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Mathilde, infirmière en psychiatrie, nous raconte son quotidien fait d’empathie et de soins

Mathilde, infirmière en psychiatrie, nous explique son métier pas comme les autres, le rythme de ses journées et ce qui la motive à se lever le matin.
Le 17 mars, c’est la journée internationale de la schizophrénie. En 2018, les associations luttent pour que les malades s’intègrent le mieux dans la société et visent à dédiaboliser la maladie.

Afin de découvrir l’envers du décor du monde du travail, d’inspirer et de rassurer celles qui cherchent encore leur voies, on a posé une question (pas si) simple :

« Et toi, tu fais quoi maintenant que tu es grande ? »

On a reçu beaucoup de réponses, et parmi elles j’ai eu envie de laisser la parole à Mathilde pour commencer, qui a un métier qui peut sembler connu, mais qui dans ses subtilités l’est moins.

Infirmière, tout le monde en a une idée, le visualise un peu. Mais il y a un nombre incalculable de nuances dans ce métier : d’un service à l’autre, en libéral, toutes ne font pas la même chose.

Qui sait précisément ce que c’est que d’être infirmière en psychiatrie ? Mathilde, elle le sait car c’est son quotidien. Alors elle nous raconte.

Qui est Mathilde, infirmière en psychiatrie ?

  • Qui es-tu et d’où viens-tu ?

Je m’appelle Mathilde, née par une nuit d’hiver en Normandie où j’ai réussi à survivre malgré la rigueur du froid.

J’ai donc décidé de rester y vivre parce que j’aime la pluie (non) (mais j’aime beaucoup ma ville) (et mon travail) (mais on y viendra).

  • Avant d’attaquer sur ton travail, est-ce que tu as une passion ou un kif dans la vie (parce que c’est important de faire aussi autre chose) ?

Je suis l’antonyme de la sportive, mais j’aime beaucoup lire et j’ai un chat que j’aime énormément et qui est fétichiste des cotons-tiges (il joue juste avec hein) (et ils sont propres) (cette précision me semblait importante).

Le métier de Mathilde : infirmière en psychiatrie

  • Et ton job alors, c’est quoi ?

Je suis infirmière depuis 4 ans.

J’ai d’abord travaillé quelques années dans une unité de psychiatrie pour adultes, puis j’ai eu une expérience d’infirmière libérale (à domicile) et je suis revenue à mes premières amours psychiatriques depuis un an où j’exerce comme infirmière dans un pool de remplacement (c’est un nouveau service).

En gros je fais des remplacements dans une vingtaine de service différents, tous concernant la psychiatrie : adulte, pédopsychiatrie (psychiatrie auprès des enfants), suicidologie, gérontopsychiatrie (psychiatrie auprès des personnes âgées)…

  • Comment tu l’expliquerais à ta petite sœur hypothétique en quelques mots ?

« Vol au-dessus d’un nid de coucous » ?

Non, fort heureusement la psychiatrie a beaucoup évolué ces dernières dizaines d’années. Mon travail est assez difficile à définir car il change beaucoup en fonction de la pathologie du patient.

Je suis susceptible de travailler dans un service qui peut accueillir de nombreuses maladies différentes comme la dépression, la schizophrénie, les problèmes d’addiction, la bipolarité, l’anorexie…).

Disons en gros que je suis là pour aider le patient à rétablir son intégrité psychique (et parfois physique), à vivre avec sa pathologie.

Je fais aussi ses soins (qui ne concernent d’ailleurs pas tous directement la psychiatrie) comme des prises de sang, perfusions, sondes gastriques, injections…

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Comment s’épanouir dans ce métier ?

  • Pourquoi tu aimes ce que tu fais ? Pourquoi tu as choisi de faire ce travail ?

Lorsque j’étais étudiante infirmière, je me souviens d’un cours que nous avions eu qui concernait les « soins relationnels ». 

La personne qui intervenait nous expliquait que contrairement aux soins techniques (les injections et autres) qui globalement se ressemblent, il y a autant de situations relationnelles différentes qu’il y a de personnes différentes.

Et c’est exactement ce que je retrouve dans ce travail !

Malgré une certaine « expertise » dans mon domaine (tout est relatif), les patients me surprennent toujours, leurs réactions ne se limitent pas à leur pathologie (on dit souvent entre nous qu’il n’existe pas deux schizophrènes identiques), certains trouvent des ressources incroyables pour s’en sortir.

C’est un travail aussi globalement plutôt valorisant (pas toujours) quand on arrive à aider un patient qui se trouvait initialement dans une situation très compliquée.

On sollicite beaucoup de qualités « humaines » telles que l’empathie, l’écoute, la bienveillance et notre métier aussi consiste à prendre le temps avec les patients.

