Je vis et j’assume mon homosexualité depuis maintenant plusieurs années. Depuis ma première relation avec une fille, il y a 5 ans, quand j’avais 17 ans, j’ai été confrontée à divers préjugés, idées reçues et autres clichés, et je pense que ce sujet peut intéresser les madmoiZelles. Ces articles n’ont pas vocation à être universels et exhaustifs, il s’agit simplement de choses que j’ai souvent entendues, et j’espère que chacun(e) y trouvera des éléments intéressants.
On commence assez logiquement par se pencher sur quelques idées reçues concernant l’orientation sexuelle et la découverte du monde lesbien.
« Pourquoi je suis lesbienne ? »
Idée reçue n°1 : Une lesbienne a forcément vécu une expérience traumatisante dans le passé.
Eh non. Ça peut évidemment arriver, mais probablement pas plus souvent que chez les hétérosexuel(le)s. L’homosexualité n’est pas forcément issue d’un traumatisme, et heureusement ; idem pour l’idée assez répandue selon laquelle les lesbiennes et (surtout) les gays auraient viré de bord à cause d’un père absent et d’une mère omniprésente, voire étouffante.
Mes parents vivent toujours ensemble, ont été présents à parts égales durant mon enfance et mon adolescence, et ne m’ont jamais maltraitée. Comme partout, un traumatisme peut arriver, mais il n’y a pas de lien de cause à effet (et puis, j’ai eu de la chance : pensez-y, j’aurais pu être hétéro, quelle horreur !).
Idée reçue n°2 : Les lesbiennes ont vécu une mauvaise expérience avec un ou plusieurs hommes, aboutissant à un dégoût et une haine qui les ont poussées à se tourner vers les femmes.
Que ce soit clair : on ne choisit pas d’aimer tel ou tel sexe. C’est une attirance spontanée contre laquelle on ne peut rien faire. Une femme dégoûtée par ses expériences hétéro peut prendre conscience d’un penchant pour la gent féminine, qu’elle aurait intériorisé ou refoulé, mais ne va pas décider de changer de bord par défaut.
Et les hommes bien existent (heureusement). La plupart de mes connaissances lesbiennes n’a pas été traumatisée par une mauvaise expérience avec un garçon ; moi-même, je n’ai simplement jamais été attirée par un mâle, même si je les trouve chouettes en général. Mon amoureuse a eu deux relations longue durée avec des hommes, son deuxième copain était un amour, et pourtant elle est aujourd’hui avec moi, car elle a réalisé qu’elle préférait les filles.
Idée reçue n°3 : Les lesbiennes n’ont pas trouvé « le bon » et ne peuvent pas savoir qu’elles sont lesbiennes tant qu’elle n’ont pas essayé avec un garçon.
Aucun rapport ! Dit-on aux filles hétérosexuelles qu’elles n’ont simplement pas trouvé « la bonne » ? Bien entendu, cette idée est basée sur le modèle hétérosexuel dominant, mais comme je l’ai précisé plus haut, l’orientation sexuelle n’est pas une chose que l’on décide. Je n’ai pas « choisi » d’être lesbienne : je le suis, c’est comme ça, et heureusement, ça me va.
Je suis simplement certaine de n’être pas (ou alors, très très peu, et de façon très bien cachée) attirée par les garçons : je ne fantasme pas sur eux, je ne rêve pas d’eux et je ne tombe pas amoureuse d’eux. Ça peut arriver un jour, sait-on jamais, mais la probabilité me semble très faible.
Idée reçue n°4 : Les lesbiennes sont avec des filles parce qu’elles sont trop moches pour les hommes.
Merci, mais je ne me considère pas vraiment comme une mocheté et je connais beaucoup de filles splendides et homosexuelles. Et puis, ça veut dire quoi ce cliché ? Que les filles s’attachent moins au physique que les garçons ? Croyez-moi, quand on sort dans le « milieu » lesbien, le premier critère sur lequel on est jugée, c’est l’apparence (un peu façon « viande fraîche au marché » d’ailleurs).
La découverte
Idée reçue n°5 : C’est une passade.
À l’adolescence, on se cherche, c’est vrai. On est souvent très proche de ses amies, ce qui peut porter à confusion. Voyons ce qu’en dit le Dico des Filles :
« Parce que votre âge est celui des désirs confus et des sentiments troubles, et qu’il en est de même pour vos amies, apprenez à garder la bonne distance. L’intimité entre amies s’arrête aux limites de la pudeur. Évitez de dormir dans le même lit ou de prendre des douches ensemble afin de ne pas vous retrouver dans une situation gênante ».
