Mise à jour du 10 août 2018 — Insatiable est donc #DispoSurNetflix depuis ce matin 9h00 ! Le nouveau show de Netflix, très critiqué sur la seule base de sa bande-annonce atterrit directement dans ma liste des programmes « à regarder ».
Enfin l’occasion de pouvoir débattre du fond, des messages, du ton, bref : de tout ce qui compose les 12 épisodes de cette première saison d’Insatiable !
Mise à jour du 31 juillet 2018 — La pétition n’aura pas gain de cause. Plus de 200 000 internautes demandaient à Netflix le retrait de la série Insatiable, dont la sortie est maintenue au 10 août 2018.
Netflix, en la personne de sa vice-présidente des contenus originaux, Cindy Holland, a répondu à cette polémique née de la diffusion du trailer de la série :
« La créatrice [Lauren Gussis] tenait absolument à aborder ces problématiques, sur la base de sa propre expérience, mais à travers un angle satyrique, très exagéré. »
Netflix répond à la polémique soulevée par le trailer d’Insatiable
Rappelons qu’Insatiable est une « comédie sombre », dont le ton s’annonce très sarcastique. Et qu’à ce jour, seule la bande annonce a été dévoilée, soit 1 minute 55. Pas de quoi juger sur pièces. Cindy Holland ajoute :
« Au fond, le message de cette série est que le plus important, c’est d’être à l’aise avec soi-même, tel qu’on est. »
C’est effectivement ce qui me semble transpirer de cette fameuse bande annonce de la discorde : non pas l’idée qu’il faut devenir mince pour être désirable et respectée, mais plutôt que c’est complètement hallucinant cette pression sociale à l’apparence, et parfaitement ridicule — ça en serait risible si ça n’était pas aussi terrible — de voir le comportement des autres changer lorsque ta morphologie change.
Je reste donc sur ma première conviction : j’attends de pouvoir avoir accès à la série en intégralité pour juger de son message, de ses intentions et de leur exécution.
Une bande annonce ne me suffit pas, et cette pression à l’annulation me met profondément mal à l’aise. Je détaille ce ressenti dans l’article initial, ci-dessous !
En passant, Cindy Holland, la vice-présidente des contenus originaux qui répond aux critiques des détracteurs d’Insatiable : c’est à elle que l’on doit l’apparition sur Netflix de tant de personnages féminins forts, divers, complexes, nombreux et aussi riches dans leur construction et leurs rôles. Le Figaro Madame l’avait interviewée en 2017.
Publié le 20 juillet 2018 — Insatiable, c’est le titre de la nouvelle série Netflix qui s’apprête à débarquer le 10 août sur la plateforme de streaming. C’est l’histoire de Patty, une adolescente harcelée et humiliée à cause de son poids.
Elle est victime d’un coup très violent, et passe tout l’été à s’en remettre, la mâchoire soudée pour cicatriser. À la rentrée, Patty a perdu beaucoup de poids, et elle est donc devenue : une bombe. Mais une bombe à retardement…
Insatiable, un pitch à double tranchant ?
Sur la base de ce pitch, il y a de quoi hausser un sourcil : est-ce à penser qu’il faut être mince pour être désirable, et mériter le respect de ses petits camarades ? Si le show s’apprête à renforcer ce stéréotype extrêmement désobligeant pour les personnes en surpoids, je risque de ne pas goûter ce que cette comédie sombre aurait de drôle.
Mais la bande annonce de la série laisse toutefois supposer que le propos sera un poil plus compliqué.
Une comédie acide et une colère insatiable
La punchline de Insatiable est un habile jeu de mots : a coming of rage story parodie l’expression a coming of age story, c’est-à-dire « une histoire de maturité ».
Insatiable ne raconte donc pas un cheminement vers l’apaisement et la maturité, mais tout le contraire : une explosion de colère, de rage.
Dans cette bande annonce, Patty a l’air tout sauf sereine après sa perte de poids spectaculaire. Je pressens donc qu’il ne sera pas question de vanter les mérites des régimes miracles, ni d’ailleurs d’en conclure que la vie est tout de même plus douce et sympa quand on fait un sexy 36.