C’est assez cool, en ça c’est différent des services de soins généraux. Mais bon, tout n’est pas rose et malheureusement notre qualité de travail est en baisse, prendre le temps c’est maintenant parfois compliqué.

Le fait de faire partie d’un service de remplacement est aussi très appréciable : je n’ai aucune routine, je rencontre beaucoup de personnes différentes (équipes soignantes et patients) et j’apprends énormément.

Ça fait beaucoup travailler ma mémoire et ma polyvalence.

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  • Le petit bonheur qui fait que tu kiffes ton boulot ?

La relation avec le patient, parfois intense (on rencontre quelques patients isolés socialement dont les équipes soignantes sont émotionnellement très importantes pour lui), les petites sorties qu’ils nous font (parfois on rigole bien) et la satisfaction de voir un patient reprendre pied durant son hospitalisation.

Ils nous apportent beaucoup !

  • Est-ce que tu as dû arbitrer entre deux visions du travail, « liberté, je fais ce qu’il me plaît et tant pis pour la précarité » VS « sécurité, je préfère m’assurer un salaire stable même si ce n’est pas le job de mes rêves » ?

Pas vraiment. J’ai la sécurité de mon emploi (je suis titulaire de la fonction publique) mais ça ne m’a pas empêché de partir quand je commençais à en avoir marre (j’ai pris une disponibilité pour pouvoir exercer en libéral).

Aujourd’hui je me sens très épanouie sur mon poste et le fait de ne pas travailler que dans un seul service me donne un certain sentiment de liberté.

Comment devenir infirmière en psychiatrie ?

  • Est-ce que c’est le domaine que tu avais choisi dès le départ ou tu t’es retrouvée ici après une (ou des) réorientation(s) ?

Petite j’ai voulu être « fabriqueuse de bonbons », puis chocolatière (j’aime manger), puis journaliste, puis psychologue. Mais la psychologie, ça veut dire la fac, or j’ai besoin d’être cadrée sinon je ne suis pas raisonnable, et il y a aussi peu de débouchés.

J’ai donc fait des recherches sur un métier compatible avec l’idée que je me faisais du métier de psychologue (aider les personnes à résoudre leurs problèmes, les écouter : en réalité c’est différent, mais j’étais jeune et naïve).

Et un jour ma Maman m’a parlé du métier d’infirmière (elle travaille à l’hôpital du côté administratif).

Ça m’avait tout l’air d’être super cool, avait l’avantage de permettre une évolution professionnelle et surtout de me faire bénéficier d’une grande diversité dans mon travail !

Une infirmière en réanimation, en chirurgie, en psychiatrie… ça ne fait pas tout à fait la même chose. Et mon diplôme me permet d’exercer dans tous ces lieux.

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  • C’est le fruit d’un parcours longuement réfléchi ou du hasard ?

La psychiatrie en général c’est donc un vrai choix : c’est ce milieu précis qui m’attirait dans le métier d’infirmière et j’ai même réussi à me faire financer mes études par mon employeur actuel.

Ça n’existe plus vraiment maintenant (il y a beaucoup moins de besoins de soignants dans les hôpitaux) mais quand j’étais étudiante on avait la possibilité de se faire financer (de l’ordre de 400/500€ par mois) et la contrepartie était qu’on s’engageait à travailler dans cet hôpital le nombre de mois où on a touché de l’argent (24 mois pour ma part).

C’est tout bénef’ : on a de l’argent (ce qui m’a permis de ne pas travailler en parallèle de mes études, un sacré luxe !) et un emploi qui nous attend à notre diplôme !

  • Qu’est-ce que tu as eu comme formation ?

J’ai fait un bac L option anglais euro. Pas vraiment la voie royale pour des études paramédicales, mais je savais que je pouvais passer le concours infirmier avec n’importe quel bac et j’avais plus d’affinités avec les langues.

J’ai passé mon bac et mon concours infirmier en même temps, et hourra j’ai eu les deux !

Le concours infirmier en gros c’est d’abord deux écrits : un de culture générale et un de tests psychotechniques, puis si on réussit l’écrit on passe un oral.

On y est interrogée sur un sujet de culture générale assez divers (par exemple j’ai été interrogée sur l’influence des tags dans notre société… hein ?) puis on doit développer nos motivations :

« Je veux être infirmière parce que je pourrai faire des piqûres et j’aime quand les gens ont mal… » (non).

Ensuite c’est parti pour 3 ans d’études où on alterne des périodes de cours avec des périodes de stage.

Pour être honnête ce ne sont pas des études faciles (le statut d’étudiant en stage notamment), il faut vraiment s’accrocher à certains moments.

Parlons concrètement du métier d’infirmière en psychiatrie

  • Est-ce que tu as une journée type ?

