En psychologie, on définit un « stéréotype » comme une croyance (socialement partagée) selon laquelle certaines caractéristiques seraient propres à certaines catégories sociales.
Par exemple, on entend souvent que les femmes seraient de plus mauvaises conductrices que les hommes, que les personnes atteintes d’obésité seraient plus paresseuses que les autres ou que les personnes racisées auraient telle ou telle particularité — vous voyez le genre de joyeusetés.
Les stéréotypes ont cela d’insupportable qu’ils vont jusqu’à avoir un impact psychologique sur les individus qui en sont la cible.
Dans ces temps troubles où les tensions sociales et l’expression du racisme sont quotidiens, je ne surprendrai personne en disant que les stéréotypes sont un fléau pour l’ensemble de la société — et ils sont d’autant plus insupportables qu’ils vont jusqu’à avoir un impact psychologique sur les individus qui en sont la cible : la psychologie sociale appelle ce phénomène la « menace du stéréotype ».
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La menace du stéréotype, c’est quoi ?
Ce courant de recherches étudie les conséquences des stéréotypes sur les individus visés par ces derniers, en faisant l’hypothèse que les stéréotypes négatifs peuvent avoir un effet direct sur les comportements et les performances (entre autres choses).
Cela signifie que lorsque vous êtes membre d’un groupe stigmatisé — et que vous connaissez le stigmate qui vous vise — et qu’on vous place dans un contexte « activant » cette identité sociale, vos comportements peuvent être affectés.
Les recherches qui montrent l’impact psychologique des stéréotypes
La première recherche sur le sujet a été menée par deux chercheurs américains, J. Aronson et C. Steele (1995).
En partant du postulat qu’il existait aux États-Unis un stéréotype négatif à propos des capacités intellectuelles des Afro-Américain•es, les psychologues ont fait passer à des étudiant•es noir•es et blanc•hes de Standford (vu le prestige de l’université, les étudiant•es n’avaient pas franchement de quoi être inquiet•es pour leurs performances) un test de raisonnement (comprenant 27 items issus du Graduate Record Examination et 3 items portant sur la résolution d’anagrammes difficiles).
Les participant•es étaient réparti•es en deux groupes :
- Les chercheur•ses expliquaient au premier groupe qu’il s’agissait d’un test d’intelligence révélant les capacités intellectuelles dans le domaine de la lecture et du raisonnement verbal.
- Aucune mention de « capacités intellectuelles » n’a été faite au second groupe. On informait simplement les participant•es que l’objectif était d’étudier les mécanismes psychologiques en jeu dans la résolution de problèmes verbaux.
Le stéréotype négatif concernant les capacités intellectuelles des personnes noires n’était donc activé que pour le premier groupe.
La crainte de confirmer un stéréotype attaché à son groupe d’appartenance entraîne la chute de ses performances…
Les résultats de l’expérience suggèrent l’importance de la menace du stéréotype : dans le premier groupe, la performance des étudiant•es noir•es était plus faible que celle des étudiant•es blanc•hes alors que dans le second groupe, la performance des étudiant•es noir•es et blanc•hes était similaire.
Pour les deux auteurs, ce résultat témoigne de l’impact de la menace du stéréotype sur les étudiant•es noir•es : la crainte de confirmer un stéréotype qu’ils/elles savent attaché à leur groupe d’appartenance crée une pression psychologique telle qu’elle entraîne la chute de leurs performances !
Pour le dire autrement, le seul fait de savoir qu’on est la cible d’un stéréotype négatif et d’être jugé•e en fonction de ce stéréotype induit une pression psychologique qui impacte notre comportement et nos performances.
Une expérience similaire a été menée par Spencer, Steele & Quinn (1999) : cette fois, les scientifiques se sont intéressés à un stéréotype concernant les capacités mathématiques des femmes (je vous le donne dans le mille : elles seraient moins douées que les hommes dans ce domaine).
Lorsque le stéréotype n’est pas activé, les performances des femmes et des hommes sont similaires. Lorsqu’il l’est, les performances des femmes sont inférieures.
L’équipe de chercheur•ses a rassemblé des participant•es (avec un bon niveau en mathématiques) et leur a proposé de réaliser quelques tests. Une fois encore, lorsque le stéréotype n’était pas activé, les performances des femmes et des hommes étaient similaires. En revanche, dès qu’il l’était, la menace du stéréotype a fait son effet : la performance des femmes était inférieure à celle des hommes.
De nombreuses expériences sur la menace du stéréotype ont été menées sur d’autres groupes sociaux. Ainsi, on retrouve le même type de résultats pour les capacités mnésiques des personnes âgées, les performances intellectuelles des demandeur•ses d’emploi…
Bien sûr, plusieurs facteurs peuvent moduler l’impact de la menace du stéréotype comme l’importance que l’on accorde au domaine visé par le stéréotype (si je me contre-carre des mathématiques, je serai moins soumis•e à une pression psychologique pour réussir un test de mathématiques), la force avec laquelle on s’identifie à la catégorie sociale visée, l’histoire qui nous lie au stéréotype en question, etc.
Comment lutter contre la menace du stéréotype ?
Psychologiquement, la menace du stéréotype est dangereuse : l’une de ses conséquences peut être le désinvestissement des personnes stigmatisées dans certains domaines — pour les chercheur•ses, cela peut expliquer en partie pourquoi les filles se tournent moins vers les filières scientifiques, ou pourquoi certains groupes sociaux subissent des échecs académiques importants.
Chacun•e d’entre nous peut lutter individuellement contre les effets des stéréotypes lorsqu’il/elle en est la cible et prendre conscience des stéréotypes qu’il/elle diffuse.
Nous pouvons lutter contre cette menace de plusieurs manières : d’abord, il est possible de lutter individuellement contre les effets des stéréotypes lorsque nous en sommes la cible (en essayant de renforcer notre estime de soi, de travailler notre affirmation de soi et notre gestion de la pression psychologique).
Et surtout, chacun•e d’entre nous peut prendre conscience des stéréotypes qu’il/elle diffuse, du plus trivial (suggérer que les blondes seraient idiotes, ou que les Français•es seraient râleur•ses) au plus grave (associer certaines caractéristiques à des groupes socialement oppressés).
Pour finir, le mieux reste de s’informer, en allant par exemple faire un tour du côté du site du projet Préjugés & Stéréotypes (qui est une mine d’informations sur le sujet) !
Pour aller plus loin…
- Fabrice Gabarrot, La Menace du stéréotype, écrit pour le projet Préjugés et Stéréotypes, à l’initative de l’AFPS et www.psychologie-sociale.org ainsi que son site personnel
- Lionel Dagot, Menace du stéréotype et performance motivationnelle : le cas des demandeurs d’emploi, O.S.P., l’orientation scolaire et professionnelle, 2007
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Les Commentaires
En même temps ce genre de mécanismes, il est bon de les connaître pour les contrer.
J'ai deux filles et un de mes challenges de maman c'est qu'elles n'aient jamais l'impression que le fait d'être une fille fait qu'elles seraient meilleures ou moins bonnes dans tel ou tel domaine. Et pour cela, je rejoins @fantalimon sur l'importance de leur donner des modèles auxquels s'identifier dans plein de domaines.