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Justice

« Il installait la peur » : après Judith Chemla, d’autres femmes accusent le réalisateur Yohan Manca

ENQUÊTE. Début juillet, l’actrice Judith Chemla accusait son ex-compagnon, le réalisateur Yohan Manca de violences et de harcèlement. Madmoizelle a enquêté pendant plusieurs mois et recueilli la parole de cinq femmes ayant été en relation avec lui. Une affaire révélatrice du traitement médiatique et judiciaire défaillant des violences faites aux femmes.

« Je constate qu’il faut aujourd’hui en arriver à montrer publiquement ses blessures pour que la société réussisse à prendre position clairement », nous explique Judith Chemla, encore très secouée émotionnellement après sa prise de parole publique.

Elle fait référence à des images terribles : celles de son visage tuméfié après une agression de son ex-compagnon, le réalisateur Yohan Manca, en juillet 2021. Le 4 juillet 2022, Judith Chemla les a publiées sur Instagram pour témoigner de la violence physique qu’il lui a fait subir, mais aussi de pressions psychologiques et de harcèlement de sa part.

instagram judith chemla
Judith Chemla et son témoignage sur son compte Instagram

Reçue deux jours plus tard sur France Inter, elle assène auprès de Léa Salamé : « Je voulais lui laisser une chance en tant que père, en tant qu’homme, en tant qu’artiste. Il a bousillé toutes ses chances les unes après les autres, il se sent au-dessus des lois »

Au micro, elle évoque des violences conjugales physiques et psychologiques, du harcèlement, des pressions constantes, mais aussi son désespoir.

En réaction, Yohan Manca publie un communiqué dans lequel il se défend, justifie son geste par un soupçon d’infidélité, et affirme n’avoir « jamais exercé de violences physiques sur Judith ni sur d’autres femmes ». 

« J’ai longtemps refusé de parler à la presse, parce que je faisais confiance à la justice pour me protéger », confie la comédienne, qui avait jusqu’ici refusé de répondre à nos questions. « C’est en voyant le déni dans lequel il est encore aujourd’hui, dans son communiqué que j’accepte de vous parler ».

Depuis plusieurs mois, Madmoizelle enquête sur ce réalisateur salué à Cannes et au début de carrière prometteur. Nous avons recueilli le témoignage de Judith Chemla, mais aussi celui de quatre autres femmes, dont deux ont souhaité rester anonymes, qui témoignent de violences physiques ou psychologiques, et de harcèlement lors de leurs relations avec Yohan Manca.

L’agression de Judith Chemla

C’est une consécration pour tout jeune réalisateur. Pourtant lors de la première de son film Mes frères et moi, projeté au festival de Cannes dans la sélection Un Certain Regard, Yohan Manca est absent.

Quelques jours plus tôt, il a agressé Judith Chemla, sa compagne depuis cinq ans, elle-même actrice dans le film.

Lui est un metteur en scène et réalisateur prometteur, aussi passé devant la caméra en tant qu’acteur dans La Vérité Si Je Mens ! Les Débuts. Elle est une actrice reconnue, ancienne pensionnaire de la Comédie-Française et chanteuse lyrique, a tourné avec de nombreux cinéastes, de Noémie Lvovsky à André Téchiné en passant par Éric Toledano et Olivier Nakache.

L’agression est d’abord relayée le 11 juillet par le média américain Variety. Côté français, l’affaire est regardée de très loin, voire avec désinvolture : « Malaise » commente Libération, tentant même un jeu de mots sur le « forfait » de Judith Chemla, « pour cause de téléphone lancé à la figure par son réalisateur de mari ». Il est néanmoins précisé que l’actrice a porté plainte. 

Une affaire caractérisée dans la presse française « comme une dispute de couple plus que comme une agression physique », commente auprès de Madmoizelle une journaliste spécialiste du festival, peu surprise par le traitement médiatique de l’événement. Pour elle, il n’y a rien d’étonnant à ce que cette histoire « n’ait pas été ébruitée plus que ça ». « C’est comme ça en France ».

Au procès, 3 accusations contre Yohan Manca

7 avril 2022. Neuf mois après l’agression, Madmoizelle est présent au tribunal correctionnel de Paris, où Yohan Manca comparaît pour faire face à trois accusations. La première, pour violences conjugales après la plainte de Judith Chemla pour le jet de téléphone, ayant entraîné trois jours d’ITT. La seconde pour des faits de harcèlement, et la troisième pour s’être introduit par effraction dans le domicile de sa désormais ex-compagne. Ces deux derniers faits ont entraîné douze jours d’ITT pour la victime.

