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Troubles anxieux du post-partum // Source : Monkey Business Images
Daronne

Il faut qu’on parle du trouble anxieux du post-partum et de ses manifestations déstabilisantes

Moins connue que la dépression du post-partum, plus complexe à diagnostiquer, mais pas moins courant pour autant, le trouble anxieux du post-partum peut s’avérer particulièrement invalidant (et terrifiant). Alors, comment le dépister ? Et comment le soigner ?

Ressentir de l’anxiété quand on devient mère, c’est normal. Quand ma fille est née à la fin des années 2010, on parlait déjà de la difficulté psychologique du post-partum. En tout cas, j’en entendais déjà parler : sur internet, mais aussi de la part de mes amies daronnes qui avaient essuyé les plâtres.

Contrairement à la génération de ma mère, qui était entrée dans la maternité sans se douter une seconde d’à quel point elle se sentirait entravée, je savais que les sentiments contradictoires, voire pénibles, étaient normaux. De facto, le post-partum cumule les facteurs de stress : il y a le bébé fragile dont il faut assurer la survie, avec toute la fatigue et l’inquiétude que cela entraîne. Il y a l’ajustement identitaire. Et il y a la société, qui exige des femmes qu’elles fassent des enfants pour les inonder ensuite d’injonctions contradictoires et de standards irréalistes. Un contexte pareil n’encourage pas la sérénité. La preuve, 88 % des parents se déclarent épuisés et parmi les mères, elles sont 79 % à déplorer de la fatigue mentale et 85 %, de la fatigue physique.

À lire aussi : La dépression post-partum, ça concerne aussi les pères

L’anxiété en post-partum, normale ou pathologique ?

On parle de plus en plus des difficultés psychologiques susceptibles d’apparaître en post-partum et plus particulièrement du risque de dépression, le trouble psychologique postnatal de référence qui concernerait a minima 15 % à 20 % des femmes. Cette pathologie se caractérise notamment par de la tristesse, une fatigue intense ou encore la perte d’intérêt… La dépression n’est pas le seul trouble psychologique courant pendant cette période et un nouveau parent sur cinq développerait également des troubles anxieux.

Ces troubles et leurs conséquences sont rarement évoqués en tant que tels puisqu’ils sont souvent associés à des symptômes dépressifs et sont par ailleurs difficiles à mesurer. Après tout, c’est normal d’être stressé au moment du post-partum. Pourtant, de nombreuses mères témoignent de manifestations d’anxiété, parfois très invalidantes au quotidien. 

Morgane Roux, psychologue clinicienne spécialiste de la périnatalité et créatrice du compte Instagram Aube Maternelle a pu nous renseigner sur ces troubles anxieux du post-partum. Elle explique, tout d’abord, que l’anxiété est une émotion normale :

[Elle] est attendue, notamment lors de gros changements [à l’image du post-partum] (…) D’ailleurs, près de 40 % des mères présentent une forme légère à modérée d’anxiété au cours des 3 à 6 premiers mois de la vie de leur enfant.

Morgane Roux, psychologue clinicienne spécialiste de la périnatalité

Mais dans certains cas, cette anxiété se transforme en trouble pathologique qui peut pourrir le quotidien. On parle alors de trouble anxieux généralisé du post-partum :

Le Trouble Anxieux Généralisé du Post-partum (ou Post Natal General Anxiety Disorder) correspond à un ensemble de symptômes précis, et est une des deux maladies les plus répandues dans le post-partum, avec la Dépression post-partum (…)

Ce trouble anxieux va générer des ruminations anxieuses, de grandes inquiétudes difficiles à apaiser et parfois des troubles paniques. Il génère aussi des TOC et des phobies. De manière générale, l’inquiétude et l’anticipation de problèmes, rationnels ou non, sont les signes les plus prononcés.

Morgane Roux, psychologue clinicienne spécialiste de la périnatalité

Juste un peu d’anxiété ? Vraiment ?

Personnellement, la naissance de ma fille s’est accompagnée de beaucoup d’anxiété, que je considérais normale à l’époque, même si ce sentiment m’empêchait de profiter pleinement d’un quotidien pourtant agréable. L’angoisse s’est atténuée sans disparaitre totalement et a ressurgi de façon exacerbée quand mon fils est né. Malgré sa bonne santé manifeste, j’étais persuadée que mon bébé était porteur d’un handicap lourd. 

