« Est-ce qu’en fait, dépenser plein d’argent pour “ces gens-là”, qui pour l’instant s’infectent entre eux, ça vous ennuie un peu ? ».
Les mots de la sénatrice EELV Mélanie Vogel adressés ce mercredi 27 juillet au ministre de la Santé François Braun sont cinglants et choisis précisément. En questionnant le gouvernement sur sa gestion de l’épidémie de variole du singe, elle n’a pas hésité à reprendre l’expression homophobe de la ministre de la Cohésion des territoires Caroline Cayeux pour désigner les personnes issues de la communauté LGBTI+, rappelant ainsi qu’à l’heure actuelle, ce sont elles qui sont les plus touchées par le virus.
Les HSH, premiers touchés par la variole du singe
Après des semaines de silence radio, les pouvoirs publics ont-ils enfin pris la mesure de l’enjeu ? Au 26 juillet, 1 837 cas confirmés ont été recensés en France, selon Santé Publique France, dont 781 venant de personnes résidant en Île-de-France.
96 % des cas sont des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). Un quart d’entre eux ont eu au moins deux partenaires sexuels dans les trois semaines avant l’apparition des symptômes.
Pourtant dès le tout premier cas recensé en France fin mai, les associations LGBTI+ ont été sur le pied de guerre pour alerter sur le risque de propagation. Il aura fallu plusieurs témoignages d’hommes contaminés par la variole du singe, relayés de façon massive dans les médias, pour faire comprendre la gravité et l’urgence de la situation.
La variole du singe est une maladie rarement mortelle. Certains cas sont bénins, tandis que d’autres patients témoignent de douleurs atroces et d’un préjudice psychologique très lourd. Une personne atteinte doit s’isoler 21 jours dès les premiers symptômes.
Des associations mobilisées, un gouvernement enfin réactif
Le 8 juillet, la Haute Autorité de Santé a recommandé au gouvernement d’élargir la vaccination contre la variole du singe aux personnes les plus exposées, soit les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les personnes trans multipartenaires, ainsi que les personnes travailleuses du sexe.
Signe que les associations ont finalement été entendues ?
« C’est bien mais peut mieux faire », tranche auprsè de Madmoizelle Matthieu Gatipon-Bachette, porte-parole de l’Inter-LGBT. S’il salue la décision du remboursement du dépistage annoncé cette semaine, ainsi que l’ouverture de centres de vaccination, d’autres points sont à améliorer : « Quelle est la réalité des stocks de vaccins mobilisables ? C’est une question qu’on se pose ! ». Et à laquelle le ministère n’a toujours pas donné de réponse claire, se rangeant derrière le secret-défense.
Au cours de cette dernière semaine de juillet, 42 000 doses ont déjà été déstockées.
Pour une vaccination complète, les personnes doivent avoir reçu deux doses, espacées de 28 jours. Selon le ministre de la Santé, on compte 250 000 personnes identifiées comme « à risque ».
Si des centres de vaccination ont ouvert un peu partout en France, dont un vaccinodrome dédié à Paris, cela reste largement insuffisant, affirme le militant. « Des remontées que j’ai, que ce soit à Paris ou en région, c’est encore difficile de trouver des créneaux », explique Matthieu Gatipon-Bachette.
Sans la mobilisation des associations LGBTI+ et de santé communautaire, le bilan serait peut-être encore moins satisfaisant :
« La mise en place d’une vaccination élargie aux publics cibles et son utilisation stratégique ont dû être arrachées par la mobilisation publique et la colère des patients, des gays, des TDS et des personnels soignants en première ligne, qui encore une fois doivent se faire experts et prescripteurs en lieu et place des pouvoirs publics », déplore aujourd’hui la militante Gwen Fauchois, ex-vice-présidente d’Act Up-Paris, dans une tribune pour Libération.
Ce n’est pas un hasard si Act Up-Paris fait partie des organisations militantes les plus mobilisées sur le sujet, à la fois pour réclamer des actions concrètes pour endiguer la propagation du virus, mais aussi pour informer les malades et faire de la prévention de la façon la plus efficace et pertinente, sans jugement, ni stigmatisation.
