Les premiers secours, ce sont ces gestes qui permettent d’apporter de l’aide aux personnes victimes d’un accident, et que peuvent réaliser n’importe quel•le•s citoyen•ne•s. Tu en as probablement entendu parler lors de ta Journée défense et citoyenneté, ou tu as peut-être suivi la formation Prévention et Secours Civique de niveau 1, qui apprend les gestes de base. Malheureusement, ces gestes ne sont pas encore connus de tous•tes. Pourtant, d’après la Croix-Rouge :
« Les accidents du quotidien sont responsables chaque année de la mort de 20 000 personnes en France dont près de la moitié de personnes âgées. »
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À l’occasion de la Journée mondiale des premiers secours ce 12 septembre, cassons un peu le mythe autour du quotidien fantasmé des secouristes et l’image que nous en donnent à voir la télé et l’Internet. Voici quelques idées reçues autour du secourisme, et ce qu’il en est dans la réalité.
Pour sauver quelqu’un, rien ne vaut le bouche-à-bouche
Qui n’a pas en tête une scène de film où un personnage se précipite sur un autre, au bord de la noyade ou de la suffocation, et lui colle sa bouche sur le museau ? En général, la victime d’accident récupère comme par magie, et les deux protagonistes peuvent aussi finir par se rouler une pelle monumentale (bah oui, ils•elles ont déjà la bouche scellée l’une contre l’autre, donc tant qu’à faire hein).
Dans la vraie vie, tu t’en doutes un peu, ça ne se passe pas comme ça. Le bouche-à-bouche n’est pas une solution miracle, et il ne se pratique que dans certains cas, comme l’explique Marjorie, secouriste bénévole à la Protection civile, une association nationale de sécurité civile :
« Le bouche-à-bouche se fait uniquement lors d’un arrêt cardio-respiratoire, et on l’appelle insufflation. Mais il n’est plus obligatoire en ce qui concerne les secouristes citoyens bénévoles, tu as le droit de ne pas le pratiquer, par exemple si la victime a du sang dans la bouche.
D’ailleurs, dans le cas d’un arrêt cardio-respiratoire, on fait un massage cardiaque, qui comprime à la fois le coeur et les poumons. Du coup, quand on relâche, il y a déjà un appel d’air. En revanche, si les bénévoles ont du matériel, et notamment un ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle, ils sont obligés de faire les insufflations le temps de l’arrivée des secours. »
Joséphine, qui fait elle aussi partie de la Protection civile, me dit de son côté :
« Quand on est formé•e aux gestes de premiers secours (les bases), il n’y a pas de bouche-à-bouche à faire. Il n’est pas appris, à cause des risques de transmission de maladie, et des problèmes d’hygiène. »
Les gestes de premiers secours qu’apprennent les bénévoles sont définis par un référentiel du ministère de l’Intérieur, qui est aussi celui des pompiers. Ce sont donc les mêmes, qu’ils travaillent à la Protection civile, à la Croix-Rouge etc. Le Samu, en revanche, est régi par un référentiel différent, défini par le ministère de la Santé : les gestes sont les mêmes, souligne Marjorie, mais les attentes sont plus hautes envers les professionnels qu’envers les secouristes bénévoles.
Les secouristes sont des gens qui courent sur la plage, comme dans Alerte à Malibu
Même si tu étais à l’état de spermatozoïde dans les années 1980, tu as sûrement entendu parler d’Alerte à Malibu, éminente série télévisée dans laquelle Pamela Anderson court sur la plage en maillot de bain rouge moulant avec ses potos, pour aller sauver les touristes de la noyade. C’est probablement le cliché le plus courant sur les secouristes, et il est évidemment à côté de la plaque (de verglas).