Le procès s’ouvre sur un rappel des faits. Le 3 juillet 2021 au soir, Yohan Manca et Judith Chemla sont au théâtre du Rond-Point, à Paris. Après la représentation, Yohan Manca fouille dans le portable de sa compagne et trouve des sms qu’elle échange avec un autre homme. L’idée qu’elle puisse avoir une relation extraconjugale déclenche sa fureur. Il lui envoie un crachat (lui déclare à la barre l’avoir simulé), la traite de « pute », lui dit d’aller « se faire enculer », lui lance son portable, auquel est accrochée une batterie portative, au visage. Judith Chemla est atteinte à l’œil. Il quitte les lieux avant que la police n’intervienne, laissant Judith Chemla « sidérée ». Alors qu’elle le pensait chez sa mère, elle comprend qu’il l’attend en réalité chez elle, et décide d’aller dormir chez une amie.

Durant la nuit qui va suivre, les appels de Yohan Manca se suivent et sont ponctués de messages culpabilisants et accusateurs, que nous avons pu consulter : « Avec ce geste impardonnable que j’ai commis, tu retournes la situation alors que c’est toi qui détruis notre famille », « Ne porte pas plainte, tu vas détruire ma vie alors que c’est toi qui détruis notre couple », « Tu es coupable ».

Les messages se suivent, et mélangent vie privée et vie professionnelle : « Il y a le moment le plus important de ma vie qui arrive », « Ne me supprime pas de ta vie maintenant », « Il faut que tu fasses la promo de ce film ».

Devant la juge, Yohan Manca reconnaît « l’avoir incendié toute la nuit » qui a suivi l’incident.

Le lendemain matin, l’actrice est mise en contact avec une personne qui aura son importance dans l’affaire : Marie*, qui a entretenu une liaison de plusieurs mois avec Yohan Manca durant sa relation avec Judith Chemla.

En apprenant l’agression au théâtre du Rond-Point, une amie commune encourage Marie à échanger avec Judith Chemla. Malgré la peur, celle-ci accepte. Au cours de leur conversation, Judith Chemla comprend que le réalisateur aurait menacé cette femme de détruire sa vie si elle venait à divulguer leur relation.

« Je ne voulais pas que Judith se sente coupable d’avoir subi cette agression », insiste Marie auprès de Madmoizelle.

« Quand j’ai vu qu’il avait menacé une autre femme, j’ai compris qu’il fallait porter plainte, qu’il fallait le mettre hors d’état de nuire », affirme aujourd’hui Judith Chemla.

Loin de la rivalité que leur relation pourrait laisser supposer, les deux femmes se soutiennent aujourd’hui sans compromis. Au procès, Marie apporte son témoignage en écho à celui de Judith Chemla.

« Vas-y, mets le père de ta fille en prison »

Après la plainte de Judith Chemla, Yohan Manca est placé en garde à vue puis sous contrôle judiciaire. Il a notamment l’interdiction d’approcher le domicile de son ex-compagne.

Dans les mois qui suivent l’agression, l’actrice « subit les assauts amoureux » de Yohan Manca, selon les termes de la juge. Elle décrit par ces mots des faits constitutifs de harcèlement : à partir du 16 juillet 2021, il ne cesse de la contacter par messages, parfois violents et agressifs. Le 5 août 2021, il s’introduit dans son domicile en forçant la porte et refuse de quitter les lieux plusieurs heures, pour faire pression au sujet de la garde de leur enfant. Il va jusqu’à la suivre sur son lieu de vacances dans le sud de la France pour lui imposer sa présence, toujours devant les enfants.

Interrogé par Madmoizelle sur ce point, Yohan Manca affirme avoir « tenté des choses romantiques » vis-à-vis de Judith Chemla : « Pour moi je n’étais pas dans une attitude harcelante, j’essayais de la reconquérir ». Il explique aussi avoir voulu « sauver sa famille ».

À l’automne 2021, les faits semblent se poursuivre. La juge, citant l’enquête de la police, mentionne le témoignage d’une voisine excédée de voir Yohan Manca rôder fréquemment dans l’immeuble. Son téléphone borne à de nombreuses reprises autour du domicile de Judith Chemla alors qu’il ne doit pas s’en approcher. L’actrice l’aurait découvert dans l’escalier de son immeuble, et il aurait forcé la porte de son domicile une deuxième fois, à 1h40 du matin.