J’ai vécu pendant plusieurs semaines avec cette certitude profondément ancrée en moi. Elle s’est estompée avec le temps, pour laisser place à un sentiment flou de menace permanente et des phobies débilitantes. Il m’a fallu du temps et un « traitement médical pluridisciplinaire » pour réaliser que ce que j’avais vécu ne relevait pas du « stress tout naturel » en post-partum, mais d’un épisode particulièrement violent psychologiquement.

En abordant le sujet avec d’autres mères, je me suis rendu compte que j’étais loin d’être seule à avoir traversé des moments où la réalité nous échapperait presque. Comme mon amie Marika, qui a accepté de partager son expérience : 

Plusieurs moments [du post-partum] m’ont particulièrement marqué (…) Lors de ma première sortie seule avec mon bébé en centre-ville, j’ai rapidement senti que « c’était trop pour moi ». J’ai décidé de rentrer à la maison et sur le trajet du retour, dans les transports, j’avais peur de tout : qu’une personne ne tombe sur la poussette et n’écrase mon bébé, que la sécurité de la poussette ne lâche, qu’une bombe explose… Je suis arrivée chez moi en larmes, mon corps secoué de tremblements.

(…) Environ un mois plus tard, je me promenais avec ma poussette près de l’eau et je ne pouvais m’empêcher de la visualiser en train de tomber. Je réfléchissais à toutes les façons dont cela pourrait arriver et toutes les solutions pour sauver mon bébé. Par ailleurs, les premiers mois, quand je donnais le bain, j’avais la peur constante de noyer mon bébé.

Marika, mère d’un petit garçon de quatre ans

À l’instar de la dépression, des traumatismes passés, des pathologies psychologiques préexistantes, une grossesse et un accouchement difficiles peuvent favoriser l’émergence d’une anxiété post-partum invalidante. C’est ce qu’a vécu une autre de mes amies, Emmanuelle :

Suite au décès brutal de ma mère lorsque j’avais 12 ans, j’ai développé une immense peur de perdre les gens que j’aime. De nature assez stressée, lorsque mon fils est né, j’ai pensé que les angoisses qui me tenaillaient à son sujet étaient normales. Alors, je les ai laissées s’installer. J’avais peur pour sa vie. Qu’il ne se réveille pas, qu’il soit atteint d’une maladie, qu’il soit victime d’un accident. Quand il a commencé à marcher, j’étais terrorisée à l’idée qu’il tombe dans un canal ou sous une voiture. Très vite, les craintes sont devenues de véritables constructions de mon esprit dans lesquelles j’imaginais le pire. (…) Le travail avec la psychologue a mis en lumière de profonds traumatismes et j’ai pu analyser à quel point ma grossesse avait été difficile (…)

Emmanuelle, mère d’un petit garçon de cinq ans

Les manifestations de l’anxiété, déstabilisantes, mais fréquentes

Au-delà du sentiment d’angoisse diffuse et des symptômes physiques de stress (transpiration, tremblements, chaleur, troubles digestifs…), ces témoignages montrent que l’anxiété se manifeste souvent de manière très déstabilisante via des pensées intrusives et obsessionnelles terrifiantes, voire « indignes » ou potentiellement répréhensibles. On appelle cela des phobies d’impulsions. Baptiste Beaulieu, médecin, a expliqué ces phénomènes lors d’une chronique diffusée sur France Inter en 2020 :

Des méta-analyses montrent que 32 à 46 % des jeunes mamans éprouvent de telles pensées parasites. Ces chiffres montent jusqu’à 70 % dans certaines études. On parle de pensées intrusives, de craintes, du genre : je pourrais faire du mal à mon enfant, involontairement OU volontairement, l’étouffer ou l’empoisonner, ou le laisser tomber, le jeter contre le mur, etc., etc., etc.

Baptiste Beaulieu, France Inter, 24 février 2020

À lire aussi : Vous avez des pensées intrusives où vous faites du mal à votre enfant ? C’est normal…

Plus récemment, l’épisode du podcast Bliss Story diffusé le lundi 27 mars 2023 s’est également consacré à ces pensées intrusives et autres phobies d’impulsion au travers du témoignage d’une jeune mère qui confie sa solitude extrême face à ces manifestations.