Marjorie me confirme :
« Même si ça peut sembler évident, on n’est pas des blondes à gros seins… Pourtant, on nous le ressort souvent en poste de secours, il y a toujours un mec qui passe à côté et va dire qu’il se sent pas bien, qu’il faut lui faire du bouche-à-bouche. »
D’accord, mais est-ce que les secouristes font des petites foulées sur la plage dès qu’un poisson a l’air de boire la tasse ? Pas tout à fait, explique Marjorie :
« On travaille toujours en équipe, à deux minimum. Sur un poste de secours, il y a toujours un chef d’équipe qu’on connaît. On a nos radios sur nous : si quelqu’un de l’extérieur arrive et a un problème, on se prévient et on se dit où on part. Et quand on va sur place, l‘un•e des deux secouristes fait ce qu’on appelle un bilan circonstanciel : il constate s’il y a une ou plusieurs victimes, la nature de l’accident, les dangers éventuels…
On cadre la victime, et soit on la déplace, soit on fait le bilan sur place. Le chef d’équipe recueille toutes les données, juge s’il faut évacuer ou non, transmet les bilans au Samu ou aux pompiers. »
En fait, pour être surveillant•e de piscine, il faut être titulaire d’un diplôme, le Brevet National de Sécurité et de Sauvetage Aquatique, auquel peuvent former les associations qui enseignent les premiers secours, d’après Marjorie. Les futur•e•s surveillant•e•s vont apprendre les premiers secours de niveau 1 et passer des épreuves en piscine. Pour être surveillant de plage, c’est encore différent : ils et elles doivent maîtriser les premiers secours de niveau 2.
Comme dans New York 911, on fait des piqûres dès l’arrivée des secours
Une scène de secours dans un film ou une série, c’est souvent l’effervescence. Tout le monde s’affaire autour de la victime, à laquelle on colle un masque à oxygène, des piqûres, des médocs pour aller mieux… Bon, je risque de ne pas te surprendre si je te dis que tout ne se passe pas comme dans New York 911.
Joséphine remet directement les pendules à l’heure en ce qui concerne les secouristes bénévoles, qui ne sont pas du personnel médical :
« On ne fait pas de soins à proprement parler : on fait des désinfections, ou on « conditionne » pour les pompiers, mais on ne donne pas de médicaments. On ne fait aucun acte invasif de type perfusion ou piqûre. »
Marjorie confirme :
« On est très limités : on n’a pas le droit de donner des médicaments, ni d’utiliser des crèmes, à cause des allergies. On va plutôt soigner les plaies ou faire une compression, ce qu’on appelle la bobologie. Les pompiers n’ont pas le droit de donner des médicaments, il faut une autorisation d’un médecin pour cela. »
Le seul médicament autorisé pour les secouristes bénévoles, ajoute-t-elle, c’est l’oxygène :
« On utilise le saturaumètre, la pince qu’on met au bout du doigt, pour mesurer la saturation d’oxygène. Il faut qu’elle soit à 100% : en-dessous de 95%, on donne de l’oxygène. Pour cela, on doit prévenir le Samu, et on utilise deux types de masques différents. Le masque à oxygène peut être employé dans différentes situations, par exemple après une hémorragie, ou pour une personne à qui on a fait une compression parce qu’elle venait de s’étouffer… »
Le brancardage, ça se fait à l’arrache, et tant pis si la victime tombe sur le terrain de foot
C’est un grand classique de l’Internet, digne des années Vidéo Gag : les vidéos de footballeurs accidentés qui tombent des brancards, transportés de manière assez peu courtoise par des secouristes qui ont visiblement un train à prendre, pullulent dans les résultats Google. Outre le fait que cette vision est plus dangereuse que drôle, elle n’est pas vraiment représentative d’un vrai brancardage.
