Jeudi 29 juin 2023, le Parlement a adopté définitivement, une proposition de loi sur les arrêts naturels de grossesse, qui doit permettre de mieux prendre en charge les patientes après une interruption spontanée de grossesse, avec un accompagnement psychologique et un arrêt maladie sans jour de carence. Les salariées seront également protégées contre le licenciement en cas de « fausse couche tardive » (entre la 14e et la 21e semaine).
Le texte prévoit la mise en place d’un « parcours spécifique associant médecins, sages-femmes et psychologues dans la prise en charge des fausses couches, afin que les femmes et leurs partenaires soient informé•e•s et orienté•e•s de manière systématique », comme le détaillent nos confrères du Parisien. Il reviendra à chaque Agence régionale de santé de le mettre en place, et d’en choisir la dénomination.
Cette précision n’a rien d’anodin : elle soulève un débat pré-existant autour de la terminologie utilisée pour désigner cette épreuve, et mesurer l’impact qu’elle peut avoir sur la personne qui la subit. Le rapporteur du texte au Sénat, Martin Lévrier, a encouragé les ARS à privilégier « interruption spontanée de grossesse », estimant que ce terme est « plus juste médicalement et moins stigmatisante » que « fausse couche ». En mars 2022, une tribune publiée dans Le Monde appelait quant à elle à faire évoluer notre vocabulaire au profit d’ « arrêt naturel de grossesse ». De quoi parle-t-on et pourquoi cette question demeure-t-elle importante ? Éclairage.
Qu’est-ce qu’une « fausse couche » ?
Première cause de consultations aux urgences gynécologiques, les « fausses couches » correspondent à l’arrêt précoce et non souhaité d’une grossesse intra-utérine avant le stade de viabilité du fœtus, qui est fixé entre 20 et 28 semaines d’aménorrhée selon les pays. Comme le rappelle la tribune du Monde, « en 2022, en France, une grossesse sur quatre se solde par une fausse couche dans les vingt-deux premières semaines d’aménorrhée » (seuil de viabilité fixé dans l’hexagone). Cela concerne donc 200 000 grossesses par an.
Quel est le terme officiel ?
Si l’expression « fausse couche » est communément employée, l’assurance maladie utilise aussi celui d’« interruption spontanée de grossesse ». Conformément aux préconisations du rapporteur Martin Lévrier, la proposition de loi initialement intitulée « Proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une fausse couche » a été rebaptisée « Proposition de loi visant à favoriser l’accompagnement des couples confrontés à une interruption spontanée de grossesse ».
Les médecins emploient aussi le terme d’« avortement spontané » par opposition à celui d’avortement induit (IVG).
Pourquoi la terminologie est-elle importante ?
Comme l’expliquent les signataires de la tribune de mars 2022 dans Le Monde, la terminologie est importante pour sortir d’un sentiment de culpabilité. En effet, « faire une fausse couche » responsabilise les personnes qui ne font que subir un arrêt naturel de grossesse. Changer les mots permet aussi de ne plus minimiser les conséquences physiques et psychologiques éventuelles, et en conséquence, d’améliorer la prise en charge des personnes touchées :
« Finissons-en avec l’expression “faire une fausse couche“ qui culpabilise et invisibilise. Parce que rien n’est faux, et que tout est vrai.
Parce que nous ne “faisons pas les fausses couches“, mais les subissons. Et que les mots pèsent sur nos esprits, dictent nos pensées et influencent nos actes. Parlons “d’arrêt naturel de grossesse“. Car c’est bien ce dont il s’agit et ce que nous vivons dans nos corps. »
Tribune du 27 mars 2023
Preuve que les mots restent un terrain de lutte essentiel pour faire évoluer nos sociétés.
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Les Commentaires
Je sens bien la confusion venir entre interruption spontané, interruption volontaire (IVG) et interruption médicale (IMG) de grossesse d'abord, parce que les gens peu informés comprennent déjà RIEN à la différence entre l'IVG et l'IMG. C'est pénible. Alors si on doit venir à expliquer la différence entre les trois, au secours.
Ensuite, l'argument de "on ne fait pas de fausse couche, on les subit" oui, OK. Sauf qu'on dit aussi "je fais du diabète, de la tension" alors OK, ça n'a pas la même portée sentimentale, je le conçois, mais reste qu'on subit les maladies chroniques bien qu'on dise "je fais".
Je pense qu'avant de trouver des jolis mots, il faudrait déjà inscrire et consolider le droit des femmes vis-à-vis de leur arrêt de grossesse. Parce que ça ne servira à rien de parler d'arrêt de grossesse ou d'interruption spontanée de grossesse, si les mesures derrière ne suivent pas.