En novembre, après cette violation supplémentaire de son contrôle judiciaire, il passe quinze jours en détention provisoire. Une situation extrême et bouleversante pour Judith Chemla :

« C’est extrêmement traumatisant que le père de son enfant, alors prévenu d’innombrables fois des conséquences possibles de ses actes, ait préféré en arriver à être incarcéré plutôt que de se raisonner. Il me narguait quand je lui demandais de cesser son harcèlement, avec des phrases comme “Vas y, mets le père de ta fille en prison”. J’ai eu l’impression d’une grande violence qu’il me faisait encore, en en arrivant là. »

Lucile, 9 mains courantes et 5 plaintes

Devant la juge, Yohan Manca reconnaît avoir « des choses à régler avec les ruptures ». Ce n’est pas peu de le dire.

Ce n’est pas la première fois qu’il est convoqué devant la justice pour des faits qui peuvent s’apparenter à du harcèlement. Lors de l’audience, des condamnations plus anciennes sont mentionnées, notamment pour des faits d’appels téléphoniques malveillants datant de 2008.

Nous avons pu nous entretenir avec Lucile, ex-compagne de Yohan Manca et visée par ces appels.

« Ma relation avec Yohan Manca, qui a duré plus d’un an, a été très conflictuelle. Ses crises de jalousie et nos disputes devenaient de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. Fin 2008, c’était devenu invivable. J’ai réussi à le quitter, et c’est là que le harcèlement a commencé », retrace-t-elle.

Entre 2008 et 2012, Lucile, qui ne souhaite pas préciser son nom de famille, a déposé neuf mains courantes et cinq plaintes contre Yohan Manca. Toute tentative de séparation se solde par des sms, des appels incessants en inconnu ou passés depuis des cabines téléphoniques. À de nombreuses reprises, il sonne de jour comme de nuit de manière insistante à l’interphone, il l’attend devant chez elle ou devant l’école où elle étudie, il s’installe devant la porte de son appartement ou la suit dans la rue.

Interrogé sur ses comportements, Yohan Manca nous explique qu’il confondait « l’amour et la passion » : « Quand les relations sont passionnelles, elles me rendent jaloux, elles me rendent colérique. J’ai l’impression que dormir sur un paillasson, c’est une marque de romantisme absolu, alors qu’en fait, je ne me rends pas compte que ça peut être considéré comme une agression. À l’âge de 19 ans, je pensais que l’amour c’était ça, je confondais la fiction et la réalité ».

Dans une main courante datée de 2008, Lucile explique qu’il lui a craché dessus devant son école avant de l’insulter. Quelques mois plus tard, en 2009, dans le même commissariat, elle explique lors d’une autre déclaration que nous avons consulté :

« Aujourd’hui, […] je l’ai croisé et il m’a suivi. Il m’a dit qu’il fallait que l’on parle, et qu’il ne me lâcherait pas. Quand j’ai dit que j’allais appeler la police, il a failli devenir violent avec moi, et quelqu’un s’est interposé. […] Mon voisin me dit qu’il croise souvent Yohan dans les espaces communs de l’immeuble où j’habite et dans la rue, au bas de l’immeuble. Il continue de m’envoyer des textos et de m’appeler tous les jours. J’établis cette main courante afin de vous informer que malgré les plaintes et les procédures en cours, Yohan continue de me harceler ».

À cela s’ajoute du chantage au suicide, et des menaces. Dans une plainte datant de 2009, Lucile déclare : « Avant il disait qu’il faisait ça parce qu’il m’aimait mais maintenant il commence à devenir agressif il m’a dit “Je vais me suicider mais avant je vais te pourrir la vie, tu veux la guerre, tu vas l’avoir, tu ne sais pas de quoi je suis capable” et il m’a également dit que si je me présentais au commissariat pour porter plainte, il me frapperait. Je crains pour ma sécurité ».

Malgré les plaintes et les mains courantes, le harcèlement continue. Interrogée par Madmoizelle, Lucile décrit aujourd’hui ces actes comme des faits de violence psychologique :

« J’ai senti qu’il y avait un vrai rapport de force. Il n’acceptait pas que je puisse avoir besoin de me séparer de lui, et je sentais qu’il voulait me faire craquer psychologiquement. Le harcèlement, c’était un moyen de me coincer : où que j’aille, quoi que je fasse, il installait la peur de pouvoir le croiser. Et au bout d’un moment, ça a marché : j’ai cédé, j’ai accepté de discuter avec lui… Je n’en pouvais tellement plus ».

Deux condamnations pour appels téléphoniques malveillants réitérés

Après un an de calvaire, épuisée et très fragilisée psychologiquement, elle explique être « retombée sous son emprise ». En septembre 2010, ils sont à nouveau ensemble quand il est condamné à 500 euros d’amende avec sursis pour appels téléphoniques malveillants réitérés : « Lorsque nous étions devant le juge, j’ai minimisé les faits, pour lui éviter une peine trop lourde » reconnaît Lucile aujourd’hui.