Non traitées, elles peuvent ébranler la confiance en eux de parents qui finissent par douter de leur équilibre mental au point de s’imaginer représenter un danger pour leur enfant.

Médiatiser ces phénomènes permet de rassurer ces parents : s’imaginer pousser son enfant sous les rails d’un train ou paniquer à l’idée que le soleil se décroche pour s’écraser pile sur notre nouveau-né ne fait pas de nous des monstres ni des individus destinés à finir leur vie en unité psychiatrique sécurisée.

Aussi troublantes soient-elles, ces pensées ne reflètent en rien un sombre désir inconscient de faire du mal à notre progéniture. Nous sommes simplement des humains particulièrement éprouvés par une situation inédite et stressante.

Comment dépister et traiter l’anxiété post-partum

D’après la psychologue clinicienne spécialiste de la périnatalité, les troubles anxieux du post-partum toucheraient autant de personnes que la dépression. Pourtant, beaucoup de femmes n’ont pas instantanément conscience que l’angoisse en tant que telle doit faire l’objet d’une attention particulière, même si elles en subissent ses conséquences :

Pendant le mois qui a suivi la naissance de mon bébé, l’anxiété revenait à la tombée de la nuit pour ne s’apaiser que quelques heures plus tard. J’étais angoissée de manière irrationnelle, comme si une menace planait au-dessus de nous. Je me sentais nulle, j’avais l’impression de ne pas savoir m’occuper de mon bébé et de ne pas le comprendre. (…) Toute cette angoisse a fini par me déstabiliser (…) [Mais] Comme mes symptômes ne rentraient pas non plus dans la case dépression post-partum, je me suis sentie assez seule face à ça.

Camille, mère de deux petits garçons de 3 et 5 ans

Bien que le trouble anxieux généralisé du post-partum soit une réalité de la période postnatale, il n’existe pas encore d’outil de dépistage ou de diagnostic spécifiques. Comme nous l’explique Morgane Roux, on va plutôt parler de « continuum de l’anxiété », c’est-à-dire qu’on va évaluer le trouble en fonction de l’évolution des symptômes, de leur intensité et de leur fréquence. La question n’est pas de savoir si les symptômes sont « normaux » ou pas, mais à quel point ils sont gênants :

Si [l’anxiété] est normale, elle n’en est pas moins désagréable et peut faire l’objet d’un accompagnement psychologique, surtout pour éviter que ça s’aggrave.

Morgane Roux, psychologue clinicienne spécialiste de la périnatalité

Les professionnels sont habitués à traiter ce genre de maux. Ce qui nous semble inavouable et particulièrement tordu n’est que très banal pour un psychologue spécialiste de la périnatalité et se soigne très bien :

Pour les traitements, on recommande en général les thérapies cognitives comportementales ou intégratives (qui s’inspirent de différents courants). Un psychiatre spécialisé dans les troubles post-partum pourra également prescrire un traitement pharmacologique, même si vous allaitez.

Morgane Roux, psychologue clinicienne spécialiste de la périnatalité

Comme moi, mes amies sont passées par la case psychothérapeute et parfois traitement médicamenteux et vont de mieux en mieux :

Depuis je prends un traitement qui m’a ramenée à une vie plus sereine. Aujourd’hui, mon fils a cinq ans et demi, il est en parfaite santé et de mon côté, je parviens enfin à me détendre !

Emmanuelle

Quatre ans plus tard (…) j’ai enfin compris que j’avais un syndrome de stress post-traumatique. Ce syndrome ne disparaît pas de lui-même, mais avec une thérapie, les chances de guérison sont grandes.

Marika

Osez parler de ce qui se passe dans votre tête, n’ayez pas honte et ne vous contentez pas de survivre sous prétexte que c’est « normal » d’être stressée. Anticiper le pire à chaque seconde et craindre les conséquences de ses moindres gestes est, certes, courant en post-partum, mais en aucun cas normal. N’hésitez pas à vous faire accompagner et aider.

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Les Commentaires

10
Avatar de Matilda Verdebois
11 avril 2023 à 13h04
Matilda Verdebois
@MaïaLéa Haha oui, c'est pour l'âge mais elles sont surtout beaucoup à avoir leur premier !
Je n'ai vu qu'après que tu en avais déjà un (c'est bien ça ?), donc tu sais déjà un peu comment ça se passe.
Courage !
1
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