Mise à jour du 18 juin 2021 —
L’ambiance était électrique et tendue hier à l’Assemblée nationale. En début de semaine, on vous expliquait sur Madmoizelle, comment les députés LREM avaient complètement vidé la proposition de loi visant à l’individualisation de l’Allocation Adultes Handicapés en commission (lire ci-dessous).
Lors de l’examen en séance le 17 juin, le gouvernement a dégainé un super joker, l’alinéa 3 de l’article 44 de la Constitution, qui lui a permis de purement et simplement bloquer le vote, et ainsi faire passer la proposition de loi sans les amendements qui portaient sur la déconjugalisation de l’AAH qu’exigent les associations et activistes militant pour l’autonomie des personnes handicapées.
C’est donc un nouveau calcul de l’allocation sur la base des revenus du conjoint qui a été adopté.
Un « coup terrible à la démocratie parlementaire »
De nombreux parlementaires de différents bords politiques ont dénoncé d’une seule voix un scandale démocratique. C’est notamment le député André Chassaigne qui s’est adressé avec colère aux députés LREM, les accusant de marcher « sur les débris de la démocratie », d’avoir, en bloquant le vote, porté « un coup terrible à la démocratie parlementaire » et de faire disparaitre tout le travail parlementaire de l’opposition.
Ce sont aussi certains arguments du gouvernement qui ont choqué l’hémicycle, comme la raison invoquée par Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, pour ne pas déconjugaliser l’AAH — la loi « ne pourra pas s’appliquer avant des années parce qu’aucun système informatique ne pourra la mettre en œuvre ». Une justification qui ne tient pas selon Numerama, et copieusement raillée par François Ruffin :
Pour les associations mobilisées depuis longtemps en faveur d’une réforme de l’AAH, ce passage en force est significatif du peu d’intérêt du gouvernement pour les personnes handicapées, en témoigne la réaction de la militante Elisa Rojas :
Article publié le 14 juin 2021 —
On vous alertait de
cette bonne nouvelle sur Madmoizelle au printemps dernier : grâce à une pétition, le Sénat s’est enfin penché sur l’enjeu de la désolidarisation de l’Allocation Adultes Handicapés des revenus du conjoint.
Depuis le 1er avril, l’AAH est de 903,60€ — une somme qui est donc destinée à compenser une absence de ressources pour une personne ne pouvant travailler. Le problème, c’est que se mettre en couple quand on est bénéficiaire de l’AAH, c’est prendre le risque de ne plus la recevoir à partir d’un certain seuil de revenus de son conjoint ou sa conjointe. Et cela constitue un vrai problème, puisque cela entraîne des situations de dépendances financières et matérielles pour les personnes en situation de handicap.
Parce qu’il s’agit d’une question de justice sociale et d’autonomie des personnes, plusieurs associations, d’Act Up-Paris à APF France Handicap, demandent à ce que le calcul de l’AAH soit enfin individualisé.
Suite à une pétition lancée par des associations, les sénateurs se sont emparés du sujet et ont donc examiné la proposition de loi en mars dernier, qui a ensuite poursuivi son chemin jusqu’à l’Assemblée nationale pour une deuxième lecture.
La perspective de l’individualisation de l’AAH s’éloigne
Jusqu’ici, tout allait plutôt bien. Mais la semaine dernière, coup de tonnerre : les activistes mobilisées pour la déconjugalisation de l’AAH ont appris que le texte examiné en commission des affaires sociales avait été complètement vidé de sa substance.
La déconjugalisation de l’AAH, ce n’est donc pas pour demain. Des députés LREM et Modem sont revenus sur les grandes avancées du texte : pas d’individualisation de l’AAH, les ressources du conjoint seront donc toujours prises en compte… mais différemment.
L’abattement actuel de 20% va être remplacé par un abattement forfaitaire. « Il permettrait qu’un bénéficiaire de l’AAH dont le conjoint est rémunéré au SMIC puisse conserver l’AAH à taux plein », a défendu la députée Stella Dupont.
Mais selon Faire Face, ce changement de mode de calcul va être bénéfique seulement pour les couples sans enfants. Pour les familles avec enfants, cette évolution va concrètement entraîner une perte.
Le combat continue pour la déconjugalisation de l’AAH
Selon les associations et collectifs, l’adoption en commission est une preuve que le gouvernement actuel n’a aucune intention d’améliorer le quotidien des personnes en situation de handicap pour plus d’indépendance et de libertés.
Ils et elles étaient quelques centaines pour un rassemblement de protestation ce dimanche 13 juin, à l’initiative d’actions Up-Paris :
Cécile Morin, pour le Collectif Luttes et Handicaps pour l’Égalité et l’Émancipation, a rappelé que cette mobilisation est et restera un signal fort dans le combat en faveur de l’autonomie des personnes handicapées :
« Notre mobilisation d’aujourd’hui, en dépit de tous les obstacles que nous rencontrons pour nous organiser et même nous déplacer, prouve notre détermination à refuser désormais cette assignation à une condition dominée, à lutter pour notre émancipation, et pour ne plus laisser d’autres parler à notre place et décider avec qui et comment nous devons vivre. »
Des députés ont fait savoir qu’ils proposeront le rétablissement du texte initialement adopté au Sénat, lors de l’examen en séance prévu le 17 juin.
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