L’autre jour, à l’heure où blanchit la campagne, je suis partie faire un truc affreux : passer un entretien d’embauche. Tout au long de la semaine précédente, comme si j’étais sous l’influence d’un truc de développement personnel positif à la noix, je me suis imaginée en haut de l’affiche, le Graal du C.D.I. intéressant en poche, prenant des cafés en rigolant avec Myrtille de la compta, participant à des réunions où l’on s’émule à gogo… J’ai poussé le vice jusqu’à envisager de la jouer François Hollande en enchaînant les anaphores : « Moi, chargée d’études pour la société Bidule… ».
Je n’aurais jamais dû m’adonner à ce délire-là, figurez-vous. Et si vous êtes aussi du genre à rêvasser à votre cuisse qui sera carrément fuselée après la zumba, ou à votre futur titre olympique de danseur contemporain (ben quoi ?), ou au succès prochain de votre exposé : laissez-moi vous dire que vous vous mettez le doigt dans l’œil.
Selon H. Kappes et G. Oettingen, lorsque l’on rêve à nos futures réussites écrasantes, nous diminuons en même temps nos chances de succès. Pour ces psychologues, l’imagination positive serait contre-productive : en fantasmant, nous risquerions de nous détendre et de diminuer l’énergie et l’investissement que nous aurions pu mettre dans nos projets… Badaboum, donc : passer un peu trop de temps à imaginer sa réussite, c’est un peu comme enclencher un truc à la Destination Finale.
Dans un papier publié dans le Journal of Experimental Social Psychology, Kappes et Oettingen présentent les quatre expériences qui les ont menées à ce constat.
Étude 1 : étudiantes, talons hauts et pression artérielle
Pour commencer, les chercheuses souhaitent étudier les effets de « fantasmes positifs » sur l’énergie, mesurée par la pression artérielle. 164 étudiantes participent à l’expérience : à certaines, on demande d’imaginer de façon positive l’idée de porter des chaussures à talons hauts et d’avoir une apparence attractive (oui, bon, on aurait pu éviter le cliché mais voyez-vous, selon des études antérieures, les talons hauts seraient généralement associés à l’idée d’être à la mode, d’être attractive) ; à d’autres, on demande simplement d’évaluer les « pour » et les « contre » du port de chaussures à talons hauts. Résultat : la pression artérielle des étudiantes ayant dû s’extasier sur des paires de pompes aurait diminué – ce que les auteurs perçoivent comme une baisse d’énergie. Le premier constat va donc en faveur de leur hypothèse, mais est-ce que l’effet fonctionnerait si le fantasme positif ne devrait plus seulement porter sur « l’apparence », mais sur une tâche nécessitant un effort ?
Étude 2 : concours littéraires et auto-évaluation
Pour leur seconde étude, les expérimentatrices mènent les participants à un exercice d’imagination soit positive, soit négative : les uns doivent imaginer qu’ils gagnent un concours littéraire, les autres doivent penser à leur échec potentiel. Cette fois, l’énergie n’est pas mesurée par la pression artérielle, les sujets doivent évaluer eux-mêmes leur niveau d’énergie. Bingo again : les individus ayant imaginé leur victoire déclarent un niveau d’énergie moins élevé que les autres
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Étude 3 : rêvasser plus pour faire moins ?
Or donc, les rêvasseries positives diminueraient notre besoin de faire des efforts, de nous investir pour accomplir quelque chose ; mais est-ce qu’elles pourraient empêcher effectivement des accomplissements ? Pour répondre à cette question, Kappes et Oettingen demandent aux participants d’imaginer leur semaine à venir de façon positive, de penser au déroulement d’une « semaine idéale » ; tandis que les membres d’un groupe « contrôle » doivent simplement imaginer leur semaine (sans indication positive ou négative de la part des chercheuses). À la suite de l’exercice de rêverie, l’énergie de tous les participants est mesurée.
La semaine suivante, les participants évaluent alors les choses qu’ils sont parvenus à accomplir dans leur vie quotidienne (on est bien d’accord : il ne s’agit pas là d’accomplissements de type « Cette semaine, je saute depuis la stratosphère », mais plutôt de petits buts et évènements du quotidien). Verdict : comme prévu, l’imagination positive concernant la semaine à venir a réduit l’énergie des participants, ce qui les a amenés à faire moins d’efforts… et à déclarer moins d’accomplissements. Bazinga.
Étude 4 : la soif et les exams
Pour cette quatrième étape, Kappes et Oettingen soulignent que la « baisse d’énergie » dépend pour beaucoup du contexte et de l’importance que l’on accorde au besoin à satisfaire. Ainsi, selon leurs expérimentations, des étudiants n’ayant pas mangé ou bu depuis plusieurs heures sont plus « désénergisés » lorsqu’ils visualisent un grand verre d’eau que lorsqu’ils imaginent leur réussite à un examen. À l’inverse, des étudiants parfaitement hydratés sont plus « désénergisés » en rêvassant au sujet de leur réussite académique…
Alors quoi, doit-on enterrer tous nos rêves pour parvenir à les réaliser et ne pas saper notre énergie ? Pour Kappes et Oettingen, l’une des solutions pourrait être de recourir à une imagination moins positive et à la porter plutôt sur les obstacles éventuels, sur les problèmes potentiels, sur l’acceptation d’un possible échec… De ce fait, notre énergie pourrait être conservée et mobilisée effectivement pour atteindre le succès ! Comme disait les philosophes de chez Coldplay : « Nobody said it was easy ».
Pour aller plus loin :
- L’étude de Kappes et Oettingen
- Un petit récap en VF
- Une autre étude d’Oettingen à propos de la motivation
Les Commentaires
Je suis commercial et pour atteindre mes chiffres je me dois d'être positive sinon c'est foutu, je ne sais pas une positive attitude et de l'optimisme c'est mieux, après ça n'empêche pas d'être pragmatique.
Puis ça dépend des personnes, y en a voient les choses de façon pessimiste et donc se donnent les moyens pour qu'elles deviennent positives. D'autres se motivent à positiver pour réussir.
BRef ouais ça a l'air d'une expérience qui veut juste démonter la théorie de la théorie positive comme dit plus haut.