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Culture

« Incroyable mais vrai » : faut-il voir le nouveau Dupieux ?

Cette semaine, Kalindi chronique le film à coucher dehors de Dupieux : « Incroyable mais vrai ». Ne cherchez pas plus loin, le seul avis qui compte, c’est toujours le sien (et ça rime).

À l’âge de 10 ans, j’ai développé une obsession plutôt cheloue pour Ben Laden. Enfin, pour être précise, j’étais persuadée que Ben Laden vivait dans ma cave. Et vous allez voir, on peut qualifier la raison de cette obsession de… très légère.

En fait, c’est juste qu’un jour ma mère m’avait dit : « descends pas à la cave, c’est dangereux ». Et comme c’était le lendemain du 11 septembre, je me suis mis dans la tête que s’il ne fallait pas descendre à la cave, c’est parce qu’il y avait Ben Laden dedans. VOILÀ.

Comme quoi, les associations d’idées, quand on a 10 ans et qu’on regarde Derrick tous les jours, ça va assez vite. Donc, pendant des mois, avec ma copine Loulou, on a monté un dossier sur Ben Laden, en rangeant des coupures de presse dans des classeurs Diddle et on a échafaudé des plans pour coffrer nous-même le type le plus recherché du monde. Un jour, on a attendu que ma mère aille faire des courses pour voler ses clés et aller à la cave. Plot twist : y’avait pas Ben Laden. Surprenant non ? 

Enfin moins surprenant toutefois que ce qu’Alain et Marie découvrent dans leur cave à eux dans Incroyable mais vrai, le nouveau film de notre iconoclaste national, j’ai nommé Quentin Dupieux. 

Incroyable mais vrai, c’est le 10ème long-métrage de l’absurdiste français, qui vient nourrir encore une filmographie éclectique mais néanmoins foutrement reconnaissable, composée des films Nonfilm, Steak, Rubber, Wrong, Wrong Cops, Réalité, Au poste, Le Daim et Mandibules. Son onzième film, titré Fumer fait tousser, a été présenté à Cannes 2022 et sortira bientôt.

Deux histoires loufoques dans le même film

Incroyable mais vrai, son 10ème long-métrage, raconte l’histoire d’un couple gratiné aux petits oignons qui désire acheter une maison pour la première fois. Lui est pataud et soumis à sa femme, elle est autoritaire et ne supporte pas que son mari soit en retard. Ce qu’il est tout le temps, évidemment.

Leur agent immobilier, un drôle de petit type tout droit sorti d’un inquiétant cartoon, leur présente une demeure que Marie trouve trop grande pour eux 2 mais qu’Alain estime au contraire d’une taille agréable. 

Si la maison est plutôt séduisante, ce qui achève de la rendre irrésistible se trouve à la cave. Dedans, une trappe mystérieuse débouche sur un conduit dont l’agent immobilier leur garantit qu’il peut, s’ils s’en servent correctement, changer leur vie. 

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Alain Chabat, Benoît Magimel et Anaïs Demoustier dans Incroyable mais vrai
© Arte France Cinema Versus Production 2022

Et en effet, sitôt le conduit emprunté, la vie du couple bascule, surtout pour Alain, qui est complètement délaissé par sa femme au profit de ce trou, où elle passe le plus clair de ses journées. 

En parallèle, le patron d’Alain, un affreux misogyne bedonnant à moustache, s’invite un soir à dîner chez eux avec sa copine, et annonce devoir leur faire une révélation choc. ll est en effet  revenu de son voyage au Japon avec quelque chose d’insolite, qui a complètement bousculé sa vie. Révélation qui choque en effet Alain et Marie. 

Incroyable mais vrai bat donc ces deux histoires loufoques dans un seul bol pour faire une mayonnaise qui monte, qui monte…, mais ne prend jamais complètement.

Incroyable mais plat

Comme souvent, Quentin Dupieux, véritable artisan du cinéma par ailleurs, qui officie à plusieurs postes, et écrit, réalise, monte et compose ses propres films (je vous rappelle que Dupieux est aussi musicien et officie sous le nom de Mr Oizo), réalise un film qui a l’inconvénient de préférer être efficace que jusqu’au boutiste.

