Dans la tentaculaire industrie de la mode, on connaît les grands noms du luxe qui ne connaissent pas la crise (comme Hermès, Chanel, ou Dior), les marques premium (également appelées haut de gamme comme Sandro, Maje, Claudie Pierlot), ou encore les griffes plus accessibles qui sont de moins en moins seules à appliquer les techniques dites de la « fast-fashion » (mode jetable). À savoir, pousser à la consommation à un rythme toujours plus effréné en enchaînant les nouvelles collections, les promotions et les opérations de marketing d’influence. Si bien que des géants européens historiques comme l’Espagnol Zara, le Suédois H&M ou le Britannique Asos paraissent presque lents et onéreux face à de nouveaux acteurs de ce que l’on appelle désormais « l’ultra fast-fashion », où Shein règne en maître.
Ce docu s’infiltre en caméra cachée dans les coulisses de Shein
Ce géant chinois se singularise par son modèle économique et sa chaîne d’approvisionnement particulièrement opaque. Un premier rapport de l’ONG Public Eye, publié en novembre 2021 avait tiré des conclusions alarmantes sur ses pratiques. Aujourd’hui, c’est un documentaire britannique, diffusé par Channel 4, qui se penche à son tour sur Shein. On y apprend notamment comment le géant parvient à coller au plus près des tendances, quitte bien trop souvent à copier, pour ne pas dire plagier, aussi bien des grands noms que de jeunes créateurs.
La journaliste Iman Amrani décrypte aussi comment l’eshop se présente sous forme de fil au défilement infini de pièces à tout petit prix, colorés, addictives. Tout est conçu pour provoquer l’achat impulsif, des prix barrés aux comptes à rebours qui font croire à des offres limitées dans le temps, en plus d’une livraison offerte.
Iman Amrani décortique également le rôle du marketing d’influence : Shein rince des influenceurs et influenceuses de vêtements gratuits afin qu’ils les présentent lors d’alléchants hauls et try-on (vidéos où l’on déballe et essaye les pièces reçues). Leur audience peut alors se faire une meilleure idée du rendu des vêtements, et souvent bénéficier de codes promos, tout en ayant l’impression qu’il ne s’agit pas d’une publicité.
Comment en découdre avec le mastodonte Shein
Mais si l’entreprise pèse aujourd’hui près de 16,6 milliards d’euros, c’est surtout grâce à sa chaine d’approvisionnement particulièrement opaque, où des usines de confection sous-traitent auprès d’ateliers de misère déplorables. Dans le documentaire, des caméras cachées nous emmènent à la rencontre des ouvrières obligées de travailler jusqu’à 18 heures par jour, généralement sept jours sur sept, payées 2 à 3 centimes par pièces confectionnées (un salaire qui ne devrait finalement rien avoir de surprenant au regard du prix des produits Shein, dont certains coûtent à peine 5 €). Et si elles ne respectent pas leur quota imposé, de lourdes pénalités peuvent s’appliquer contre ces ouvrières.
Rien de bien nouveau pour qui a lu le rapport de Public Eye, mais ce documentaire permet d’incarner encore plus cette violence sociale, et peut-être de sensibiliser un plus large public.
Sans chercher à culpabiliser les clients et clientes de ce mastodonte chinois de l’ultra fast-fashion, on peut néanmoins se demander ce qui pourrait être la goutte de trop. En juin dernier, l’entreprise tentait vainement de se racheter une vertu, en promettant plus de 14 millions d’euros pour les décharges de vêtements au Ghana. Comme le note Vogue Business, le mastodonte a choisi la semaine de la diffusion de ce documentaire édifiant pour lancer son service de revente de seconde main. Une diversion façon écoblanchiment éhonté. « L’information, c’est le pouvoir ». Et être informé permet surtout d’éviter de tomber dans le panneau du greenwashing. Cependant, l’ignorance tient-elle du luxe ? Celui de pouvoir continuer de s’habiller sans culpabiliser, tandis que les gouvernements ne font rien pour limiter ce genre de dérives mondialisées ?
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Crédit photo de Une : Capture d’écran de l’eshop de Shein
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