Depuis que les zombies sont revenus à la mode, nous avons assisté à un déferlement de nouveaux films, remakes et parodies s’attaquant au genre pour tenter de répondre aux demandes des foules. Sarah Lauro, professeure à l’université de Clemson aux États-Unis et spécialiste en zombies, affirme par ailleurs que nous aimons les morts-vivants parce que nous avons abandonné tout espoir. C’est quand notre société est au plus bas, que nous avons des difficultés à voir une issue, dans un contexte de crise, que les zombies reviennent plus facilement à la mode.
Aux États-Unis, l’engouement pour les histoires de zombies serait une conséquence directe de l’administration Bush – la population ne s’est pas sentie écoutée par l’ancien président et a été embarquée dans une guerre qu’elle ne désirait pas. Et les scores d’audience de la série The Walking Dead – une série « niche », « de genre », qui devrait, en théorie, n’intéresser qu’une frange de la population déjà fan d’horreur mais qui touche une énorme portion des téléspectateurs, prouve bien que la mode n’est pas prête de s’épuiser.
…Et après ?
Ce qu’on observe, en revanche, c’est une évolution de la tendance. The Walking Dead mise beaucoup plus sur les drames humains dans un contexte post-apocalyptique que sur des scènes de tueries constantes comme celles qu’on observe dans les films de Romero et ses disciples. Le film Fido, un petit ovni sorti en 2006, nous montrait déjà une reconversion possible pour les zombies en en faisant des animaux de compagnie un peu particulier. Warm Bodies, qui sortira ce mercredi 20 mars, nous offre une version rom-com avec un zombie au grand coeur qui tombe amoureux d’une fille tout ce qu’il y a de plus vivante.
Fido, sorti en 2006 et réalisé par Andrew Currie
Nous sommes donc à un tournant : on commence à imaginer d’autres façons de faire évoluer ces morts-vivants auxquels on a fini par s’attacher. Les zombies ne sont plus des menaces sans identité, sans émotion – on ne peut s’empêcher de leur redonner des caractéristiques humaines. Les voir tituber et se jeter sur le premier morceau de viande fraîche qui passe ne nous suffit plus, et nous avons besoin de répondre à la question « Et après ? » qui se pose de plus en plus souvent.
Parce qu’après tout, qu’est-ce qui justifie que des personnages luttent aussi violemment contre ces invasions zombies ? Pourquoi se battent-ils ? Le monde tel qu’ils l’ont connu n’existe plus, ils ne sont qu’une poignée contre des millions de morts-vivants affamés et sans conscience, alors pourquoi continuer à se battre ? Ces nouvelles solutions prouvent bien que nous n’avons pas encore abandonné tout espoir et que nous voulons toujours croire à l’arrivée d’une solution miracle, à l’issue de secours qui redonnera le pouvoir aux humains et qui leur permettra de reprendre le contrôle de leur monde.
Se contenter de se dire que, de toute façon, l’humanité est condamnée à se planquer et à ne dormir que d’un oeil en changeant sans arrêt de cachette dans l’espoir de ne pas se faire bouffer, c’est horriblement déprimant. Il faut penser à l’après, croire à une renaissance, une révolution, parce que le monde ne peut pas s’arrêter comme ça, ce serait bien trop cruel.
In The Flesh
In The Flesh est une mini-série toute fraîche diffusée sur la chaîne britannique BBC Three depuis le 17 mars, et elle représente une nouvelle étape dans cette évolution du mythe du mort-vivant. Après la grande invasion zombies de 2009, le gouvernement a finalement trouvé une solution au problème en créant un traitement qui permet de réhabiliter les morts-vivants (qui souffrent de PDS – Partially Deceased Syndrome
– c’est plus politiquement correct que « zombie »).
Ce traitement leur permet de renouer avec leur humanité et de retrouver toutes leurs fonctions vitales, tout en gardant un joli teint de cadavre et des yeux tout morts. Des lentilles de contact et un fond de teint spécial ont également été créé pour leur permettre de retrouver figure humaine et de se fondre dans la masse sans trop attirer l’attention.
