Avril 1994. Claire*, 21 ans, est enceinte. Elle et Hugues*, 26 ans, sont ensemble depuis moins d’un an. « J’étais amoureuse. On s’entendait bien, on rigolait beaucoup », se remémore cette aide à domicile aujourd’hui âgée de cinquante ans. « Lorsque je lui ai annoncé la grossesse, il était super content et motivé. On aurait dit qu’il réalisait le rêve de sa vie. Il voulait avoir une “jolie famille”. » L’été arrive. Hugues part « faire une saison » pour gagner de l’argent en prévision de l’arrivée du bébé. Cent kilomètres les séparent.
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À son retour, à la rentrée, la jeune femme le sent « moins intéressé qu’avant ». « Il y avait une distance », explique-t-elle. « Je me berçais d’illusions toute seule en me disant qu’il était peut-être préoccupé. » Elle trouve alors, cachée, une lettre d’amour signée d’une jeune fille de 17 ans. Ils se disputent. Hugues nie, elle sait qu’il ment. « J’étais bien énervée… Tellement tendue que j’ai dû aller à l’hôpital deux mois à l’avance. J’ai accouché à un mois du terme ! » Claire choisit malgré tout de le pardonner. « Parce que j’avais le fantasme d’être une “vraie famille”. Je pensais que ça allait s’arranger. Je voulais que ma fille ait un papa. » Six mois plus tard, ils se séparent.
Une peur partagée par de nombreuses femmes
Claire et Hugues ne sont pas des cas isolés. D’après la sexologue féministe Lucie Groussin, peu de femmes enceintes quitteraient leur compagnon après une infidélité. « La grossesse est une période compliquée », explique-t-elle. Difficile de vivre une séparation à ce moment-là. « Il va y avoir la grande crainte de se dire : “Mon enfant n’aura donc pas de père ?” Alors les gens veulent quand même essayer. Certains se séparent dans un premier temps, puis se remettent ensemble au troisième trimestre. »
Dans un projet de parentalité à deux, la grossesse est censée être « un moment de respect et de compréhension ». Pourtant, « de nombreuses femmes partagent la crainte d’être trompée pendant leur grossesse », constate Lucie Groussin. La spécialiste se veut rassurante : « Je ne pense pas qu’en soi, le fait d’être enceinte augmente le risque d’infidélité. » Il n’existe d’ailleurs « pas d’enquêtes scientifiques sérieuses et pas de chiffres fiables » allant dans ce sens. Le seul chiffre avancé, qui était médiatisé depuis une quinzaine d’années, provient du livre What’s Your Pregnant Man Thinking ? (2005). Le psychologue américain Robert Rodriguez y écrit qu’un homme sur dix serait infidèle durant la grossesse de sa partenaire. Difficile à quantifier en réalité.
Ne pas réfréner ses émotions
Lucie Groussin rappelle que face à une telle épreuve, il ne faut pas réprimer ses émotions, même en pleine grossesse. « Il ne faut pas culpabiliser par rapport au bébé d’être dans un état de mal-être, même s’il faut faire attention à soi », précise-t-elle. « Il faut bien se faire accompagner auprès de sa sage-femme, de sa gynécologue, de la psychologue de la maternité. C’est très important de s’exprimer, de parler, de trouver une parole attentive. Que ce soit auprès d’un professionnel ou d’un proche. Surtout, il ne faut pas rester seule. » La sexologue recommande par ailleurs de « ne pas prendre de décisions hâtives » et de songer à « une thérapie de couple ».
Toutefois, la meilleure volonté du monde ne suffit pas forcément pour réparer les dégâts. « Si quelque chose de grave se passe, il est toujours temps de réfléchir à la place à donner au père », explique la sexologue. Lisa*, 34 ans, agent logistique dans un dépôt, a dû faire ce choix difficile. Elle est tombée de haut en octobre 2022. Cette maman a un fils de deux ans et demi, et une petite fille d’à peine un mois. Après une grossesse très compliquée, elle découvre les infidélités de son partenaire.
« Ça m’a brisé le cœur »
« J’aurais mis ma main à couper que ce mec ne me tromperait jamais », raconte-t-elle. Elle choisit même d’ignorer les premiers indices : « Un jour, j’ai utilisé son compte Amazon… qui me proposait de “commander à nouveau” du viagra ou du “parfum pour attirer les femmes.” » Elle ne peut plus se voiler la face lorsque sa nièce de 17 ans lui montre les textos que lui envoie son compagnon, lui proposant de « le masser » ou de « boire un verre ». Elle découvre alors qu’il a plusieurs comptes Facebook et Instagram, mais aussi des profils sur des applications de rencontre… Sur lesquels il drague des centaines de femmes.
Elle le quitte immédiatement. « Ça m’a brisé le cœur », affirme-t-elle. « Ça a compromis mon allaitement parce que j’avais du mal à manger. Mais j’ai réussi à gérer. Je m’en sors mieux sans lui. » Depuis, elle a trouvé du soutien auprès de l’association le Café des bébés, qui lui permet de sortir de l’isolement. « Ça m’aide beaucoup, on se voit trois fois par semaine, on discute. » Une bouffée d’air frais dans le quotidien de Lisa. Elle peut compter sur la sororité entre daronnes pour tenir le coup.
Comme elle, en cas de besoin, n’hésitez pas à vous rapprocher d’associations de soutien pour les parents d’enfants en bas âge ou dédiées aux mamans solos. Surtout, n’hésitez pas à demander de l’aide, auprès de votre entourage ou de professionnels.
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Les Commentaires
Si déjà tu n'es pas au top dans ton couple avant d'avoir un bébé, je ne crois pas du tout que ça ira mieux quand il ou elle sera là. Le baby clash, c'est réel, même dans les couples solides.