Quand après quelques mois, qu’elle décrit comme chaotiques, elle met à nouveau fin à leur relation, le harcèlement reprend de plus belle. En 2011, on peut lire dans une plainte déposée par Lucile : 

« Il me suit partout, jusque devant mon école ce matin, par exemple. Hier, il m’a suivi jusque devant mon auto-école et m’a suivi durant une partie du trajet de mon cours. La femme de l’auto-école m’a également dit qu’il s’était fait passer pour mon frère et s’était fait communiquer mes heures de conduite ».

Lucile témoigne par ailleurs d’un fait de violence physique. En 2011, elle dépose une main courante, que nous avons consultée, pour « coups et blessures », car il lui aurait asséné un coup de casque de scooter sur la tempe :

« En sortant du commissariat alors que je venais de déposer plainte contre Yohan pour harcèlement, il m’a à nouveau suivi jusque devant chez moi. Excédée, je lui ai ordonné d’arrêter, il m’a demandé si j’avais déposé plainte, je lui ai répondu oui. C’est alors qu’il s’est énervé et m’a donné un coup avec son casque de scooter sur la tempe avant de prendre la fuite. J’ai appelé la police. Deux agents sont arrivés, ils ont rédigé un rapport ».

Auprès de Madmoizelle, Yohan Manca dément formellement : « Je n’ai jamais blessé, j’ai peut-être eu des gestes violents, des gestes dans mes excès de colère qui sont honteux, je l’accorde, mais je n’ai jamais asséné de coup de casque à Lucile ».

En 2013, il est à nouveau condamné, cette fois-ci à deux mois d’emprisonnement avec sursis, 800 euros en réparation du préjudice moral pour appels téléphoniques malveillants réitérés en récidive, à l’obligation de se soumettre à un suivi psychologique et à l’interdiction de se présenter au domicile de Lucile.

Yohan Manca nous a confirmé avoir fait ce suivi psychologique et s’être acquitté des 800 euros de réparation.

Hédi et Sarah, un court métrage qui romantise le harcèlement

Ce harcèlement qui s’étire sur plusieurs années, mais aussi cette possessivité, cette jalousie, Yohan Manca s’en inspire quelques années plus tard pour écrire un court-métrage Hédi et Sarah, sorti en 2017. Le film retrace une histoire en deux points de vue : d’abord celui de Hédi, homme éconduit incapable d’accepter la rupture et persuadé qu’il peut reconquérir celle qu’il aime par tous les moyens ; puis celui de Sarah, qui subit les assauts de cet ex et vit un véritable cauchemar.

C’est Judith Chemla, alors en couple depuis peu avec Yohan Manca, qui incarne le rôle de Sarah. À l’époque, elle sait qu’il a puisé dans sa propre expérience pour écrire ce scénario : « Il fait comme si c’était une histoire de jeunesse, moi je ne me pose pas tant de questions que ça. Je sais que c’est important pour lui, comme une thérapie », confie-t-elle à Madmoizelle.

Hedi et Sarah apres Judith Chemla d autres femmes accusent Yohan Manca
Judith Chemla dans Hédi et Sarah

Salué par la critique pour sa « justesse » (Allociné), le court métrage « apporte un regard sur le harcèlement amoureux », applaudit Konbini.

Madmoizelle avait aussi, à l’époque, encouragé à voir le film.

Des éloges insupportables pour Lucile :

« C’était écœurant de voir Yohan se réapproprier l’enfer qu’il m’a fait subir pendant 4 ans, sans jamais préciser nulle part, qu’il avait lui-même été l’auteur de ces violences ».

Elle estime qu’« il a délibérément transformé la réalité à l’avantage du personnage masculin ; par exemple lorsque le personnage de Sarah dit que les messages qu’elle reçoit ne sont ni violents, ni insultants. Yohan est bien placé pour savoir que les messages qu’il a lui-même envoyés pendant toutes ces années pouvaient être violents, insultants et menaçants ».

Une œuvre que Yohan Manca a envisagé de poursuivre. « J’ai eu des propositions pour faire ce film en long métrage et je me suis dit que je ne peux pas retourner dans cette aventure si elle, elle n’a pas son mot à dire, ce serait outrageant » nous explique-t-il.

En mai 2020, alors que la France s’extirpe de son premier confinement, Lucile reçoit alors une proposition du réalisateur : écrire ensemble, à quatre mains, ce long-métrage tiré d’Hédi et Sarah.