Marjorie m’explique :
« Un brancardage ne se fait pas à deux, mais quatre personnes. Et les brancardiers ne peuvent pas être dos au brancard et partir dans des directions opposées, ça marchera jamais ! Ces derniers sont de plusieurs types : dans 95% des cas, on utilise un plan dur, une planche rigide en plastique. Il y a aussi une façon spécifique de mettre une victime sur le brancard : les relevages vont être différents suivant la lésion, et il faut respecter l’axe du tronc et garder le dos bien droit pour éviter d’autres lésions. »
En fait, un brancardage par les secouristes bénévoles est très organisé :
« Avant tout, on vérifie que la victime arrive à bouger les mains et les pieds. On fait le relevage, et on l’attache pour qu’elle ne tombe pas. Après, on re-vérifie la motricité, pour vérifier qu’il n’y a pas eu de lésions pendant le relevage qui pourraient provoquer une paralysie. Et on se parle constamment, entre secouristes, pour être en harmonie, parce que si une personne merde, la victime va pencher…
Avant de soulever le brancard, le chef d’équipe demande : « Équipiers, êtes-vous prêts ? Attention pour le lever, levez ! ». »
Elle-même a déjà été employée comme secouriste bénévole pour des matchs de foot de ligue 1 :
« En fait, ils ne nous appellent quasiment jamais, ce sont souvent les assistants de l’entraîneur qui arrivent d’abord avec leur bombe de froid, et ça repart. Il faut dire qu’il y a beaucoup de choses en jeu, c’est différent… Du coup, on sort les secouristes qui viennent d’une association vraiment au dernier moment. »
Les secouristes sont principalement des femmes, façon Adriana Karembeu
Depuis une quinzaine d’années, Adriana Karembeu, mannequin et ex-femme du footballeur Christian Karembeu, est porte-parole de la Croix-Rouge. Tu as probablement vu passer le fameux spot pour la quête de la Croix-Rouge qui proclame que « Si Adriana n’est pas là, c’est Robert qui s’en chargera ! ». Mais dans la réalité, est-ce que les secouristes bénévoles sont plutôt du genre Robert ou Adriana ? Difficile à dire, puisque je n’ai pas déniché de statistiques officielles sur le sexe des secouristes bénévoles. Pour Joséphine :
« Dans les séries, on voit beaucoup de femmes, dans la réalité, c’est beaucoup d’hommes… Alors que finalement, les femmes y ont tout à fait leur place ! Je suis secouriste, et j’ai fait des postes de secours jusqu’à sept mois de grossesse. Il est important qu’il y ait des femmes, parce qu’elles peuvent avoir une approche différentes des hommes, et certaines femmes peuvent souhaiter n’être prises en charge que par une autre femme… »
Au poste de secours auquel est rattachée Marjorie, il y a aussi une majorité d’hommes, mais pour avoir travaillé dans d’autres départements, elle a vu des équipes qui comprenaient plus de femmes. D’ailleurs, le secourisme est véritablement accessible à tous•tes :
« Il ne faut pas de condition physique particulière, il n’y a pas forcément besoin de force. On peut former les enfants au secourisme à partir de 10 ans, auquel cas on adapte les gestes qu’on apprend.
Après, c’est vrai qu’il y a des personnes assez âgées qui veulent faire du bénévolat et ne peuvent pas brancarder. Le brancardage, c’est facile sur des petites distances, mais sur une côte pendant une demi-heure, ça tire sur les bras. Mais elles peuvent toujours nous aider à autre chose ! »
Marjorie forme aussi à l’attestation Prévention et Secours Civique de niveau 1 :
« C’est un public assez mixte. Je demande souvent aux gens pourquoi ils viennent : la plupart le font dans le cadre d’une formation, d’un concours pour rentrer dans une école… Mais très peu pour leur connaissance personnelle. C’est un souci en France, parce qu’on est très peu formés, alors qu’avec les bases du secourisme, on peut éviter beaucoup de gaffes. J’ai déjà vu un enfant de 9 ans qui a su retourner en position latérale de sécurité une personne de 85 kg ! Et on n’a jamais vu un secouriste être condamné pour un geste mal fait. »
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