Dupieux est très fort pour trouver la bonne idée, le bon concept, qui va piquer la curiosité des spectateurs, et le prouve encore cette année, mais ne se contente ici que de les emmener à la seule lisière d’un univers méconnu, sans les aider à vraiment y pénétrer. 

Ses idées sont toujours malines, absurdes ou effrayantes — comme celle du pneu meurtrier et télépathe, de la passion brûlante entre un homme et une veste à franges et de la mouche géante dressée à voler des bananes — seulement, il ne suffit pas d’avoir LA bonne idée, il faut aussi la développer correctement, et ça passe par envisager toutes les questions auxquelles doit répondre le concept du film. 

En l’occurrence, si les films Rubber, Réalité et Le Daim, qui sont pour moi, et de loin, les meilleurs de la filmo de Dupieux parce qu’ils poussent justement leur concept jusqu’à sa limite, ses derniers films, dont Mandibules et Incroyable mais vrai, brassouillent en surface de leur sujet. 

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Léa Drucker dans Incroyable mais vrai
© Arte France Cinema Versus Production 2022

Comédie anecdotique, mais comédie quand même

Incroyable mais vrai aurait pu et aurait dû être un véritable conduit philosophique, un incubateur de réflexions sur l’éventuelle malléabilité du temps, mais il n’est malheureusement que prétexte à la vanne potache et ne répond à aucune des questions qu’il soumet à son public. 

Résultat, le film est très drôle, la vérité j’ai beaucoup rigolé, mais reste totalement anecdotique. Perso, j’aurais aimé que Dupieux creuse davantage les possibles retombées de l’exploration du conduit, qu’il prenne le temps d’installer le drame que vit Marie, plutôt que de la traiter comme un personnage superficiel et bâcler l’obsolescence de sa santé mentale.

Son Incroyable mais vrai ressemble du coup à une satire trop légère de son époque et dresse une conclusion à l’emporte-pièce sur le jeunisme apparemment hystérique qui s’est soi-disant emparé du monde. Aussi, à force de vouloir trop enfermer les genres dans des caricatures (la femme obsédée par la jeunesse ou le misogyne patenté obsédé par sa bite), Dupieux fait fonctionner l’humour, mais reculer la puissance dramatique de son idée.

Il n’en demeure pas moins que Incroyable mais vrai, c’est drôle. De bout en bout. D’abord parce que l’idée, que je ne veux pas vous spoiler, est délicieusement absurde, ensuite parce que les dialogues, pourtant au ras-des-pâquerettes, sont suffisamment minutieux pour ne jamais être grossiers, et enfin parce que le casting est parfait.

Distribution aux petits oignons

Dedans, on a un Alain Chabat flegmatique à souhait, une Léa Drucker obsessionnelle, une Anaïs Demoustier cagole et un Benoît Magimel sexiste, qui brillent par le sérieux avec lequel ils habitent leurs personnages crétins, là où le Palmashow cabotinait grave dans Mandibules

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Alain Chabat dans Incroyable mais vrai
© Arte France Cinema Versus Production 2022

Comme à chaque fois avec Dupieux je suis donc bien embêtée, parce qu’à la fois j’ai passé un super moment, et à la fois je reste complètement sur ma faim.

Mais je vais choisir de ne garder qu’un souvenir positif d’Incroyable mais vrai, car je sais que Dupieux fabrique ses films quasiment tout seul, soutenu par des petites productions, qu’il ne dispose que de budgets restreints et qu’en plus, il a le culot de fabriquer du genre — et du genre absurde — dans une société française qui lui est plutôt hostile. Donc pour ça, je reste quand même assez fan du travail du bonhomme. 

Alors, foncez vous faire votre propre avis sur Incroyable mais vrai, dont je vous jure qu’un vrai concept se cache dans la cave, contrairement à Ben Laden. 

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Crédits

Le seul avis qui compte est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Kalindi Ramphul. Réalisation, musique et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Marine Normand.


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Les Commentaires

4
Avatar de Angata
17 juin 2022 à 13h06
Angata
@Gringo
Contenu caché du spoiler.
0
Voir les 4 commentaires

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