« Je ne suis pas à une folie près te concernant et j’espère que tu ne prendras pas mal cette prise de contact », justifie Yohan Manca dans le mail que nous avons pu consulter, avant d’expliquer avoir déjà imaginé une manière de collaborer à distance avec elle sur ce projet. « Sache, et c’est important que tu le saches avant de me répondre que ce n’est pas un pardon que je te demande, c’est impardonnable je l’ai compris et je vis avec, mais c’est d’en faire quelque chose de cette histoire ».

Une démarche impensable pour Lucile : « […] Je ne pensais pas que tu irais jusqu’à me le proposer sérieusement », a-t-elle répondu, toujours par voie de mail. « Évidemment qu’une collaboration avec toi n’est pas envisageable, aucune envie, pas la moindre. D’ailleurs, que tu puisses imaginer que j’accepte en dit long sur la qualité de la prochaine version […] ».

Yohan Manca nous explique aujourd’hui comprendre pourquoi cette dernière a mal vécu la création de ce film, mais aussi cette sollicitation : « Avec le recul, je crois que je ne me suis pas rendu compte que c’était choquant quand on dit à quelqu’un non et qu’il continue, je ne m’en suis pas rendu compte pendant longtemps ».

Juliet Lemonnier : « En 2013, on parlait peu de ces violences »

Lucile n’est pas la seule à avoir été dérangée par Hédi et Sarah.

Juliet Lemonnier a été en couple avec Yohan Manca entre 2011 et 2013 et est restée en contact avec lui depuis. Lorsqu’il lui envoie le scénario de ce court métrage, la comédienne, vue notamment dans la série Hôtel de la plage, ne cache pas son malaise. Sa lecture fait aussitôt remonter des souvenirs pénibles de leur relation : « Je me reconnais beaucoup et je trouve ça complètement impudique et fou qu’il réussisse à en parler comme ça, qu’il se fasse un peu passer pour le gentil. Et en même temps, je minimise en me disant qu’il a pris du recul sur cette histoire ».

Elle nous affirme aussi avoir subi du harcèlement de la part du réalisateur : « Parfois, il m’attendait en bas de chez moi. Je partais, et il finissait par me courser. On faisait des courses-poursuites dans mon quartier. J’ai eu des textos, des mots, du chantage affectif et des “Je vais me foutre en l’air” ».

Confronté à ces faits par Madmoizelle, Yohan Manca nie tout harcèlement à son égard : « Avec Juliet, on s’est séparé très vite. On met très vite les choses dans le harcèlement et la manipulation, je ne crois pas qu’il y a du harcèlement partout, je ne crois pas qu’il y a de la manipulation partout. Ce n’est pas parce qu’on insiste pour retrouver quelqu’un pendant deux heures que c’est de la manipulation ou du harcèlement. »

Après leur rupture, alors qu’elle avait commencé à fréquenter un autre homme, elle raconte que Yohan Manca se serait introduit dans l’immeuble de ce dernier.

« Je ne sais pas comment il a fait, mais il avait trouvé l’adresse de ce garçon. Un soir, je suis chez lui, et je l’entends derrière sa porte, à balancer des obscénités. “Tu devrais lui faire telle chose, elle adore ça”. J’ai appelé la police ce soir-là, et ce n’était pas la première fois ».

Questionné sur ce point, Yohan Manca n’a pas répondu.

Et même si Yohan Manca lui assure que Hédi et Sarah « ne parle pas d’elle », certaines scènes lui évoquent directement ce qu’elle a vécu : « La scène chez les flics. La scène où elle a peur chez elle quand il sonne à l’interphone, et qu’elle lui dit d’arrêter ». Juliet Lemonnier aurait déposé une main courante, pour tenter de faire cesser ses sollicitations incessantes.

« Une fois que ça s’est arrêté, j’avais ce syndrome de me retourner dans la rue pour être sûre qu’il n’était pas derrière moi. J’ai fait des cauchemars, j’ai ressenti beaucoup d’insécurité dans les six mois qui ont suivi. J’ai été obligée de changer de numéro et j’ai été vraiment soulagée de déménager ».

Au-delà de la rupture et du harcèlement qu’elle a subi, Juliet Lemonnier parle d’un homme qui aurait tenté de la « contrôler », d’exercer son pouvoir sur elle. En 2012, elle décroche un petit rôle dans la comédie Stars 80. Alors qu’elle se prépare pour aller à l’avant-première qui doit se tenir au Grand Rex, Yohan Manca lui aurait signifié qu’il ne viendrait pas avec elle, avant de changer d’avis à la dernière minute. « Je crois que je lui dis non, que c’était trop tard, que je n’avais pas envie qu’il vienne. On commence à s’embrouiller. Il a pété un plomb. Je vivais dans un studio et j’avais une porte en bois entre ma chambre et la salle à manger. Il était tellement énervé qu’il a défoncé la porte ».

