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Incroyable mais vrai : personne ne m’a encore violée ni assassinée sur mon tour de France à pied

Aventurière et journaliste féministe, Marie Albert a entrepris en 2020 un tour de France à pied appelé le Survivor Tour. Dans cet ultime épisode de son journal de bord, elle fait le bilan féministe de ses trois derniers mois dans les Pyrénées, alors qu’elle cumule 4 150 kilomètres parcourus depuis Dunkerque.

« Un aventurier ou une aventurière ne se plaint pas généralement. Il découvre, il apprend, il partage… mais ne se plaint pas ! », commente un homme sous l’une de mes publications Instagram. Je l’ai provoqué car mon dernier article pour Madmoizelle s’appelle « Traverser les Pyrénées à pied, un supplice que je ne souhaite à personne ». Je suis une « mauvaise » aventurière car je me plains et nombreux sont les hommes à me critiquer sur les réseaux sociaux : « Tu es trop agressive dans tes stories », « Tu n’es pas une vraie montagnarde », etc.

Je cumule 325 jours de marche dans 21 départements

Je viens pourtant de traverser les Pyrénées à pied par le GR10, l’un des sentiers de grande randonnée les plus relevés de France. J’ai parcouru un peu plus de 1 000 kilomètres à pied en trois mois. J’ai beaucoup souffert du dénivelé et des conditions météo mais j’ai atteint mon objectif. Le 26 septembre 2023, j’ai touché la mer Méditerranée à Banyuls (Pyrénées-Orientales). Je n’avais pas vu autant d’eau depuis l’océan Atlantique, quitté le 1er juillet à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques). 

Cette aventure à pied n’est pas ma première. J’ai commencé ce tour de France à pied, nommé Survivor Tour, dans le Nord en 2020. Depuis Dunkerque, j’ai déjà parcouru 4 150 kilomètres. J’ai marché 235 jours et traversé 21 département, tels que la Manche, le Finistère ou les Landes. Après la côte atlantique et les Pyrénées, je vise la côte méditerranéenne pour l’année 2024. Je reprendrai mon tour de France contre les violences sexistes le 1er septembre à Banyuls.

Je marche seule et je n’ai pas peur

Ce périple solitaire sidère toutes les personnes que je rencontre. Elles me demandent si je n’ai pas peur, si je ne me sens pas seule, si je fais des mauvaises rencontres… Je leur dis fièrement que je dors dans la forêt, sous ma tente ou à la belle étoile. Certes, je suis consternée par la prétention et l’égoïsme des hommes randonneurs que je croise. Ils m’attaquent sur mon féminisme et me donnent des conseils non sollicités. Mais aucun ne m’a encore violée ni assassinée depuis le début du tour de France.

« Je ne laisserais pas ma fille faire ce que vous faites », me confient pourtant nombre de femmes. J’ai beau leur affirmer qu’il est improbable qu’un agresseur me suive la nuit dans la forêt pour me découper en morceaux et que je cours plus de risques en ville, chez moi, elles n’en démordent pas : « J’aurais trop peur ». Depuis 2020, j’ai bien rencontré des agresseurs, mais pas dans la forêt. J’ai croisé un homme qui se masturbait dans sa voiture, en me regardant, à Honfleur, en Normandie.

Une autre fois, j’ai porté plainte contre un ex-copain qui me harcelait et me suivait sur le GR34, dans le Finistère. Cet été dans les Pyrénées, je n’ai rien de grave à signaler. Mais j’anticipe de rencontrer, potentiellement, d’autres agresseurs à l’avenir et c’est OK. C’est ma vie. J’ai déjà porté six fois plainte pour des violences sexistes et sexuelles. Je me suis formée à l’autodéfense féministe pour ne plus craindre tous les hommes. 

À lire aussi : 6 randonneuses à suivre sur Instagram qui allient marche et militantisme

De beaux moments de sororité

Cet été dans les Pyrénées, j’ai particulièrement apprécié les moments passés avec d’autres femmes randonneuses. Je me souviendrai toujours des Anglaises Safia et Ingrid qui m’ont accompagnée sur une étape venteuse en Ariège. Et de ma meilleure amie Tara qui m’a rejointe à la fin du GR10 pour partager une semaine de galères et de plaisirs simples dans la montagne. Notre baignade nues dans le lac de Lanoux reste un temps fort de mon été. Je pense également à ma sœur et mon père qui m’ont rendu visite par surprise, un jour, alors que je me reposais au camping. J’ai tant souffert, physiquement, que je me raccroche aux bons souvenirs, aux rares moments de détente et de sérénité.

Je me réjouis également de mes pauses régulières en camping, où j’ai pu travailler sur mon téléphone ou regarder des matchs de la Coupe du monde féminine de football. J’ai notamment écrit sept articles pour Madmoizelle, dont un sur les règles en randonnée, et publié six épisodes de mon podcast Sologamie, enregistrés sous ma tente. J’ai envoyé des newsletters, partagé mes aventures sur les réseaux sociaux et constaté avec joie que ma communauté suivait et appréciait l’aventure. Beaucoup ont participé à mes cagnottes Tipeee et Patreon ou acheté mon livre La Puissance pour me soutenir financièrement.

Je suis une aventurière et je suis forte

Cet été a tout changé pour moi. J’ai pris conscience de ma force. Maintenant que j’ai traversé la Pyrénées à pied, je me sens invincible. Terminer ce tour de France me semble possible et probable. J’y parviendrai, dans quelques années. Mais surtout, j’ai appris une grande nouvelle que j’ai gardée pour moi. À la mi-juillet, j’ai reçu un virement de 17 000 euros sur mon compte bancaire. L’émetteur est le Fonds de Garantie des Victimes, un organisme public qui m’a proposé cette somme après que j’ai saisi la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (Civi) en 2021. 

Non seulement la Civi a reconnu mon statut de « victime d’une infraction pénale » après la tentative de viol que j’ai subie en mars 2018 dans une bibliothèque parisienne, mais l’expert psychiatre a constaté mon traumatisme psychologique et physique. Le Fonds de Garantie m’a alors versé 17 000 euros en tant qu’indemnité pour le préjudice subi. Cette somme m’apporte un apaisement immédiat ainsi qu’une certaine sécurité financière.

Je ne suis sans doute pas la « bonne » aventurière qu’attendent les hommes qui me critiquent sur les réseaux sociaux. Mais je suis une aventurière féministe reconnue comme victime de violences sexuelles par la justice française. C’est rare alors j’apprécie. Jusqu’au prochain départ, le 1er septembre 2024.

Cet article est le septième et dernier épisode du journal de randonnée de Marie Albert, qui suit son Survivor Tour dans les Pyrénées. Vous pouvez lire les précédents épisodes ici :

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Les Commentaires

2
Avatar de Attie
23 octobre 2023 à 17h10
Attie
Merci pour ce commentaire!
C'est important! Ton tour de France m'inspire, j'aime beaucoup! Continue comme ça!
0
Voir les 2 commentaires

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