Mais évidemment, tout le monde n’approuve pas ces techniques et ceux qui se sont battus contre les hordes de morts-vivants pour protéger leur ville et leurs proches apprécient moyennement qu’on donne une deuxième chance à ceux qui ont fait tant de dégâts dans leurs rangs. In The Flesh nous plonge dans le quotidien de Kieren, un jeune mort-vivant en cours de réhabilitation qui s’apprête à rejoindre sa famille dans la petite ville de Roarton où règnent encore des vétérans de l’HVF – la Human Volunteer Force, un groupe qui a combattu les zombies quand le gouvernement les a abandonnés. Sa soeur, Jemima, fait partie du groupe et se retrouve tiraillée entre le retour de son frère bien-aimé et ses camarades de guerre qui sont bien décidés à buter tous les revenants qui se pointeraient dans leur petite ville.
Tension partout, détente nulle part
Notez que j’utilise le terme « zombie » par habitude mais qu’il n’est jamais utilisé dans le premier épisode de la série – et il ne le sera probablement jamais. Pour les esprits ouverts, ils restent des « PDS Sufferers », des gens souffrant du syndrome de mort partielle. Pour les vétérans, ce sont des « rotters », des pourritures au sens littéral du terme.
Et pour Kieren, c’est pas la joie. Il n’a jamais demandé à devenir un mort-vivant, et n’a pas non plus demandé à revenir. C’est comme ça, il est là et doit faire avec. Mais il est torturé par le souvenir de son dernier repas, une jeune membre de l’HVF qu’il a tuée à l’aide de son acolyte zombie de l’époque. Lors des séances de thérapies de groupes qui précèdent son retour à Roarton, on lui rappelle bien que ce qui s’est passé lorsqu’il ne bénéficiait pas encore de son traitement n’était pas sa faute et qu’il ne devrait pas s’en vouloir pour tous les actes qu’il a commis. C’était dans sa nature à l’époque et il en allait de sa survie, et il n’aurait jamais pu s’en empêcher seul. La série pose alors de « vraies » questions sur la part de responsabilité des morts-vivants dans un tel contexte, sur la légitimité des humains à les exécuter sans merci et la nécessité pour les zombies de se nourrir pour ne pas pourrir.
Le retour de Kieren à Roarton s’effectue dans la plus grande discrétion – si les membres de l’HVF, menée de front par un pasteur et un père de famille enragé et sans compassion aucune, apprenaient son retour, il serait exécuté sur le champ. Les parents de Kieren font alors tout leur possible pour rendre la transition de leur fils aussi douce que possible mais poussent le vice jusqu’à lui demander de faire semblant de manger avec eux (bien qu’il ne s’alimente plus depuis longtemps) pour faire comme si de rien n’était. Ils ont gardé sa chambre en état, jouent aux jeux de société avec lui, se sont équipés d’un home cinéma dernier cri pour faire des soirées DVD « comme avant ». Mais Kieren sait très bien que rien ne sera jamais comme avant, qu’il est condamné à se cacher, que sa soeur a beaucoup de mal à accepter ce qu’il est devenu et que les secrets de famille ne tarderont pas à remonter à la surface.
Et dehors, c’est la merde. Alors que le gouvernement tente de convaincre les membres de l’HVF que les mors-vivants réhabilités ne présentent aucun danger et que leur organisme n’a plus de raison valable d’exister, leur détermination reste intacte. Pour eux, un bon rotter est un rotter mort – réhabilité ou enragé, ça ne fait aucune différence. Mais la vie a un sens de l’humour un peu particulier et va jouer quelques tours à tout ce beau monde, histoire de compliquer un peu les choses…
Au final, ce premier épisode d’In The Flesh est extrêmement prometteur, bien foutu, bien réfléchi, merveilleusement bien écrit et réalisé – avec un « vrai » message dans un contexte quasi-réaliste qui nous propulse au plus près des personnages et nous force très vite à nous positionner dans l’histoire. Impossible de rester impassible devant ces images, de tout avaler comme un épisode de Gossip Girl sans jamais se poser la moindre question, sans jamais se projeter. C’est une série qui pousse à la réflexion et qui s’appuie sur un sujet qui nous paraît à la fois très lointain et très proche. Ça « pourrait » nous arriver – peut-être pas comme ça, peut-être pas par le biais d’une invasion zombie, mais ça peut tout à fait servir de métaphore pour un tas d’autres situations.
La première saison étant divisée en trois épisodes, je ne peux que vous conseiller de déguster chaque minute et de prendre le temps de vous plonger dans cet univers parce que ça va s’arrêter beaucoup trop vite.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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YOUPIIIIIIIII edo: