Je suis partie en Australie en décembre 2015, pour dix mois d’aventures. Fraîchement diplômée de mes études artistiques et suite à une rupture dramatique, j’avais besoin de me prouver que je n’étais pas une chiffe molle.
En effet, je suis restée assise dans une salle de cours de mes trois à mes vingt-et-un ans, abandonnant — au nom de la réussite de mes études — toutes sortes de rêves/passions que j’avais. Je ne m’en rendais pas compte alors que, justement, ces petites choses définissaient ma personnalité et me nourrissaient.
J’étais donc asséchée, assoiffée de vie et déprimée quand j’ai décidé de dire « Fuck » au chemin qui était tout tracé pour moi et de prendre la tangente.
Pourquoi l’Australie ? Parce que j’ai un petit guide personnel des décisions qui se définit par cette règle simple : moins tu es intéressée par la chose en question, plus il y aura de surprises et de bonnes expériences. Donc, en gros, l’Australie parce que ce pays ne m’intéressait pas du tout et que je ne connaissais rien à son sujet (l’anglais a quand même fait pencher la balance de son côté, c’est pratique l’anglais).
De backpacker à employée dans une ferme
J’ai rapidement eu l’impression de ne faire partie que d’une masse.
Après mon arrivée sur cet immense île-continent, j’ai rapidement eu l’impression de ne faire partie que d’une masse composée de backpackers, une goutte d’eau dans l’océan de jeunes Européen•nes en quête de sens. Ce n’était pas vraiment ce que j’étais venue chercher.
Dans les auberges de jeunesse, j’avais juste la sensation d’être dans un club de vacances à côté de mes jeunes pairs, scotchés à leurs écrans en quête d’un job. Les conversations tournaient autour des mêmes choses : les endroits à voir, le saut en parachute à faire, le tour en bus dans le désert et autres activités touristiques.
Au bout d’un mois, après de multiples rencontres, aventures et galères linguistiques, j’ai eu envie de trouver un boulot. J’étais prête à (presque) tout, j’avais envie d’expériences nouvelles. Après une semaine de harcèlement et une motivation indémontable, j’ai décroché mon premier job. Et c’est là que mon voyage a vraiment commencé.
Eli, mon premier boss, est entraîneur de chevaux et éleveur de vaches. J’ai donc sauté dans le premier avion, direction l’Outback (équivalent du Far West américain). Mon entretien d’embauche a tenu en une phrase :
« Est-ce que tu sais monter à cheval ? »
Et voilà, j’étais prise.
Le véritable dépaysement a commencé dans l’avion, où j’étais la seule fille.
Je crois que le véritable dépaysement a commencé dans l’avion, où je me suis assise au milieu d’une assemblée de mineurs et de cowboys. J’étais la seule fille. Après deux heures de vol, mon avion a atterri dans une plaine aride à côté d’un hangar, qui était en fait l’aéroport.
Ça fait maintenant quatre mois que je travaille au beau milieu des chevaux et des vaches — moi, la petite étudiante en art !
La découverte d’une passion et d’une culture particulière
J’ai appris mille choses, je conduis des engins, je suis entourée d’animaux toute la journée. J’ai fait des choses dont je ne me croyais pas capable, j’ai repoussé mes limites. Mon corps est plus fort, et mon esprit aussi. Plongée au plus profond de l’Australie, sans aucun•e autre étranger•e autour de moi, j’ai pris conscience de ce que c’était que d’être loin de ses repères, de sa culture.
Je me suis découvert une passion pour le travail avec les vaches, le mode de vie du/de la fermier•e. J’ai aussi appris qu’il était possible de travailler tous les jours avec le sourire, et que j’étais capable de me lever à 4h30 du matin pour commencer ma journée.
L’Australie m’a également fait prendre du recul par rapport à la France.
L’Australie m’a également fait prendre du recul par rapport à la France. Bien que tout ne soit pas rose, je me suis rendu compte que j’aimais ma culture, la finesse dans laquelle j’ai été élevée, la gastronomie, notre vieille histoire ainsi que la musique, la littérature, l’art, la conscience écologique…
…tout ce qui est absolument inexistant là où je me trouve actuellement, en somme. Cela sonne peut-être comme un cliché grossier, mais c’est ce que j’ai ressenti !
L’Australien est plus « brut », un peu américain
, intéressé par le sport, la bière, les chevaux et les vaches. C’est simple, ce qui est très chouette en un sens, mais le reste manque parfois.
Dans l’Outback, peu de gens voyagent, ce qui fait qu’ils n’ont absolument pas conscience des différences culturelles de l’Australie par rapport aux autres pays. J’ai arrêté d’exister en tant que Française.
La place de chacun•e est bien définie, personne n’échange les rôles.
C’est un peu plus conservateur ici, on a peur des « On dit ». J’ai rencontré quelques problèmes du fait que j’étais apparemment un peu trop jolie pour travailler dans une ferme, entourée essentiellement d’hommes.
D’ailleurs, la place de chacun•e est bien définie, personne n’échange les rôles. Même si les femmes sont « fortes » (j’ai vu une femme enceinte réparer une barrière au beau milieu de la pampa et faire du quad, personne n’était choqué), il y a quand même une sorte de code établi.
Une façon de penser légèrement moyenâgeuse
Je ne me sens pas aussi libre d’aborder tout les sujets dont je parlerais normalement en France. J’ai souvent entendu dire que les femmes étaient quand même plus fortes en cuisine ou pour faire le ménage, et que les hommes étaient meilleurs pour les travaux en extérieur — le genre de chose qui me rend dingue.
C’est étrange parce que, quand j’ai travaillé, ça ne choquait personne que je doive porter des troncs d’arbres, creuser des trous ou construire des barrières.
En Australie, j’ai eu l’impression de faire un bond en arrière. Un voyage dans le temps.
Venant d’un milieu artistique ouvert, j’ai été confrontée à la dure réalité australienne. De ce que j’ai vu (et je tiens à préciser que je n’ai pu voir qu’un petit échantillon social, principalement des fermier•es, cowboys et mineur•es), j’ai eu l’impression de faire un bond en arrière. Un voyage dans le temps.
L’homosexualité est taboue. Les places de l’homme et de la femme dans la société sont bien définies. Le racisme contre le peuple aborigène est scandaleux… le racisme face à l’étranger•e aussi. Finalement, j’ai eu de la chance d’être une fille avec une tête de poupée, je pense que ça m’a sauvée de bien des ennuis.
La bière coule à flots, et on parle souvent de la pluie qui ne vient pas.
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Alors avis aux féministes, défenseur•euses de l’égalité, aux personnes LGBT et militant•tes pour le droit à l’immigration : l’Outback est un terrain de guerre vierge. Il cache sous un visage de modernité une façon de penser légèrement moyenâgeuse.
– Les photos sont de Judith.
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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