L’autre jour, il m’est arrivé un truc bizarre ; j’étais au lit à me faire stimuler les orifices par l’homme avec qui j’échange des fluides de manière exclusive depuis de nombreux mois quand il a décidé, avant de passer à la pénétration, d’aller se laver les mains.
J’étais complètement sonnée : certes, c’était la fin d’après-midi et j’avais pris une douche le matin, mais je me sentais toujours fraîche et propre. Je ne fleurais certes plus le gel intime, mais j’étais bien loin de sentir le roquefort. De plus, jamais en deux ans de relation mon mec ne m’avait fait ce coup-là. Je me sentais humiliée, frustrée, rabaissée, et profondément interloquée.
Quand il est revenu de la salle de bains, j’étais déjà rhabillée et je lui ai demandé des explications. Deux arguments se sont alors confrontés : de mon côté, j’insistais sur le fait que le sexe doit être quelque chose de spontané, qu’il était hors de question que j’interrompe les festivités pour aller prendre une douche afin de sentir le Tahiti douche jusqu’au fond du nombril et qu’il me paraissait complètement aberrant d’aller se laver les mains, que c’était comme un manque de respect vis-à-vis de moi, une façon de remettre mon hygiène et mon corps en question. Pour moi, considérer le sexe d’une telle manière intégrerait des contraintes aux pratiques sexuelles qui devraient justement être l’un des domaines exonérés d’obligations et je ne peux pas concevoir de m’épanouir charnellement en m’imposant des contraintes. De l’autre, mon partenaire s’évertuait à m’expliquer que c’était justement par respect qu’il n’avait pas souhaité m’étaler mes propres sécrétions dans les cheveux et sur le reste de mon corps. Je me suis jamais sentie aussi roots.
"Allume les bougies chéri(e), ça me laissera le temps d'aller m'astiquer la vulve"
S’en est suivi dans mon esprit (plus très motivé pour le frotti-frotta) une longue réflexion sur le rapport de tous les partenaires que j’ai eu au sexe. Le constat m’a paru alarmant : presque tous allaient prendre une douche avant de me rejoindre, et quelques-uns d’entre eux m’ont demandé de me faire épiler intégralement les parties. Leur argument principal est presque toujours le même : « ça fait plus propre« .
On pourrait penser que ces deux sujets (la propreté, le respect et les poils) n’ont pas forcément de rapport. Pourtant, j’ai voulu les mettre en relation pour une seule et même raison : pour moi, la volonté de certaines personnes à voir un sexe immaculé et imberbe est forcément lié. Et je me suis demandée, de ce fait, si ce n’était pas l’aseptisation de la société qui vient s’incruster dans notre façon de voir les choses du sexe. La cause de ce phénomène m’est tout à fait inconnue ; certains mettront ça sur le compte des films pornographiques qui nous montrent des appareils génitaux féminins vierges de toute fourrure, certains désigneront la publicité et les médias comme coupables de ce symptôme, mais quoiqu’il en soit une chose est sûre : pour moi, tout ceci « sent un peu trop le savon » pour reprendre les termes d’André Manoukian, tant il semblerait que nous soyons insidieusement amenées à bien raboter notre mode de vie en général pour que rien ne dépasse.
J’ai donc voulu demander à nos lectrices leurs habitudes hygiéniques et leur rapport aux poils et à la pression pour voir si j’étais la seule à me sentir touchée par ce phénomène.
Faire du sexe propre : pression extérieure ou préférences personnelles ?
Entre « ne pas être sale » et « être propre comme un sous neuf », il y a un fossé que deux de nos lectrices qui ont accepté de témoigner n’ont pas franchi :
« Alors pour ce qui est de l’hygiène, en sachant qu’on se lave tous les deux une fois par jour (au moins) y a pas besoin de plus, tout du moins y a pas besoin de s’arrêter pendant les préliminaires juste pour aller se laver. À partir du moment où il y a un minimum de propreté c’est ok ! »
« Et de mon côté, je me sens rarement sale je dois dire. Je suis loin d’être une Mimi Cracra (l’eau elle aime ça…), mais disons que lorsqu’il s’agit d’hygiène, j’exige juste un minimum syndical : ne pas être sale. Mais je n’ai pas besoin que l’on soit absolument propres de la tête au pied. »
Quand j’en discute autour de moi ou quand je lis des témoignages, je remarque que pour beaucoup, tout va bien tant que l’odeur n’est pas désagréable. Les préférences olfactives étant extrêmement subjectives, le curseur se place donc à un endroit différent selon les personnes
, comme nous le prouve cette réponse d’une autre lectrice qui nous avoue que les sécrétions et les odeurs inhérentes aux parties génitales font partie du jeu – ce qui me fait penser à une scène du film Boomerang où Helen Strangé, sous les traits de Grace Jones, veut créer un parfum qui aurait l’odeur du sexe :
« Non, je trouve que cela fait partie du sexe, les odeurs, les secrétions et le reste – ça ne m’exciterait pas, que tout soit aseptisé/parfumé/propre. Après y’a quand même le minimum syndical : se laver les mains avant, héhé, et douche après ou toilette rapide avec une lingette. Ceci dit, pour éviter les éventuelles mycoses, quand il s’agit de passer d’une pénétration anale à une pénétration vaginale, on se lave vite fait. »
Il y a donc une nuance entre, par exemple, faire une fellation à un pénis qui sent le pénis et stimuler oralement quelque chose dont l’odeur nous rappelle celle, au hasard, d’un rat mort depuis deux heures. Ceci dit, tout cela est complètement aléatoire : il y a des gens que les odeurs ne dérangent pas, voire excitent, et il y en a d’autres qui préfèrent que leur partenaire emmène leurs parties faire trempette dans de l’eau savonnée pour apprécier pleinement l’acte. Comme pour tout ce qui concerne le sexe, les conditions idéales dépendent de chacun.
