Les couilles sur la table, réalisé par Victoire Tuaillon chez Binge Audio, fait partie des podcasts que j’écoute religieusement. Tous les 15 jours environ, elle invite des expert·es pour discuter de thématiques liées à la masculinité et à la virilité, et c’est souvent très intéressant.
L’épisode paru cette semaine et qui aborde le sujet de la pénétration dans la sexualité hétéro, m’a particulièrement fait cogiter. Pendant trente minutes, Victoire Tuaillon échange avec l’écrivain Martin Page, qui a récemment publié l’essai Au delà de la pénétration, et cette discussion a réussi à remettre en cause plusieurs de mes certitudes et automatismes.
L’épisode commence par expliquer que les scripts sont très figés en matière de rapports hétérosexuels pour de nombreux couples, avec des étapes et des passages « obligés » : préliminaires, pénétration vaginale, éjaculation, fin du rapport. L’utilisation du mot « préliminaires » est en elle-même problématique, puisqu’elle sous-entend que tout ce qui n’est pas le « plat principal » (comprendre : la pénétration), ne serait qu’une mise en bouche.
Inégalités face aux orgasmes
Le problème, c’est que plusieurs études montrent qu’il existe aujourd’hui un « orgasm gap » : les femmes jouissent moins souvent que les hommes. Et les femmes hétérosexuelles, jouissent moins souvent que les lesbiennes. Ainsi, selon une étude américaine, 95% des hommes hétéros ont toujours (ou presque toujours) des orgasmes quand ils ont un rapport avec une partenaire qu’ils connaissent bien. Pour les lesbiennes, le pourcentage descend à 86%, et pour les femmes hétérosexuelles, il tombe à 65%.
Selon la même étude, les femmes étaient plus susceptibles d’avoir eu un orgasme lors de leur dernier rapport sexuel, si celui-ci avait donné lieu à des baisers profonds, de la stimulation génitale avec les doigts et/ou du sexe oral.
Les couples français semblent être ceux qui pratiquent le plus la pénétration vaginale, selon une étude de l’Ifop datant de 2015
. 82% des Françaises la pratiquent « souvent », contre 60% des Britanniques, 70% des Américaines, 74% des Allemandes et des Espagnoles. Et, malheureusement, seules 26% des Françaises déclarent jouir « très facilement » grâce à la pénétration vaginale. Sans même parler de celles pour qui la pénétration est douloureuse.
Et si on essayait les rapports sans pénétration vaginale ?
L’épisode du podcast soulève un autre paradoxe intéressant. Aujourd’hui, la majorité des rapports sexuels n’ont pas pour vocation la procréation. Ils ont plutôt pour objectif de donner et prendre du plaisir (ainsi qu’un tas d’autres motivations propres à chacun·e : se connecter à l’autre, se sentir désiré·e, se détendre, etc). Pourtant, la pénétration vaginale est toujours pratiquée en masse (voir les chiffres ci-dessus), alors même que c’est la pratique la plus risquée en matière de grossesse non désirée !
Pourquoi continue-t-on encore autant à pratiquer la pénétration vaginale au sein des couples hétéros lorsque l’on ne cherche pas à avoir d’enfant ? Et alors que la pénétration ne semble pas être la pratique la plus à même d’apporter du plaisir aux femmes ?
Dans l’imaginaire collectif, on a encore du mal à considérer que l’on peut avoir un rapport sexuel sans passer par la case pénétration vaginale. Pourtant, il existe de multiples alternatives : le sexe oral, les caresses, la masturbation mutuelle…
Comme le rappellent Victoire Tuaillon et Martin Page, il ne s’agit de remplacer une injonction par une autre en mettant en place de nouvelles normes, mais cet épisode est une invitation à réfléchir ensemble à d’autres pratiques sexuelles, qui font du bien aux deux partenaires.
L’ultime tabou
L’épisode aborde également le sujet de la pénétration anale sur les hommes, un sujet encore très tabou chez les hétérosexuels. Pourtant, la prostate est une zone érogène, et elle est susceptible de donner aux hommes des orgasmes très intenses.
Enfin, d’autres thématiques connexes sont abordées dans le podcast, et notamment la question du vocabulaire que l’on utilise pour décrire les rapports sexuels. L’utilisation du verbe « pénétrer » n’est pas anodine, puisqu’elle sous-entend que l’homme est actif et la femme passive. Il est temps de commencer à imaginer d’autres propositions : englober, envelopper… (Ajoute les tiennes dans les commentaires !).
J’aimerais bien aussi à titre personnel qu’on laisse de côté le champ lexical de la violence souvent employé pour décrire des relations sexuelles (défoncer, déglinguer, empaler, etc). Comme de nombreux aspects de nos vies, la sexualité au sein d’un couple hétérosexuel est imprégnée par le patriarcat et la domination masculine, et je pense qu’écouter cet épisode en couple peut être un chouette moyen de commencer à déconstruire tout ça.
Bref, foncez l’écouter si ce n’est pas déjà fait. L’épisode dure environ 30 minutes et il est vraiment passionnant (du genre à te faire rater ton arrêt de métro). Et si tu n’aimes pas trop les podcasts, tu peux te procurer le livre de Martin Page Au-delà de la pénétration, aux éditions Monstrograph, une maison d’édition qu’il a créée avec sa compagne.
Et toi, tu as déjà réfléchi à la question ? Qu’est-ce que tu en penses ? Viens en parler dans les commentaires !
Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.
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