Je peux me tromper, car encore une fois, je n’ai vu de cette série que la minute et demi de sa bande annonce. Mais il apparait manifestement que Patty cherche à se venger de ses harceleurs, par tous les moyens.
Quelle sera la morale d’Insatiable ?
Quelle sera la morale d’Insatiable ? Honnêtement, je ne peux pas me prononcer avec si peu d’éléments. Je prévois donc d’ajouter cette série à ma liste, et même pas dans la catégorie honteuse.
J’avais été bluffée par la justesse du traitement des thèmes très lourds de la 2ème saison de 13 Reasons Why, et je vois mal Netflix tomber dans l’écueil évident du fat shaming, consistant à moquer, humilier, haïr une personne en raison de son poids.
Ce sont les camarades de Patty qui se comportent comme ça, et même cette bande annonce si courte suffit à montrer que ce harcèlement ne sera ni glorifié, ni glamourisé, ni justifié.
La question que je me pose, c’est le regard qui sera porté sur la colère de Patty : ses vengeances, et toute la violence qu’elle s’apprête à déchaîner sur ses bourreaux, seront-elles légitimées ?
Insatiable pourrait avoir un parfum de remake de Carrie
, moins le surnaturel. Cet angle m’intéresserait !
Colère(s) et indignation(s)
J’ai découvert la bande annonce d’Insatiable dans mes abonnements YouTube, mais je l’ai également vue surgir sur Twitter. En effet, la vidéo a été publiée sur la chaîne de Netflix jeudi 19 juillet, et il aura fallu moins de 24h pour qu’une pétition soit lancée.
Florence Given, une artiste londonienne, interpelle Netflix sur change.org. Elle demande le retrait de la série, accusant la plateforme d’irresponsabilité, d’insensibilité à l’égard des adolescentes, et de provoquer des troubles du comportement alimentaire en faisant la promotion de la minceur à travers ce show.
« La toxicité de cette série est plus importante que son seul propos. Ce n’est pas un cas isolé, mais une partie d’un problème bien plus étendu, dont je peux vous assurer qu’il affecte ou a affecté chaque femme dans sa vie : nous avons toutes été poussées à juger la valeur de notre corps, à devenir des objets de désir pour le regard masculin.
C’est précisément ce que fait cette série. Elle perpétue la toxicité de notre culture des régimes, ainsi que la réification des corps féminins. »
La critique oui, la censure non
La pétition a été reprise et partagée sur les réseaux sociaux, où le débat s’est ouvert. Pour ma part, j’ai de plus en plus de mal avec ce réflexe du recours à la censure pour exprimer son désaccord avec un programme.
Quoiqu’on pense du propos d’une oeuvre de fiction et de divertissement, elles restent des oeuvres de fiction et de divertissement, pas des programmes d’éducation ni d’information. Ça n’empêche pas ces programmes de pouvoir diffuser des messages positifs et de faire réfléchir leur audience, mais ils n’ont pas cette obligation.
Un cours d’Histoire doit t’apprendre les faits historiques et leur enchainement, tandis que le film Jeanne d’Arc peut prendre énormément de libertés avec la vérité historique. On ne lui demande pas de remplacer mon cours de 5ème sur la Guerre de Cent Ans.
Il en va de même, à mon humble avis, pour les films et séries touchant à des thèmes de société : trop bien s’ils permettent de déclencher des débats, des discussions, de nous faire collectivement réfléchir, débattre et avancer… Et tant pis s’ils ne sont qu’une enième comédie dégoulinante de clichés éculés.
Je peux regretter qu’on en soit encore là, mais je ne souhaite pas censurer ces oeuvres : au pire, elles incarnent les vestiges d’un monde que j’espère voir bientôt disparaître. C’était par exemple mon avis sur le film Nos femmes, un monument de beauferie surannée, toujours selon mon avis très humble.
Sinon, vraiment, je militerais pour la censure de toutes les comédies romantiques mettant en scène des relations toxiques et des agressions sexuelles sous couvert de romantisme et de sensualité. Attendez-vous à voir fondre vos catalogues comme peau de chagrin, et remerciez la culture du viol !