La chasse aux poils : indispensable ?
Rappelons une chose : un poil, ce n’est pas sale. (Un poil sur une surface qui n’a pas été lavé depuis trois semaines l’est, en revanche, mais là n’est pas la question). De ce fait, il serait tout à fait légitime que vous vous demandiez pourquoi je mets les deux sujets en parallèle, mais le fait est que les habitudes pileuses ont énormément changé en quelques générations et qu’il n’est pas rare que certaines femmes avec qui je discute épilation me racontent qu’elles subissent à ce niveau une certaine pression de leurs partenaires. Quelques-une des lectrices qui m’ont répondu ont en revanche beaucoup de chances puisque leur petit(e)-ami(e) semble partager les mêmes préférences pileuses qu’elles :
« Je fais jambe/aisselle/maillot simple (le petit jardinage du maillot/pubis pour que ça ait une jolie forme et qu’il y’ait pas trop de longs poils partout) et si jamais j’ai oublié trois poils sur le gros orteil c’est pas un drame. Ça m’est déjà arrivé de m’épiler intégralement pour faire plaisir à quelqu’un mais je sais que c’est plutôt mauvais (pas hygiénique, ça peut irriter, etc) donc j’évite et maintenant je suis avec quelqu’un qui aime les pubis poilus donc la question ne se pose pas et j’en suis très heureuse. »
Ou ne se formalise pas quand elles ont envie de ne pas être épilées au poil près :
« Niveau jambes et aisselles je trouve ça plus doux, plus joli sans poils. Surtout en été, en hiver je fais moins attention. Niveau pubis je rase juste sur les côtés et je coupe un peu si ça devient trop épais. J’ai eu un ticket de métro une époque mais j’en ai eu marre de l’entretien et chéri s’en fout. »
En revanche, une madmoiZelle a précisé qu’elle avait l’impression de ressentir une forme de contraintes, comme si on voulait l’amener à se ratiboiser un peu plus le maillot :
« Je me trouve plus jolie sans poils sous les bras et avec un maillot aux contours bien précis, mais je garde un bon triangle et puis, je ne m’épile pas les jambes en hiver. Par contre, là, je sens une légère pression : j’ai l’impression qu’on attend de moi que je m’épile plus le maillot. Ça ne vient pas de mes partenaires (je n’ai jamais eu de remarque négative), mais j’ai peur qu’on ne soit plus habitués à voir des poils et que ça ne plaise pas. »
La notion d’habitude est intéressante dans le sens où le corps de la femme est effectivement présenté dans les médias comme doux, recouvert d’une peau de nectarine (la peau de pêche, c’est surfait : y a un duvet dessus). On peut donc se demander à quel point ces images magnifiées jouent sur les préférences de nos partenaires. À ce sujet, les instituts de beauté pratiquant l’épilation reçoivent de plus en plus de demandes d’épilation intégrale du maillot et il est vrai que certain(e)s préfèrent que le pubis de leur partenaire soit tout à fait dépourvu de poil. En me souvenant des discussions que j’ai eu avec des amies et en lisant les commentaires de nos lectrices, j’ai bien vu qu’il y avait une différence entre l’épilation pour soi et l’épilation pour l’autre (ou les autres). Le tout, c’est de savoir si on a soi-même envie de suivre les conseils de notre partenaire, car si la relation sexuelle se fait à deux (ou plus), il faut, comme dans le couple, savoir jusqu’où on a envie d’aller pour plaire à l’autre et être capable de se poser deux secondes pour faire la différence entre la concession et la contrainte.
En préparant cet article, en me renseignant autour de moi et en lisant les témoignages des lectrices qui ont accepté de répondre à mes questions, j’ai donc compris une chose : la société ne peut réellement exercer de pressions sur nous que jusqu’à ce que nous ayons suffisamment confiance en nous pour assumer nos propres goûts et nos propres envies.
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Les Commentaires
https://www.youtube.com/watch?v=2RSktZtr4QI
comme quoi les poils, si on veut pas les épiler, faut surtout pas se laisser contraindre par notre partenaire