Dans notre échange avec Yohan Manca, celui-ci nous a affirmé ne pas se souvenir avoir commis ce geste.

Elle raconte aussi une dispute, qui lui aurait laissé des marques physiques pendant plusieurs jours :

« Un jour, on s’engueule sur le quai d’un train. Une fois à l’intérieur du wagon, on se retrouve face à face et d’un coup, il sort un peu de ses gonds. Avec sa main, il m’appuie très très fort sur la cuisse. Les jours qui ont suivi, j’ai eu de très gros bleus et j’ai réagi comme une femme battue. J’ai mis un jean alors qu’on était en plein été. Au bout de quelques jours, j’ai fini par mettre un short ou une jupe. Je ne voulais pas trop que ça se voie, parce que j’avais un peu honte, et en même temps, effectivement, je voulais que ça se voie pour qu’on me demande et pour que je raconte ».

Elle reconnaît avoir là encore « minimisé » cette manifestation de violence : « C’était en 2013 et on n’en parlait pas beaucoup ».

Juliet Lemonnier ne se souvient pas de l’objet de la dispute, mais se rappelle qu’elles avaient souvent pour motifs la jalousie. Yohan Manca affirme ne pas se souvenir de cet incident.

Elle décrit des pressions psychologiques fréquentes dans leur relation, raconte s’être sentie « rabaissée ». « Il se permettait de me dénigrer, de dénigrer mon travail parce que je tournais pour la télévision et que c’était pas noble pour lui. C’était tout le temps des colères, et il me faisait me sentir de plus en plus mal. Mais par amour, on excuse, on justifie ».

Juliet Lemonnier après Judith Chemla d autres femmes accusent Yohan Manca
Juliet Lemonnier (capture Youtube)

Juliet Lemonnier raconte aussi que Yohan Manca dénigrait ouvertement Lucile, la « faisait passer pour folle ». Il serait allé jusqu’à lui demander de témoigner en sa faveur, après la plainte pour appels téléphoniques malveillants réitérés déposée par Lucile en 2012. « Il m’avait demandé d’écrire une lettre pour dire qu’il n’avait rien à se reprocher et que Lucile racontait des conneries. Là, je lui ai dit “tu es un malade, je ne peux pas dire ça alors que toi-même, tu es en ce moment même en train de me harceler !” ». Juliet Lemonnier refuse fermement de témoigner pour ne pas la discréditer.

Questionné sur ce point, Yohan Manca affirme ne pas s’en souvenir : « C’était il y a dix ans, je ne sais plus du tout ». Quant au dénigrement de Lucile devant Juliet Lemonnier, il apporte une réponse similaire, ajoutant : « Parfois on dit des choses, plein de gens ne sont pas très sympas avec leurs ex ».

D’autres femmes nous ont raconté avoir subi les crises de Yohan Manca.

« Si je ne vois plus mes enfants, je te dégomme, je détruis ta vie »

Retour à l’audience du 7 avril 2022. Judith Chemla évoque un climat de violence, des accès de colère, notamment pendant sa grossesse. Elle affirme avoir été longtemps « conciliante » face à un homme jaloux qui exigeait par exemple de tout savoir des détails les plus crus de ses relations passées. Elle revient notamment sur une scène lors de vacances au Mexique, au début de leur relation.

« Un cauchemar », se remémore-t-elle aujourd’hui. Elle est enceinte de quatre mois. Alors qu’ils sont en voiture sur une autoroute, Yohan Manca l’aurait questionnée avec insistance sur les détails d’une histoire passée avec un homme déjà en couple. Cette conversation sur sa vie sentimentale l’aurait fait entrer dans une rage intense : « Il donne des coups violents dans le plafond de la voiture et freine brutalement en pleine autoroute. Il dit ”on va l’appeler, je vais parler à sa meuf de tout ça”. Je descends de la voiture, on est en plein désert, la situation est dangereuse. C’était vraiment terrible ».

Lors de conversations par sms datant de leur rupture, en juillet 2021, les échanges de Judith Chemla et Yohan Manca mentionnent aussi des moments de violence : « Tu passes avant dans tous ces moments de violence, et ils sont nombreux » écrit Judith Chemla. Yohan Manca réfute : « Non, ils ne sont pas nombreux, ne dis pas ça ». Dans les suites de la conversation, elle renchérit : « Que tu m’as poussée, que tu m’as traîné, que tu jettes des choses ». « Je sais Judith je sais il faut que je contrôle ça », admet Yohan Manca en réponse.