Mais non, car ces oeuvres sont le miroir de leur temps. Certaines nous donnent un aperçu du futur, d’autres une fenêtre vers un passé rarement glorieux, même lorsqu’il est idéalisé.
Qu’est-ce que la censure nous apporterait, collectivement ?
Pourquoi parler au nom de tout le monde ?
Ça m’interroge tout de même de voir fleurir des pétitions pour interdire des oeuvres culturelles, fussent-elles d’un niveau relativement près des pâquerettes — Insatiable ne revendique clairement aucune prétention éducative.
Déjà, parce que personne ne m’oblige à regarder un programme qui va me faire du mal, si le sujet me touche. Insatiable annonce la couleur : oui, ça va parler de poids et de harcèlement.
Ensuite, parce que les ressentis varient selon les individus. Oui, indéniablement, je me doute que des téléspectatrices s’identifieront douloureusement à la Patty-en-surpoids, et que cela les affectera d’une certaine manière. Et d’autres tireront une satisfaction, un soulagement peut-être de voir évoluer ce personnage.
Je n’invente pas ces hypothèses, je les ai lues sur Twitter :
« Juste allez vous faire foutre. Nous sommes désirables quand nous sommes gros·ses. Nous avons de la valeur.
Vous n’avez pas besoin de nous souder la mâchoire pour nous rendre minces et d’une certaine manière, augmenter notre valeur. C’est vraiment chiant. »
Et la réponse :
« J’ai été un enfant gros. Je suis un adulte en surpoids. J’ai été harcelé. Je veux voir ce show. Vouloir regarder les méchants se prendre exactement ce qu’ils méritent n’est pas toxique.
Le moi de 15 ans aurait adoré vivre à travers un tel personnage, étant donné que les harceleurs paient très rarement pour leurs actes. »
Qui a raison ? Les 2, selon moi. George ne devrait pas regarder la série, et Josh devrait la regarder. Et la série doit pouvoir exister pour que George ait le choix de l’ignorer, et Josh celui de la regarder.
Peut-être qu’Insatiable sera un ramassis de clichés sexistes et discriminants, peut-être que ce sont MES mâchoires qui vont rester soudées pendant mon binge watching, mais je n’en saurais rien si je ne donne pas une chance à cette série dont la bande annonce a piqué ma curiosité.
Pourquoi exiger la censure, plutôt qu’aiguiser la critique ?
Quand je vois le traitement du slut shaming dans 13 Reasons Why ou même Riverdale, la manière dont The Duff aborde le body shaming et la séduction entre ados, j’ai quand même du mal à imaginer qu’Insatiable manque à ce point le coche, comme le reprochent la pétition et le redoutent de nombreux internautes.
Et quand bien même ce serait raté, je maintiendrais ceci : censurer une idée, ce n’est pas la combattre.
À propos du film The Duff, justement : l’annonce de sa sortie avait également déclenché toute une polémique, puisque le personnage était censé être gros et donc moins désirable que ses amies. Si vous avez vu le film depuis, vous savez qu’on ne pourrait pas être plus à côté de la plaque que cette anticipation.
J’ai comme l’impression qu’Insatiable se prend un procès d’intention similaire, à en juger par ce qu’en disent la scénariste Lauren Gussis et Debby Ryan, qui tient le rôle titre :
« Ce show traite fondamentalement de l’apparence et de comment cela affecte les interactions sociales. Lauren et Debby ont un message pour toutes celles et ceux qui pourraient juger un peu trop hâtivement la série.
Critiquer quelque chose pour ce dont « elle a l’air » sans chercher à en savoir plus et à creuser derrière cette première impression, c’est exactement le propos du show, et le problème auquel il s’attaque. »
— Extrait de cet article de Teen Vogue
Voilà ma curiosité doublement piquée. Rendez-vous le 10 août sur Netflix !
Je vous attends nombreuses dans les commentaires pour me dire si vous comptez regarder cette série ou non, et pourquoi !
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Les Commentaires
On délire là.
Je n'ai pas passé le deuxième épisode et j'ai pas l'intention d'aller plus loin. La satyre n'excuse pas tout et avec le budget et les heures passées à faire ce truc, ils auraient pu faire autre chose.