Comme si ces situations ambiguës allaient pervertir nos jeunes filles en fleur, les livrant aux prédatrices que nous sommes…
Beaucoup d’adolescents passent par une phase de remise en question de leur orientation sexuelle, mais il est tout à fait possible de savoir dès ses 15 ans (voire plus tôt) si l’on préfère les filles ou les garçons. De nombreux(ses) homosexuel(le)s ont eu à subir le fameux « Ce n’est qu’une passade », qui part souvent d’une bonne intention mais implique que nous ne savons pas réellement qui on est et qui on aime, ou en tout cas que notre entourage le sait mieux que nous. Dire ce genre de choses, c’est en fait remettre en question la maturité d’esprit de l’autre, dans un contexte qui n’est déjà pas simple. Assumer sa sexualité telle qu’elle est n’est pas une sinécure, et ne pas être pris(e) au sérieux n’arrange rien.
Notons qu’il n’y a pas d’âge pour les passades : à 21 ans, ma copine a dû écouter sa tante lui dire « C’est sans doute une passade, tu dois avoir des problèmes à régler avec ton père… Je connais beaucoup de jeunes homosexuels, je sais de quoi je parle ». Alors par pitié, si quelqu’un vous fait son coming-out, oubliez ce type de pensées, écoutez-le (la) simplement, sans juger, et si les choses doivent effectivement changer, elles finiront par le faire d’elles-mêmes. Quand on fait son coming-out, c’est généralement après une mûre réflexion qui nous aura déjà amené(e)s à conclure que non, ce n’est pas une passade.
Idée reçue n°6 : Les lesbiennes font forcément une tentative de suicide à l’adolescence et doivent faire face à un rejet général.
Effectivement, comme pour les autres traumatismes évoqués plus haut, ce sont des choses qui arrivent. Certaines auront plus de mal à s’accepter et à s’assumer que d’autres. Mais une écrasante majorité de mes amies lesbiennes, moi y compris, a assez bien vécu son adolescence et appris en douceur à faire avec une orientation sexuelle « hors normes ».
Mon homosexualité n’a jamais été une source d’angoisse ; quand j’ai commencé à m’interroger, autour de mes 13 ans, il était déjà assez clair que mes parents n’auraient pas de problème avec le fait que je sois lesbienne. Quand je le leur ai appris, ils ont été très compréhensifs, plaçant mon bonheur au-dessus de tout ; les seules peurs de ma mère étaient que je me fasse agresser, que je souffre de discrimination. Ma petite sœur était ravie de me voir enfin en couple, mes différentes petites amies ont toujours été bien acceptées et mon amoureuse parle davantage que moi avec ma mère ! Mes amis n’ont pas vraiment été surpris, et même mes grands-parents paternels m’ont invitée à venir les voir avec ma compagne.
Évidemment, les choses ne sont pas toujours aussi simples. J’ai l’impression que le rejet est plus fréquent dans le cas d’un garçon faisant son coming-out, mais je sais qu’il existe, et que l’acceptation varie selon les familles. Cependant, on peut avoir de très bonnes surprises, car les personnes à qui on craint le plus d’annoncer la « nouvelle » sont rarement celles qui la prennent mal. On se fait facilement une montagne au sujet d’un élément finalement presque insignifiant, dont les autres se doutent depuis longtemps.
Le taux de suicide reste, malheureusement, plus élevé chez les jeunes homosexuels que chez les jeunes hétérosexuels, mais les choses peuvent aussi se passer très bien, et je tiens à mettre l’accent là-dessus. Je n’ai pas vocation à parler de chaque cas de figure possible, simplement de mon expérience : j’ai eu une adolescence aussi normale que possible, j’ai eu la chance de ne pas être rejetée par mes proches, d’avoir rencontré d’autres lesbiennes assez jeune (autour de mes 16 ans) qui m’ont éclairée au sujet des milliers de questions que je me posais, et d’avoir trouvé un forum sur Internet qui m’a aussi beaucoup aidée.
Suite de l’article
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Les Commentaires
Oui, voilà, merci, c'est totalement ça ! Et je plussoie pour le côté "sectaire" ou plutôt communautaire : on a parfois envie de se retrouver "entre nous", pour partager des expériences similaires sans doute, parce qu'on sait qu'on sera plus facilement comprise puisque d'autres auront vécu exactement la même chose que nous. Bien entendu, ça ne fait pas tout, mais ça fait parfois du bien ! (D'où le forum dont je parle qui m'a apporté beaucoup : du soutien, des conseils, des rires...)
Et merci pour tes mots. Et à toutes !