Marie affirme avoir eu connaissance de gestes similaires à l’égard de Judith Chemla. Nous avons pu consulter son témoignage, cité au procès :

«M. Manca m’a déjà dit un jour […] [qu’] il aurait attrapé un parapluie et lui aurait lancé comme un javelot. Il avait appris quelque temps auparavant qu’elle était enceinte. […] M. Manca m’a fait le récit qu’un jour en voiture, […] Mme Chemla aurait fait une remarque et en guise de réponse, il lui aurait tiré les cheveux ».

La suite du document précise :

« J’ai souvent fait la remarque à Monsieur Manca que selon moi, leur relation était violente et qu’il devait faire attention parce qu’un jour il pourrait aller trop loin et qu’il pourrait se faire accuser de violence conjugale. Il m’a déjà dit que peut-être il était violent mais que Mme Chemla était folle. J’étais étonnée par cette remarque […] ».

À l’issue de leur liaison, Marie affirme avoir reçu des menaces de la part de Yohan Manca, par téléphone. Dans un appel daté du 18 juin 2021, il lui aurait dit, dans un état de fureur et en hurlant, « Si je ne vois plus mes enfants, je te dégomme, je détruis ta vie ». Cet échange la plonge dans un état de stress intense. Auprès de Madmoizelle, elle affirme avoir ressenti une peur viscérale à l’égard de Yohan Manca au moment où il profère ces menaces.

Yohan Manca confirme avoir tenu ces mots : « Est-ce que j’ai détruit sa vie ? Non. Je ne contrôle pas mes mots quand je suis comme ça, je ne me rends pas compte que ça blesse énormément ». Il affirme s’être excusé instantanément.

Tourner la violence en dérision

Certaines des témoins décrivent Yohan Manca comme un homme au premier abord charmant, plein d’humour. Quand Juliet Lemonnier le rencontre, elle le perçoit comme un mec « hyper marrant, hyper sympa, avec un côté un peu lourd ». Judith Chemla se rappelle avoir vu en lui quelqu’un d’« extrêmement vivant, drôle », un homme « qui n’a pas peur ». Leur alchimie est instantanée, « une fusion physique directe, complètement électrique et parfaite ».

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Yohan Manca

Elles sont quatre à évoquer aussi sa capacité à user d’humour pour camoufler la violence de certaines situations, de certains propos. Lucile raconte : « Tout le monde était au courant pour les disputes et le harcèlement. Et sa manière à lui de prendre les choses avec autodérision et ironie faisait que tout le monde s’autorisait à en rire. Cette légèreté se retourne un jour contre nous quand on a vraiment besoin d’aide ».

Une description corroborée par Judith Chemla :

« Notre couple a tenu pendant cinq ans grâce à la distance qu’il savait avoir avec lui-même, et le fait qu’il réinjecte toujours de l’humour dans les situations pour les alléger de leur gravité. Le fait qu’il sache s’excuser et reconnaître ses torts à chaque fois me faisait croire à un possible changement qui n’a finalement jamais eu lieu ».

La comédienne rapporte qu’il lui aurait dit sur le ton de l’humour « Si tu me trompes, je te tue » : « J’étais très choquée et je lui avais demandé de retirer ces propos, je trouvais cela très grave. Il avait dit que c’était évidemment une blague, je me suis demandé en quoi cela était drôle ». Questionné sur ce point, Yohan Manca n’a pas répondu.

Une autre ex-compagne de Yohan Manca, elle aussi actrice et qui l’a connu en 2008, témoigne anonymement d’une relation qu’elle qualifie elle-même de « violente », ajoutant qu’elle « regrette qu’il n’ait pas appris de ses erreurs passées ». Elle le qualifie de « petit garçon » : « Comme les enfants il dit tout ce qu’il pense, il est très content de plaire, satisfait qu’on pleure pour lui, comme les enfants il a besoin d’exercer son pouvoir sur les autres pour affirmer sa personnalité, comme les enfants, il n’a pas de limite. Il fantasme la réalité, il est déçu quand il constate que le fantasme est plus envoûtant que le réel. Il fait de cette déception une toute-puissance ».

Une condamnation de plus pour de Yohan Manca : « On gronde gentiment »

Le 12 mai 2022, un mois après l’audience, Yohan Manca est reconnu coupable des faits de violence et de harcèlement et condamné à huit mois de prison avec sursis, avec une période probatoire de deux ans. Il devra suivre des soins et aura interdiction d’approcher Judith Chemla ou de se présenter à son domicile. Le non-respect de ces obligations entraînera la révocation du sursis.