Comme un air de déjà-vu
Il s’agit d’une réalité épidémiologique, ce sont actuellement les HSH multipartenaires qui sont majoritairement touchés : « La nouvelle a fait ressurgir le traumatisme des années sida », constate l’Inter-LGBT dans un communiqué.
« Pour cette raison, la plupart des associations LGBTQI+ ont exprimé la crainte d’une nouvelle stigmatisation sur la base des comportements sexuels des HSH. Comme le VIH/sida, ce virus (qui se transmet essentiellement par des contacts directs avec la peau d’une personne porteuse de lésions, y compris lors de relations sexuelles) n’est pas une “maladie des gays” ».
« Ça rappelle le début de la pandémie de VIH », confie David, un témoin cité par France Bleu Alsace, qui a donc choisi de se faire vacciner à titre préventif. « Au début des années 80, on en parlait peu. On disait que ce n’était qu’un certain groupe de personnes, qu’il n’y avait pas d’autre souci. Finalement, ça a explosé ! Je trouve que c’est important de dire qu’il ne faut pas passer ça à la trappe ».
Pour une véritable politique de santé communautaire, il faut une « mobilisation de tous les acteurs », insiste Matthieu Gatipon-Bachette, afin de réussir à toucher des personnes qui sont parfois éloignées des circuits traditionnels de santé, comme les personnes travailleuses du sexe.
« On est une communauté qui a l’expérience de la lutte contre le sida, ça m’interpelle que des cadres de santé soient si peu prompts à réagir », constate-t-il.
Face à la hausse des cas, l’inquiétude demeure chez les associations : « Les économies de “bouts de chandelle” n’ont pas leur place en matière de santé publique », rappelle l’Inter-LGBT qui réclame davantage de moyens dans la prévention et dans la prise en charge des malades.
C’est encore une fois des personnes vulnérables qui sont impactées en premier lieu. Tout comme avec le Covid-19, des personnes travailleuses du sexe se retrouvent sans ressources ou voient une baisse de leurs revenus lorsqu’elles choisissent de réduire leur activité à titre préventif. Sans compensation financière de la part de l’État, elles se retrouvent dans une situation de précarité.
Le 23 juillet, l’Organisation mondiale de la santé décrétait l’urgence internationale de santé publique. Car à l’étranger aussi, l’état des lieux est alarmant : San Francisco et l’État de New York sont en état d’alerte sanitaire et les États-Unis ont atteint les 3 846 cas, dépassant l’Espagne qui comptait jusqu’ici le plus grand nombre de cas au monde. Au 25 juillet, le Royaume-Uni recensait de son côté 2 367 cas confirmés.
« C’est une illusion de croire que ça va se cantonner aux HSH », prévient Matthieu Gatipon-Bachette qui espère qu’après ce « retard à l’allumage », les pouvoirs publics vont passer à la vitesse supérieure. « Il faut que ça s’accélère, car l’épidémie, elle, va s’accélérer ».
Les symptômes de la variole du singe : fièvre, épuisement, maux de tête, douleurs musculaires, gêne à la déglutition, gonflement des ganglions. Ces symptômes peuvent précéder une éruption cutanée qui se développe en une poussée et qui s’étend sur le visage, l’ensemble du corps, y compris sur la paume des mains et la plante des pieds, ainsi qu’au niveau des muqueuses.
La variole du singe est contagieuse dès les premiers symptômes. Elle se transmet par contact prolongé entre personnes, notamment lors d’un rapport sexuel, mais aussi par le partage de linge (vêtements, etc), ustensiles de toilette, vaisselle, sextoys, matériel d’injection. La maladie dure deux à trois semaines.
La variole du singe est bénigne dans la plupart des cas. Il faut cependant être vigilant concernant les enfants, les femmes enceintes et les personnes immuno-déprimées, notamment les personnes qui vivent avec le VIH.
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Crédit photo : CDC via Unsplash
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L'encadré gagnerait peut-être même à remonter en haut de l'article, pour la compréhension du reste du texte