Précédemment dans #62jours : C’est quoi la différence entre une décision et un choix ?
1…2…3… Soleil ! J’adorais ce jeu. J’adorais être attentive aux intonations de la voix du maître du jeu. Il fallait bouger vite dans son dos et se figer à « soleil ! », aussi longtemps qu’il resterait retourné face aux joueurs statufiés, traquant le moindre battement de cil.
J’adorais devoir garder l’équilibre de toutes mes forces, et l’instant d’après, lâcher tous les chevaux pour avancer le plus possible vers l’arrivée.
C’était un jeu. Et je crois que j’ai pris beaucoup trop au sérieux l’idée qu’il fallait se dépêcher d’avancer, dans la vie.
« Si je m’arrête je tombe », le mensonge qui m’a épuisée
J’ai gardé ce rythme dans la vie. De l’école au travail, j’ai toujours surchargé mes emplois du temps. Une option, deux options, un sport, un instrument de musique, une asso, un projet, je signe.
Plus je suis occupée, plus le temps passe vite, et plus c’est facile de vivre, je trouve. S’il y a toujours des trucs à faire, c’est donc que je n’ai pas le temps de m’ennuyer. Et l’ennui me tue.
Et surtout, si je suis occupée toute la journée, je n’ai pas le temps de penser, de réfléchir à moi, mes envies, mes choix, ma vie. Des trucs qui vont me faire stresser, angoisser, bader.
« Si je m’arrête, je tombe », c’est quelque chose que j’ai eu tendance à me répéter trop souvent, pour me convaincre que cette hyper activité était la solution. L’idée, c’est de rester active pour trouver l’équilibre.
À la recherche de l’équilibre
C’est difficile de rester en équilibre à l’immobile. Pas les deux pieds sur terre j’entends, mais dès qu’on lève un pied, un bras, que le sol bouge un peu… C’est très vite un challenge.
Alors que lorsqu’on est en mouvement, la question ne se pose même pas. On est en équilibre lorsqu’on bouge.
Prends un vélo, par exemple. Ça ne tient pas debout à l’arrêt, mais depuis qu’on m’a enlevé les petites roues, j’ai jamais perdu l’équilibre en roulant.
Je faisais pareil dans la vie : faire toujours plus de trucs, dans tous les sens, pour rester en mouvement coûte que coûte. Comme un vélo : « si je m’arrête, je tombe
».
Sauf que je ne suis pas un deux-roues, je suis un être humain. Donc forcément, au bout d’un moment, j’ai besoin de m’arrêter. Effectivement, après m’être poussée à bout toute seule, oui, je tombe. Dans mon esprit borné, ça prouvait ma théorie.
Sauf que j’avais tort, bien sûr.
Et si je ralentissais ?
J’ai compris, en écrivant une lettre de rupture à ma dépression, que c’était à cause d’elle, de notre relation, que je me surmenais comme ça. C’était la peur de tomber dans le gouffre qu’elle déploie devant mes pieds qui me pousse sans arrêt.
Parce qu’avec elle, quand je tombe, je tombe de haut.
C’était ça, le piège : croire qu’avancer toujours plus, toujours plus vite, allait me protéger du risque de chute. Que j’avais trouvé mon équilibre, tant que j’étais dans ce mouvement effréné.
Mais j’avais tort. Aujourd’hui, j’essaie une autre méthode, exactement le contraire de ce que j’ai toujours fait : j’apprends à ralentir.
J’apprends à observer un instant de pause avant de répondre à une question. J’apprends à écouter ma pensée jusqu’au bout, au lieu de commencer à parler sans savoir où ma phrase veut m’emmener (ça fait des merveilles contre les tics de langage, étonnant…)
J’apprends à prendre le temps, au lieu de lui courir après. Et c’est fou, la différence que tout ça produit dans ma vie.
Quand je m’arrête, je respire
Déjà, incroyable : quand je ralentis, je ne tombe pas. J’ai même tout de suite beaucoup plus de stabilité, d’équilibre. Je prends le temps de voir, d’apprécier tout le travail que je réalise, dans tous les domaines auxquels je touche.
Je prends le temps d’analyser mes problèmes, et de trouver plus efficacement les solutions. J’apprécie davantage mes réussites.
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Je gagne en sérénité, parce que je ne suis plus dans le stress d’avancer toujours plus vite. Je gagne en efficacité aussi, alors que je vais moins vite : c’est normal, j’arrête de me faire violence… J’accomplis tout en investissant moins d’efforts, en gaspillant moins d’énergie.
Pour prendre une image, c’est comme si j’étais sur un tapis de course, et que je courrais au bon rythme.
Quand je regarde en arrière, celle que j’étais il y a encore quelques semaines, c’est comme si j’essayais de courir plus vite que le tapis, en appuyant mes pas pour le faire tourner plus vite aussi.
Sauf que je ne peux pas mettre le monde à mon rythme — surtout que ce rythme m’épuise…
C’est pas si facile de ralentir, quand on a passé autant de temps à courir. Mais ça fait un bien fou.
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