Un « dernier avertissement » insiste la juge. Durant toute l’audience, cette dernière n’a pas caché sa curiosité à l’égard du réalisateur et de son métier, n’hésitant pas à s’enquérir du nombre d’entrées de Mes frères et moi, ou de ses apparitions en tant qu’acteur.

À l’issue du procès, Me Dorothée Bisaccia-Bernstein, alors avocate de Judith Chemla, nous a fait part de sa profonde consternation face à l’instruction de l’audience :

« Je trouve étonnant en 2022, d’assister à des audiences instruites de cette manière, avec des questions aussi rétrogrades : questionner l’adultère ou non comme à l’origine des violences ou faire des commentaires sur des violences qualifiées de ”désagréable”. C’est une manière de conduire une audience de manière obsolète, scandaleuse. Il y a une culture en France de ce que les violences domestiques intimes sont beaucoup moins réprimées que les autres ».

Concernant la condamnation de Yohan Manca, Me Dorothée Bisaccia-Bernstein dénonce un jugement qui relève de l’« admonestation maternelle » :

« Habituellement, en pénal, le sursis probatoire dure cinq ans [trois de plus que ce à quoi a été condamné Yohan Manca]. C’est le temps de la récidive. On gronde gentiment le monsieur qui s’est énervé, mais ce n’est ni de la justice qui sanctionne, ni de la justice qui répare. Ce n’est pas normal ».

Malgré cette décision pénale, les prises de paroles récentes de Judith Chemla semblent témoigner d’un harcèlement moral qui continue. Lors du procès, et encore aujourd’hui, elle « exige d’avoir la paix ».

* Le prénom a été changé.

Droit de réponse de Yohan Manca

À la suite de notre enquête publiée ce mercredi 13 juillet, Yohan Manca a souhaité nous faire parvenir un droit de réponse, que nous reproduisons ici :

« L’article paru dans votre publication porte gravement atteinte à mon image et appelle, de ma part, les commentaires suivants : Le respect, l’authenticité et le partage de valeurs humaines, m’ont toujours guidé dans mes relations personnelles et professionnelles. Ces valeurs cardinales m’ont permis de vivre des relations intimes de confiance et de partage, source d’un bonheur infini. Les allégations reprises dans votre article sont dénuées de tout fondement. Je les conteste formellement et fermement.

Sur les faits concernant Judith :

Le téléphone portable qui l’a blessée, dans un geste de colère, n’a pas été jeté intentionnellement sur son visage. Je l’ai regretté. Je le regrette. Je le regretterai toujours. Je suis meurtri et profondément désolé. J’ai été jugé avec la plus grande fermeté pour cela.

La mère de mon enfant n’a jamais été victime de violences conjugales, comme je me suis déjà exprimé sur le sujet.

Et aucune de mes compagnes n’a jamais reçu de coups. Ce n’est jamais arrivé. Cela n’arrivera jamais. Je n’ai jamais frappé une femme de ma vie. Jamais de ma vie. Je n’ai jamais cru à la loi du plus fort, ni dans mon couple, ni ailleurs. Je poursuivrai systématiquement, immédiatement toute affirmation contraire en justice.

Voici les vérités que nous entendons rétablir ici, qu’une enquête contradictoire aurait certainement permis de mettre en évidence. Je ne m’explique pas les raisons qui ont conduit à ne pas procéder à des vérifications d’usage sur des accusations aussi graves. J’ai donc chargé mon avocat de déposer plusieurs plaintes pour diffamation ainsi qu’une plainte contre X pour faux et usage, dans l’espoir que la lumière soit faite sur l’origine et le récit de ces allégations aussi farfelues qu’infondées. »

Crédit photo : Capture Youtube (Festival International du Film d’Amiens)

Violences conjugales : les ressources

Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :


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Les Commentaires

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Avatar de Slaw
18 juillet 2022 à 13h07
Slaw
Je venais de voir Judith Chemla dans Les goûts et les Couleurs et j'avais beaucoup apprécié son personnage. Cela me fait bizarre de l'entendre/la lire dans ces circonstances.
Je suis vraiment consternée par toutes les réponses données par cet homme : il n'assume rien, "oublie", se victimise, trouve moyen de faire son beurre avec les violences qu'il a commises (le court métrage)... Il est hyper flippant.
Et puis Libération qui se permet une petite blague sur les violences conjugales, on adore.
Merci pour le travail de fond.
4
Voir les 10 commentaires

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