Pas vraiment. D’une parce que désormais je change de service presque tous les jours (on aura compris, ça fait 5 fois que je le répète !) et de deux parce que la psychiatrie a un petit côté imprévisible.

En tant qu’infirmière à l’hôpital je travaille en quarts, c’est-à-dire que je suis sois du matin (7h à 14h40) soit de l’après-midi (13h50 à 21h30). Je ne fais pas de nuit depuis que je suis au pool de remplacement mais la plupart des soignant•es en font de temps en temps (21h15 à 7h15).

Une journée type dans un service de psychiatrie adulte, là où je vais le plus souvent, le matin ça ressemble à ça :

  1. Transmissions orales avec les collègues de nuit. Ça inclut boire un café/thé/vodka (non) et refaire le monde (on est pas bêtes).
  2. Premiers soins du matin : prises de sang, soins des diabétiques… Éventuellement on aide les personnes dépendantes pour leurs soins d’hygiène (eh oui, les infirmiers aussi font des toilettes). Distribution des traitements du matin et des petits déjeuners.
  3. Soins auprès des personnes en chambre protégée : couramment c’est la « chambre d’isolement », où on accueille des patients soit pour la sécurité des autres (patients ou soignants) soit pour leur propre sécurité (le plus souvent). Ces soins peuvent prendre beaucoup de temps (la moindre activité du patient demande une présence soignante, parfois même on doit appeler du « renfort » dans les autres services quand le patient est particulièrement instable).
  4. On finit les soins qu’on a à faire : pansements, injections…
  5. Staff avec les médecins : on fait le point sur les problèmes du jour, les nouveaux patients… C’est suivi de quelques entretiens avec les patients et les médecins.
  6. Distribution du déjeuner et des traitements du midi, puis on fait de nouveau les soins en chambre protégée.
  7. Transmissions écrites (on a un logiciel qui remplace le dossier papier infirmier).

Puis à notre tour de manger, quand on a le temps avant qu’arrivent les collègues d’après-midi : à ce moment-là on fait les transmissions à notre tour pour pouvoir partir !

Pour l’après-midi ça commence et ça finit pareil mais entre deux l’activité est quand même différente.

On gère beaucoup les sorties et les entrées du service : un patient sort d’hospitalisation, il est aussitôt remplacé par un nouveau, adressé par les urgences psychiatriques le plus souvent.

L’après-midi c’est aussi le temps des visites des familles et des entretiens avec les médecins. On fait également tous les soins prévus l’après-midi (comme ceux qui ont été prescrit en fin de matinée ou les injections).

Bien sûr les repas, la distribution des médicaments et les soins en chambre protégée se font à nouveau l’après-midi.

Et on n’est pas à l’abri d’une petite surprise entre deux !

  • La qualité indispensable pour s’épanouir dans ce job ?

Beaucoup d’empathie, de motivation (ne nous mentons pas : les conditions de travail ne vont pas en s’arrangeant), de l’énergie (on marche énormément !) et une grande capacité à se remettre en question !

Ne jamais oublier qu’on travaille avec de l’humain, et essayer de toujours penser au bien-être du patient en premier.

  • Et pour finir, en commençant, tu gagnais combien ?

1550€ net sans les primes (on travaille les jours fériés et les week-end, ça fait des sous en plus). Sachant que mon employeur paye plutôt bien : une infirmière gagne en moyenne en début de carrière moins de 1500€.

Aujourd’hui, 4 ans plus tard, je gagne entre 1700€ et 1900€ en fonction des primes. C’est pas mal, mais aux vues des responsabilités qu’on endosse, les infirmières aimeraient bien avoir plus !

Toi aussi tu veux me raconter ce que tu fais, maintenant que tu es grande ?

Envoie un mail à l’adresse jaifaitca[at]madmoizelle.com, avec en objet « Maintenant que je suis grande, je suis… ».

Dedans tu me présentes en quelques lignes qui tu es, ce que tu fais dans la vie (ton job, mais pas seulement si tu as d’autres choses à raconter) et par où tu es passée pour en arriver là.

De mon côté, je te recontacte avec le questionnaire pour passer tout ça en revue !

PS : Je pose deux conditions…

  • La première, c’est que j’aimerais vraiment que ces témoignages soient plutôt positifs : l’idée n’est pas de faire le procès de ton job mais d’inspirer des jeunes et de les encourager à suivre ta voix dans un parcours qui te plaît.
  • La seconde, c’est que j’aimerais aussi qu’ils soient incarnés, et donc non-anonymes.

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Les Commentaires

26
Avatar de PtitePlume
17 mars 2018 à 16h03
PtitePlume
J'ignorais que cette journée existait! Cette maladie est tellement mal connue et comprise...
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La société s'écrit au féminin