiment. En réfléchissant, je crois que la seule caractéristique commune à tous les opérateurs, c’est d’avoir beaucoup de caractère ! Il faut savoir se faire une place, c’est un milieu vraiment particulier, on évolue en vase clos. Par exemple, dans le cinéma dans lequel je travaille nous sommes 10 opérateurs, et il y a un seul bureau pour nous tous, on partage nos cabines, donc notre matériel de travail, il faut se faire entendre…
Sinon, les profils des projectionnistes sont très divers, il peut y avoir de très jeunes gens, des gens en reconversion, c’est variable.
L’autre qualité qui est cependant nécessaire, c’est le sang-froid. Parce qu’il arrive qu’il y ait des couacs, et il faut les gérer en temps réel ! Quand un film ne se lance pas en salle, alors que tout le monde attend, on doit assurer et réparer vite fait.
madmoiZelle.com : En tant que fille sur le terrain, c’est dur de se faire sa place ?
Charlotte : Il y a encore dix ans, il n’y avait pour ainsi dire pas de femmes en cabine de projection. Déjà parce que physiquement ça demande de la force, on travaille avec des bobines très lourdes, il faut pouvoir les soulever ! Mais surtout, il est vrai que l’état d’esprit était très misogyne. C’était impensable qu’une fille fasse ce boulot. Moi par exemple, j’ai été la première dans ce cinéma. Et à l’époque, je sais que le chef-projectionniste était tout à fait contre…
madmoiZelle.com : Tu considères que tu fais un job comme un autre ou que tu es privilégiée ?
Charlotte : C’est un métier à part. En arrivant au cinéma, ma première année surtout, je me sentais très fière de faire partie de ce milieu. D’autant plus qu’on a pas mal de pouvoir, un peu comme les ouvriers de l’édition avant… Sans nous, le film ne tourne pas, donc la direction est souvent sympa avec les projectionnistes ! Maintenant, ça fait 10 ans, j’ai pris du recul. J’en suis un peu revenue. La routine est là, mais heureusement les films changent toutes les semaines, ça casse le train train !
Projectionniste, c’est un job un peu à part : sans nous, le film ne tourne pas !
madmoiZelle.com : Est-ce que tu en profites en salle ?
Charlotte : Au début, je n’osais pas ! Je me disais que j’allais passer pour une profiteuse si j’allais regarder un film en salle… Et puis j’ai réalisé que c’était vraiment bénéfique : voir le film que j’ai monté me permet de noter les erreurs que j’ai pu faire au montage, les petites imperfections pour le son, etc. Aujourd’hui, j’essaie d’aller voir un film par semaine pour améliorer mon travail.
madmoiZelle.com : Est-ce que tu peux nous décrire ton emploi du temps au cinéma ?
Charlotte : Alors, quand un film sort, il faut en commander une copie, et quand elle nous parvient, il faut la monter. Il faut savoir qu’une copie arrive en 5 ou 6 bobines, avec lesquelles il faut en faire une seule, grâce à une colleuse. La plus grosse journée de la semaine, c’est le mardi, juste avant que ne recommence une nouvelle semaine cinéma. Ce jour là on prépare la nouvelle semaine, on monte les nouvelles bandes-annonces et les pubs.
Il y aussi un travail technique à effectuer sur les machines, les projecteurs… Ce sont des appareils qui tournent 7 jours sur 7 de 10 heures à minuit, cela demande donc pas mal d’entretien et de vérification.
madmoiZelle.com : Quel est l’avenir de la profession ?
Charlotte : C’est bien ça le problème des projectionnistes aujourd’hui : on ne sait pas trop comment va évoluer notre profession. En gros, on travaille comme il y a 100 ans, et une révolution se prépare avec l’arrivée des copies numériques sur le marché. Cela ne s’est pas fait jusqu’ici car le parc de projecteurs est énorme à renouveler, mais on sait que ça arrivera tôt ou tard. Ce jour-là, les copies de films sur bobines seront remplacées par des copies numériques sur cd-rom, et on n’aura plus besoin de nous…
Sinon, il n’y a pas vraiment d’évolution de carrière pour un projectionniste. On peut passer chef-projectionniste et avoir les tâches supplémentaires de gérer les plannings et l’entretien des machines, mais c’est tout.
madmoiZelle.com : Qu’est-ce qu’on peut faire d’autre comme job, quand on est projectionniste ?
Charlotte : Comme je te le disais plus haut, la formation initiale te donne pas mal de bases en technique. Cela peut aider si tu veux te reconvertir, dans le théâtre par exemple. Je sais que le métier de régisseur de théâtre est proche de celui de projectionniste : il faut être calme, savoir s’imposer et connaître pas mal de technique. Sinon, mon envie perso m’a poussé à réaliser des films avec une association que j’ai créée, c’est quelque chose qui me tient à coeur. Je pense que les fans de cinéma sont un peu touche-à-tout : technique, montage, réalisation, ce sont des reconversions possibles pour les projectionnistes, si on est prêt à apprendre.
madmoiZelle.com : Qu’est ce que tu conseilles aux filles qui veulent se lancer ?
Charlotte : Eh bien, c’est un chouette métier, un job à part, un peu mystérieux pour les autres… Il faut savoir que les perspectives d’évolution ne sont pas fantastiques, mais les salaires valent le coup : entre 1300 et 1800 euros avec un CAP, c’est pas mal ! L’avantage c’est aussi qu’on peut commencer jeune, dès le CAP. On est d’abord aide-projectionniste puis titulaire, l’important c’est d’en vouloir, et de ne pas se laisser faire ! Il faut savoir pour finir qu’à mon avis, le métier a encore maximum 10 ans dans sa configuration actuelle. Ensuite ça sera le numérique, et là je ne peux rien garantir ! Même s’il existera toujours une bobine à faire tourner quelque part, le boulot risque de se raréfier quand même…
Infos pratiques :
La liste des centres dispensant le CAP projectionniste de cinéma
Un site d’offres d’emplois dédié aux projectionnistes
Bon à savoir :
Pour celles qui ont envie de tenter le coup, il n’est pas rare que les cinémas embauchent des projectionnistes pour des stages ou des remplacements d’été. N’hésitez pas à faire le tour des cinémas proches de chez vous, et à vous informer !
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